LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 décembre 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 809 F-D
Pourvoi n° B 22-11.152
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023
La société Pantin, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° B 22-11.152 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Franprix Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [H] [O],
3°/ à Mme [W] [M],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
4°/ à la société Foch Distribution, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], représentée par son mandataire M. [S] [N], domicilié [Adresse 2],
5°/ à la société A.M. Froid, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La société Franprix Holding a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Pantin, de la SCP Duhamel, avocat de M. [O] et de Mme [M], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Franprix Holding, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Pantin (la SCI) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société AM Froid et contre la société Foch distribution.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2021), le 19 juin 2008, M. [O] et Mme [M] (les consorts [O]-[M]) ont acquis un appartement situé au premier étage d'un immeuble, au dessus d'un local commercial à usage de supermarché, alors constitué d'une coque en béton dépourvue de tout aménagement et appartenant à la SCI.
3. Le 13 octobre 2009, la SCI a donné ce local en location à la société Franparis, aux droits de laquelle est venue la société Franprix Holding, qui l'a aménagé en chargeant la société AM Froid de la réalisation d'installations frigorifiques.
4. Le 24 février 2011, la société Franparis a cédé son fonds de commerce, comprenant notamment les installations frigorifiques, à la société Foch distribution.
5. Invoquant des nuisances sonores en provenance des installations frigorifiques excédant les inconvénients normaux du voisinage, les consorts [O]-[M] ont, le 11 février 2014, assigné la SCI et la société Foch distribution en suppression des nuisances et en réparation de leurs préjudices.
6. La SCI a appelé en garantie la société Franprix Holding qui à elle-même sollicité la garantie de la société AM Froid.
Examen des moyens
Sur les deux moyens du pourvoi incident et sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 2 800 euros la garantie lui étant due par la société Franprix Holding au titre du préjudice de jouissance subi par les consorts [O]-[M] entre juillet 2010 et février 2011, alors « que le contrat de bail prévoyait, en son article 10.2, une clause de garantie solidaire selon laquelle Le Preneur restera garant conjointement et solidairement avec son cessionnaire et tous autres cessionnaires successifs tant pour le paiement des loyers, charges et accessoires échus ou à échoir que pour l'entière exécution des charges et conditions du bail, et ce jusqu'à la fin de la période triennale suivant la période triennale en cours au moment de la cession ; qu'en retenant néanmoins que la société Franprix Holding venant aux droits de la société Franparis ne peut être tenue pour responsable que des préjudices de jouissance subis par les consorts [O]-[M] de juillet 2010 à février 2011, ce qui correspond à un montant de 2 800 euros" sans répondre au moyen par lequel la SCI Pantin démontrait qu'en exécution de cette clause le preneur initial à l'acte de bail, la société Franparis, demeurait solidairement responsable à l'égard du bailleur de la bonne exécution des charges et conditions du bail par ses successeurs jusqu'à la fin de la période triennale suivant la période triennale en cours lors de la cession à la société Foch Distribution, de sorte qu'elle devait être condamnée solidairement à la garantir des condamnations résultant des manquements de cette dernière à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Il résulte de ce texte que tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
10. Pour rejeter partiellement la demande en garantie formée par la SCI à l'encontre de la société Franprix Holding, l'arrêt retient qu'il résulte des articles 9.3 et 18 du contrat que le bailleur est entièrement garanti par le preneur des nuisances de toute nature résultant des installations et équipements installés dans le local mais que cette société n'est tenue de garantir la SCI des nuisances sonores subies par les consorts [O]-[M] que pour la période où elle louait le local et y exerçait son activité commerciale, soit du 13 octobre 2009 au 24 février 2011.
11. En statuant ainsi, en laissant sans réponse les conclusions de la SCI qui soutenait qu'en application de l'article 10.2 du contrat, en cas de cession du bail, le preneur restait garant conjointement et solidairement avec son cessionnaire pour l'entière exécution des charges et conditions du bail jusqu'à la fin de la période triennale suivant celle en cours au moment de la cession, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.
Mise hors de cause
12. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les consorts [O]-[M] dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Franprix Holding, venant aux droits de la société Franparis, à garantir la société civile immobilière Pantin à hauteur de 2 800 euros au titre du préjudice de jouissance subi par M. [O] et Mme [M] entre juillet 2010 et février 2011, l'arrêt rendu le 27 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Met hors de cause M. [O] et Mme [M] ;
Condamne la société Franprix Holding aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Franprix Holding, condamne la société Franprix Holding à payer à la société Pantin la somme de 3 000 euros et condamne la société Pantin à payer à M. [O] et Mme [M] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois.