LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 206 F-D
Pourvoi n° V 22-16.022
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MARS 2024
Mme [K] [X], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° V 22-16.022 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6-chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [N] [R], mandataire,
2°/ à M. [J] [U], domicilié [Adresse 4], mandataire,
tous deux, pris en qualité de liquidateurs de la société Parashop diffusion dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à l'UNEDIC délégation AGS (CGEA de [Localité 6]), dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [X], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [J] [U], mandataire et de la société Les Mandataires, prise en la personne de M. [N] [R], mandataire, tous deux, pris en qualité de liquidateurs de la société Parashop diffusion, dont le siège est [Adresse 2], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2022), engagée par la société Parashop diffusion à compter du 1er juillet 1996, Mme [X] a, par lettre du 28 juillet 2017, pris acte de la rupture de son contrat de travail et saisi, le 21 septembre 2017, un conseil de prud'hommes en sollicitant son indemnisation pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
2. Par jugement du 14 novembre 2018, dont Mme [X] a interjeté appel, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
3. La société Parashop diffusion a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 septembre 2020, la société Les Mandataires et M. [U] étant nommés mandataires liquidateurs.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [X] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les nouvelles demandes qu'elle a formées à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour préjudice moral distinct, de confirmer le jugement dont appel et de la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, alors « qu'aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu'est recevable en appel la demande en nullité du licenciement qui tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces demandes tendent à obtenir l'indemnisation des conséquences du licenciement qu'un salarié estime injustifié ; qu'en déclarant irrecevable la demande formée par Mme [K] [X] au titre d'un licenciement nul au motif que la règle de l'unicité de l'instance prud'homale avait été supprimée depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour les actions engagées postérieurement au 1er août 2016, ce qui était le cas de l'action engagée par Mme [K] [X], la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 565 du code de procédure civile :
6. Aux termes de ce texte, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
7. Pour déclarer irrecevable la demande formulée à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, l'arrêt relève que Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes afin de solliciter la qualification de la prise d'acte de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur en licenciement sans cause réelle et sérieuse et que, en cause d'appel, elle a formulé des demandes nouvelles suivantes de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et de 35 180 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct et retient que la règle de l'unicité de l'instance prud'homale a été supprimée depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour les actions engagées postérieurement au 1er août 2016, ce qui est le cas de l'action engagée par Mme [X].
8. En statuant ainsi, alors que la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul tendait aux mêmes fins que les demandes, formées devant les premiers juges, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
9. Mme [X] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel est tenue d'examiner, même d'office, si les nouvelles demandes formées en appel constituent ou non l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées en première instance afin de se prononcer sur leur recevabilité ; qu'en déclarant irrecevable la demande formée par Madame [K] [X] pour préjudice moral distinct, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande n'était pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de la prétention originelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 566 du code de procédure civile :
10. Aux termes de ce texte, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
11. Pour déclarer irrecevable la demande formulée à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, l'arrêt relève que Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes afin de solliciter la qualification de la prise d'acte de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur en licenciement sans cause réelle et sérieuse et que, en cause d'appel, elle a formulé des demandes nouvelles suivantes de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et de 35 180 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct et retient que la règle de l'unicité de l'instance prud'homale a été supprimée depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour les actions engagées postérieurement au 1er août 2016, ce qui est le cas de l'action engagée par Mme [X].
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ne constituait pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles formées par Mme [X] en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes nouvelles formulées par Mme [X] à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour préjudice moral distinct et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Les Mandataires et M. [U], en leur qualité de mandataires liquidateurs de la société Parashop diffusion, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre.