LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 avril 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 311 F-D
Pourvoi n° Q 22-13.280
Aide juridictionnelle totale en demande
pour M. [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 11 janvier 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024
M. [Y] [H], domicilié chez Mme [X] [H], [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Q 22-13.280 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [N], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société Abeille IARD & santé, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Eurofil assurance,
3°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Avanssur,
4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [H], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, venant aux droits de la société Avanssur, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [N] et de la société Abeille IARD & santé, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 juin 2021), M. [H], qui conduisait le véhicule de son frère, assuré par la société Avanssur, aux droits de laquelle se trouve la société Axa France IARD, a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [N], assuré par la société Eurofil assurance, aux droits de laquelle vient la société Abeille IARD & santé.
2. Après une mesure d'expertise judiciaire, M. [H] a assigné devant un tribunal de grande instance la société Avanssur, M. [N] et la société Eurofil assurance en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse).
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. [H] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice esthétique temporaire, alors « que la règle selon laquelle, à peine d'irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, ne s'applique qu'aux appels formés à compter du 1er septembre 2017 ; qu'en l'espèce, la cour a décidé que les demandes indemnitaires de M. [H] au titre de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice esthétique temporaire étaient irrecevables car elles n'avaient pas été présentées dans ses premières conclusions d'appelant du 10 mai 2017 ; que cependant, l'appel avait été interjeté le 13 février 2017, de sorte que la cour a violé les articles 22 et 53 du décret du 6 mai 2017 et 910-4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. M. [N] et la société Abeille IARD & santé soutiennent que le moyen est irrecevable, faute d'être né de la décision attaquée, dès lors que M. [H] n'avait pas conclu à l'inapplicabilité de ce texte au litige, alors qu'il avait été invoqué par la société Avanssur.
6. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt attaqué, est recevable comme étant de pur droit.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 910-4, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et l'article 53 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
7. Aux termes du premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
8. Il résulte du second que les dispositions de l'article 910-4, alinéa 1er, du code de procédure civile s'appliquent aux appels formés à compter du 1er septembre 2017.
9. Pour déclarer irrecevables, sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile, les demandes de M. [H] au titre de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice esthétique temporaire, l'arrêt énonce qu'elles n'ont pas été présentées dans ses premières conclusions d'appelant notifiées le 10 mai 2017.
10. En statuant ainsi, alors que l'appel avait été formé avant le 1er septembre 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, le quatrième moyen et le cinquième moyen, pris en sa première branche, réunis
Enoncé des moyens
11. Par son troisième moyen, pris en sa première branche, M. [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande relative au poste des dépenses de santé actuelles, alors « que dans ses conclusions devant la cour, il avait réservé l'indemnisation du poste de préjudice « dépenses de santé actuelles », dont la cour n'était donc pas saisie ; qu'en statuant pourtant sur une demande d'indemnisation de ce préjudice et en la rejetant, la cour d'appel a méconnu les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
12. Par son quatrième moyen, M. [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande relative aux dépenses de santé futures, alors « que dans ses conclusions d'appel, il avait réservé l'indemnisation du poste de préjudice « dépenses de santé futures », dont la cour n'était donc pas saisie ; qu'en statuant pourtant sur une demande d'indemnisation de ce préjudice et en la rejetant, la cour a méconnu les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
13. Par son cinquième moyen, pris en sa première branche, M. [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande relative au poste de préjudice de l'incidence professionnelle alors « que dans ses conclusions d'appel, il avait réservé l'indemnisation du poste de préjudice « incidence professionnelle », dont la cour n'était donc pas saisie ; qu'en statuant pourtant sur une demande d'indemnisation de ce préjudice et en la rejetant, la cour a méconnu les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
14. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
15. Pour rejeter, d'abord, la demande de M. [H] au titre des dépenses de santé actuelles, l'arrêt énonce que celui-ci ne formule aucune demande chiffrée, se contentant de la mention « réservé », en indiquant que la caisse n'a pas fourni de décompte.
16. Pour rejeter, ensuite, la demande de M. [H] au titre des dépenses de santé futures, l'arrêt énonce que celui-ci affirme avoir encore besoin de soins mais qu'il ne le justifie pas, se contentant de la mention « réservé » en indiquant que le poste ne peut être chiffré à ce jour.
17. Pour rejeter, enfin, la demande de M. [H] au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt énonce que rien ne permet de comprendre l'impossibilité de chiffrer un tel préjudice, étant rappelé que M. [H] ne travaillait pas au moment de l'accident, qu'il avait effectué des missions d'intérim comme cariste-magasinier et qu'il était titulaire d'un CAP de carrosserie.
18. L'arrêt en déduit qu'aucune indemnisation de ces chefs de préjudice ne sera allouée.
19. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, M. [H] avait sollicité que les postes des dépenses de santé actuelles, des dépenses de santé futures et de l'incidence professionnelle soient réservés et n'avait ainsi présenté aucune demande d'indemnisation de ces chefs, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
20. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevables les demandes de M. [H] au titre de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice esthétique temporaire et rejetant les demandes de M. [H] au titre des dépenses de santé actuelles, des dépenses de santé futures et de l'incidence professionnelle entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant in solidum la société Avanssur, la société Eurofil assurance et M. [N] à payer à M. [H] la somme de 7 276 euros en réparation de son préjudice corporel, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [H] au titre de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice esthétique temporaire, rejette les demandes de M. [H] au titre des dépenses de santé actuelles, des dépenses de santé futures et de l'incidence professionnelle et condamne in solidum la société Avanssur, la société Eurofil assurance et M. [N] à payer à M. [H] la somme de 7 276 euros en réparation de son préjudice corporel, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [N], la société Abeille IARD & santé et la société Axa France IARD venant aux droits de la société Avanssur, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [N], la société Abeille IARD & santé et la société Axa France IARD venant aux droits de la société Avanssur, à payer à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.