LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 septembre 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 594 F-D
Pourvoi n° W 21-22.390
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2023
1°/ M. [Z] [R], domicilié [Adresse 3],
2°/ M. [G] [E], domicilié [Adresse 4], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [Z] [R],
ont formé le pourvoi n° W 21-22.390 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Le Clos de Champagnier, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [R] et de M. [E], ès qualités, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Le Clos de Champagnier, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [E], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [R] de sa reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 juillet 2021, RG n° 21/00742), rendu en référé, par actes du 30 novembre 2013 et du 20 décembre 2015, la société civile immobilière Le Clos de Champagnier, (la SCI) a donné à bail à M. [R], des boxes, des paddocks, un manège, une carrière, une allée de cavalerie et des selleries.
3. Le 18 février 2020, invoquant l'occupation par M. [R] d'une parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 2] qui n'était comprise dans l'assiette d'aucun des deux baux, la SCI l'a assigné en expulsion.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. [E], ès qualités, fait grief à l'arrêt d'ordonner l'expulsion de M. [R], alors :
« 1°/ que la preuve de l'existence d'un bail rural peut être rapportée par tous moyens ; qu'en considérant que M. [R] ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un bail dont il serait titulaire sur la parcelle cadastrée section B nº [Cadastre 2], tout en constatant qu'il avait occupé cette parcelle pendant plus de huit ans et que la SCI Le Clos de Champagnier avait mis à sa charge une obligation d'entretien concernant cette parcelle, ce dont elle aurait dû déduire que la preuve de l'existence d'un bail rural verbal était démontrée par M. [R], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que le paiement d'un loyer caractérise l'existence d'un bail ; que dans ses écritures d'appel, M. [R] faisait valoir qu'il avait acquitté un loyer au titre de la parcelle en cause, ce qui démontrait l'existence du contrat de bail litigieux ; qu'en affirmant que M. [R] ne justifiait pas l'existence d'un bail portant sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 2], sans rechercher, comme elle y était invitée, si un loyer avait été versé au titre de cette parcelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
3°/ qu'en tout état de cause, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique ; qu'en considérant en l'espèce que l'occupation par M. [R] de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 2] était constitutive d'un trouble manifestement illicite, tout en constatant que cette occupation durait depuis plus de huit ans sans contestation de la part du propriétaire, ce dont il s'évinçait une absence de trouble au sens de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, dès lors que la situation de fait qu'elle constatait ne caractérisait pas une violation évidente de la règle de droit, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé ce texte. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, qui, en l'absence d'assimilation de l'entretien d'une parcelle à une contrepartie financière, n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante ni de répondre à une simple allégation de paiement d'un loyer, a relevé, d'une part, que la parcelle était exclue des deux baux écrits et, souverainement retenu, d'autre part, que l'occupant ne justifiait pas d'un bail rural verbal.
6. Elle a pu en déduire que l'occupation de cette parcelle constituait un trouble manifestement illicite auquel il convenait de mettre fin en ordonnant l'expulsion de M. [R].
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [E], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [R], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [E], ès qualités et le condamne à payer à la société civile immobilière Le Clos de Champagnier la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-trois.