LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 novembre 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 787 F-D
Pourvoi n° E 21-12.600
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 novembre 2021.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [BN].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 janvier 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023
1°/ M. [MX] [D] [KI],
2°/ M. [L] [J] [KI],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
3°/ M. [R] [WW] [VX] [NF], domicilié [Adresse 13],
4°/ Mme [F] [NW] [H] [NF], veuve [DY], domiciliée [Localité 17],
5°/ Mme [RC] [X] [KI], épouse [K] [JJ], domiciliée [Adresse 11],
6°/ M. [FN] [T] [U] domicilié [Adresse 15],
tous quatre pris en leur qualité d'ayants droit d'[B] [VX] [KI], décédé,
7°/ M. [E], [PD] [KI], domicilié [Adresse 14], pris en sa qualité d'ayant droit de [BH] [FW] [KI], décédée
ont formé le pourvoi n° E 21-12.600 contre l'arrêt rendu le 27 août 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre des Terres), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [A], [HU] [O], domicilié [Adresse 16],
2°/ au curateur aux biens et successions vacants, domicilié [Adresse 5], venant en représentation des ayants droit de [I], [Y], [AT] a [GV],
3°/ au curateur aux biens et successions vacants, domicilié [Adresse 5], venant en représentation des ayants droit de [NW] a [GV], épouse [S], [LH], [CZ] a [CA],
4°/ au curateur aux biens et successions vacants, domicilié [Adresse 5], venant en représentation des ayants droit de [EX] [IK] a [GV] ou [GV],
5°/ au curateur aux biens et successions vacants, domicilié [Adresse 5], venant en représentation des ayant droits de [CM] [Z] a [M] ou [G],
6°/ à la société SCA Heimoana Poe, dont le siège est [Adresse 2],
7°/ à M. [W] [P], domicilié [Adresse 4],
8°/ à M. [DU] [OE],
9°/ à Mme [CV] [N] [BN],
domiciliés tous deux [Adresse 18], 10°/ à Mme [GM] [EO] a [SB], domiciliée [Adresse 12],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de MM. [MX] et [L] [KI], de M. [C] [NF], de Mmes [F] [DY] et [RC] [KI] et de M. [T] [U], ces quatre derniers pris en leur qualités d'ayants droit de [B] [VX] [KI] et M. [E] [KI], pris en sa qualité d'ayant droit de [BH] [FW] [KI], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [P] et de Mmes [BN] et [SB], après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 août 2020), [BH] [KI], décédée le 25 juin 2007, aux droits de laquelle vient M. [E] [PD] [KI], et [B] [KI], décédé le 16 juillet 2013, aux droits duquel viennent M. [R][NF], Mme [F][NF], Mme [RC] [KI] et M. [FN] [U], MM. [MX] et [L] [KI] (les consorts [KI]), ont consenti à la société Hei Moana Poe un bail commercial enregistré le 15 août 2005 et portant sur la terre [Localité 8].
2. M. [O] a assigné les consorts [KI] en revendication de la propriété de la terre [Localité 8]-[Localité 9]-[Localité 6] et en inopposabilité du bail commercial.
3. M. [V], M. [OE] et Mme [BN], assignés en intervention forcée devant la cour d'appel et Mme [SB], intervenant volontairement devant la même cour, ont demandé que ce bail leur soit déclaré inopposable.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. Les consorts [KI] font grief à l'arrêt de dire que M. [P], M. [OE], et Mme [BN] démontrent venir aux droits de [CM] [Z] a [M] ou [G], revendiquante de la terre [Localité 9], tomite n° 391 JO du 6 avril 1899, et n° 459 JO du 13 avril 1899, que M. [P], M. [OE], et Mme [BN] ont intérêt et qualité à agir en contestation du bail commercial conclu entre la société Heimoana Poe et les consorts [KI] enregistré à la conservation des hypothèques de Papeete le 15 août 2005, et de dire que ce bail est inopposable aux autres propriétaires indivis des terres [Localité 9] et [Localité 6] ou [Localité 8], cadastrée AP n° [Cadastre 1], notamment à M. [P], M. [OE], et Mme [BN], alors « que les mentions cadastrales ne sont pas constitutives d'un titre de propriété ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la terre [Localité 9] et la terre [Localité 8] sont distinctes et ont fait l'objet de titres de propriété distincts : ''il est incontestable qu'il s'agit de deux terres distinctes, ayant fait l'objet de tomites distincts'' ; qu'il en résultait que, peu important les mentions cadastrales, la terre [Localité 9] et la terre [Localité 8] constituaient deux biens immobiliers distincts, les propriétaires de la première étant distincts des propriétaires de la seconde ; que la cour d'appel a pourtant retenu que MM. [P] et [OE] et Mme [BN], se prétendant propriétaires indivis de la terre [Localité 9], seraient copropriétaires indivis, avec les consorts [KI], propriétaires indivis de la terre [Localité 8], de ''la terre [Localité 10] [lire [Localité 9]]-[Localité 8]'', en sorte que MM. [P] et [OE] et Mme [BN] seraient fondés à se faire déclarer inopposable le bail conclu par les exposants sur la terre [Localité 8] ; qu'en se fondant, pour statuer ainsi, sur la seule circonstance ''que ces deux terres ont été cadastrées ensemble sous le n° AP n° [Cadastre 1] en 2005'', la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 544 du code civil :
6. Selon ce texte, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, dans les limites fixées par les lois et règlements.
7. Pour déclarer le bail consenti par les consorts [KI] à la société Hei Moana Poe sur la parcelle de terre [Localité 8], inopposable à M. [P], M. [OE] et Mme [BN], l'arrêt retient que ceux-ci démontrent venir aux droits de [CM] [Z] a [M] ou [G], revendiquant de la terre [Localité 9], selon tomite n° 391 JO du 6 avril 1899 et n° 459 JO du 13 avril 1899, que les deux terres ont été cadastrées ensemble sous le numéro AP n° [Cadastre 1] et qu'en l'absence de délimitation de ces terres, il n'est pas possible de dire si la parcelle mise à bail dépend de la terre [Localité 8] ou de la terre [Localité 9].
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la terre [Localité 9] et la terre [Localité 8] étaient distinctes et qu'elles avaient fait l'objet d'un procès-verbal de délimitation en 2005, et sans établir que M. [P], M. [OE] et Mme [BN] disposaient de droits indivis sur la terre [Localité 8], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et énonciations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le bail commercial conclu entre la société Hei Moana Poe et [BH] [KI], décédée le 25 juin 2007 et aux droits de laquelle vient aujourd'hui M. [E] [KI], [B] [KI], décédé le 16 juillet 2013 et aux droits duquel viennent aujourd'hui M. [R][NF], Mme [F][NF], Mme [RC] [KI] et M. [FN] [U], MM. [MX] et [L] [KI], enregistré à la Conservation des hypothèques de Papeete le 15 août 2005, inopposable aux autres propriétaires indivis de la terre [Localité 9], sis Archipel des Tuamotu, commune de [Localité 7], section de commune [Localité 17] cadastrée AP n° [Cadastre 1], l'arrêt rendu le 27 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;
Condamne M. [P], Mmes [BN] et [SB] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.