LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 février 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 102 F-D
Pourvoi n° Y 22-16.462
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2024
La Société d'économie mixte du Val d'Orge (SORGEM), société anonyme d'économie mixte à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-16.462 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [O] [Z], domicilié [Adresse 6], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de son épouse, [L] [Y],
2°/ à la direction départementale de finances publiques de l'Essonne, service du Domaine, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la succession de Mme [L] [N] [Z], dont le siège est [Adresse 6], prise en sa qualité d'héritiers de leur mère, décédée, 4°/ à Mme [H] [Z]-[X], domiciliée [Adresse 6], prise en sa qualité d'héritière de sa mère, [L] [Y], épouse [Z], décédée,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société SORGEM, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la Société d'économie mixte du Val d'Orge (la SORGEM) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la direction départementale des finances publiques de l'Essonne.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2022), par arrêté du 1er août 2017, le préfet de l'Essonne a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté des Belles-Vues, sur le territoire des communes d'Arpajon et d'Ollainville.
3. Par arrêté du 11 juin 2018, les terrains nécessaires à la réalisation du projet ont été déclarées immédiatement cessibles au profit de la SORGEM, notamment plusieurs parcelles appartenant à M. [Z] et son épouse [L] [Z] (les expropriés).
4. L'ordonnance d'expropriation est intervenue le 9 septembre 2019.
5. Faute d'accord sur le montant des indemnités de dépossession, la SORGEM a saisi le juge de l'expropriation du département de l'Essonne.
6. [L] [Z] est décédée en cours d'instance, le 20 juillet 2021.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La SORGEM fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait l'indemnité de dépossession, alors « que le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les époux [Z] n'ont pas conclu en cause d'appel, et, par suite, n'ont pas interjeté appel, principal ou incident, ainsi que le constate l'arrêt ; qu'en augmentant l'indemnité d'expropriation qui leur avait été allouée en première instance sur le seul appel incident formé par le commissaire du gouvernement, la cour d'appel a violé l'article R. 311-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. M. [Z] conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.
10. Toutefois, le moyen est de pur droit, dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.
11. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article R. 311-22, alinéa 1er, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
12. Selon ce texte, le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.
13. Pour augmenter les indemnités d'expropriation fixées en première instance, l'arrêt retient l'évaluation proposée par le commissaire du gouvernement, appelant incident, supérieure à celle de l'expropriante.
14. En statuant ainsi, alors que les expropriés n'avaient pas interjeté appel, principal ou incident, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement, il fixe à la somme de 171 236 euros arrondis, en valeur occupée, l'indemnité totale de dépossession due par la société d'économie mixte du Val d'Orge à M. [O] [Z] et [L] [Z], décédée, et pour qui de droit, pour la dépossession des parcelles cadastrées section AB N°[Cadastre 3], AB N°[Cadastre 4], AB N°[Cadastre 5], AB N°[Cadastre 7], AB N°[Cadastre 8] à [Localité 9] se décomposant comme suit :
- indemnité principale : 151 992 euros
- indemnité de remploi : 19 244 euros,
l'arrêt rendu le 17 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-quatre.