LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 septembre 2023
Rejet
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 806 F-D
Pourvoi n° S 21-21.144
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2023
La [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-21.144 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la [3], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présentes Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 16 juin 2021), la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse (la caisse) a, le 23 novembre 2018, informé la [3] (l'employeur) de la clôture de l'instruction de la demande de reconnaissance de la maladie déclarée par un de ses salariés et de la possibilité de venir consulter le dossier. Elle lui a notifié le 17 décembre 2018 la prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle.
2. L'employeur a saisi d'une demande en inopposabilité de cette décision une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors « que, dans les cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, la caisse informe l'employeur, au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier ; qu'il s'ensuit que la décision de la caisse n'est pas opposable à l'employeur lorsque celle-ci a fait obstacle à la consultation effective du dossier dans ses locaux ; qu'en l'espèce, l'employeur justifiait, d'une part, de l'avis donné par la caisse du 23 novembre 2018 de la possibilité de venir consulter sur place le dossier du salarié, lequel précisait qu'« avant de vous déplacer et afin de vous accueillir dans les meilleures conditions, je vous invite à prendre rendez-vous auprès de nos services, en ligne sur ameli.fr ou par téléphone au 3679 », d'autre part, de l'attestation d'une salariée de l'entreprise, relatant avoir appelé la caisse afin de convenir d'un rendez-vous pour venir consulter le dossier et avoir eu au téléphone un agent de celle-ci lui ayant promis de revenir vers elle pour lui donner une date de consultation du dossier, ce qu'il n'avait pas fait ; que, pour juger la procédure d'instruction contradictoire régulière, la cour d'appel a retenu que « les prescriptions de l'article R. 441-14 susvisé ayant été respectées, et aucun refus délibéré de consultation du dossier n'étant caractérisé, il doit être considéré que la caisse n'a pas manqué à l'obligation qui lui est faite de garantir le respect d'une procédure d'instruction contradictoire à l'égard de l'employeur, ce qui rend opposable à celui-ci sa décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par un de ses salariés» ; qu'en statuant ainsi, quand il s'évinçait de ses constatations que la caisse avait fait obstacle à la consultation effective du dossier du salarié en omettant de rappeler l'employeur pour lui donner une date et une heure de rendez-vous, ce dont il résultait que la décision de la caisse, faute d'avoir été prise au terme d'une procédure contradictoire régulière, était inopposable à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale en sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 et l'article R. 441-13 du même code en sa réaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11 du même code, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.
5. L'arrêt relève que par courrier daté du 23 novembre 2018, reçu le 29 novembre 2018, la caisse a informé l'employeur de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier avant le 14 décembre 2018, date à laquelle elle prendrait sa décision. Il retient qu'une seule prise d'attache avec la caisse, pour obtenir un rendez-vous afin de consulter le dossier, à laquelle celle-ci n'aurait pas donné suite, ne saurait suffire à établir un manquement sérieux de sa part, et que les prescriptions de l'article R. 441-14 ayant été respectées, ni aucun refus délibéré de consultation du dossier caractérisé, la caisse n'a pas manqué à l'obligation qui lui est faite de garantir le respect d'une procédure d'instruction contradictoire à l'égard de l'employeur.
6. De ces constatations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, dont elle a fait ressortir que la caisse avait satisfait de manière loyale et suffisante à son obligation d'information et au respect du contradictoire à l'égard de l'employeur, la cour d'appel a exactement déduit que la décision de prise en charge était opposable à celui-ci.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du sept septembre deux mille vingt-trois par Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.