LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 octobre 2023
Cassation sans renvoi
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1003 F-D
Pourvoi n° P 21-26.017
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2023
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-26.017 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 12), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de Me Occhipinti, avocat de Mme [G], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présentes Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2021), le 21 juillet 2016, Mme [G] a été victime d'un accident de la circulation au Royaume-Uni, impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans cet Etat.
2. Mme [G] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une requête à fin d'indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête de Mme [G], alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1, alinéa 1, du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que le 21 juillet 2016, « Mme [G] a été victime d'un accident à [Localité 3], en qualité de piéton, impliquant un véhicule immatriculé en Angleterre » ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État alors partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était assuré et y avait son lieu de stationnement habituel, relevaient ainsi
de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [G] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 alinéa 1er et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure
à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances :
4. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles
d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances susvisés sont exclus de la compétence de la CIVI, peu important
que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.
5. Pour dire recevable la demande de Mme [G] formée devant la CIVI, l'arrêt énonce que le dispositif mis en place par la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 n'a pas d'incidence sur la détermination de la loi applicable, la situation de la victime étant à cet égard exclusivement régie par la Convention de la Haye. Il en déduit que, l'indemnisation de Mme [G] est régie par le droit anglais, que la requérante ne bénéficie donc pas des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 qui constitue l'exclusion expressément visée à l'article 706-3 du code de procédure pénale, exclusion qu'il n'y a pas lieu d'étendre aux accidents de la circulation survenus dans l'Union européenne, le régime d'indemnisation des victimes d'infractions n'étant pas subsidiaire.
6. Elle constate ensuite que la requérante remplit les autres conditions notamment de gravité des blessures, de sorte qu'elle a vocation à être indemnisée par la CIVI.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident de la circulation
dont avait été victime Mme [G] s'était produit au Royaume-Uni, Etat partie à l'Espace économique européen à la date du fait dommageable, et avait impliqué un véhicule immatriculé et assuré dans cet Etat, de sorte que les dommages résultant de cet accident étaient susceptibles d'être indemnisés par le FGAO, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte du paragraphe 4 à 6 que la requête de Mme [G] est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE irrecevable la requête présentée par Mme [G] ;
Laisse les dépens exposés tant devant la cour d'appel de Paris que devant la Cour de cassation à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel de Paris ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois.