LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 mai 2024
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 368 F-D
Pourvoi n° G 21-23.781
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MAI 2024
M. [K] [Z], domicilié [Adresse 3] (Suisse), a formé le pourvoi n° G 21-23.781 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, première section), dans le litige l'opposant :
1°/ au comptable public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Meurthe et Moselle, domicilié [Adresse 2], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de Meurthe et Moselle et du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du Comptable public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Meurthe et Moselle, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de Meurthe et Moselle et du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 6 juillet 2021), M. [Z], qui demeure en Suisse, a formé opposition à l'arrêt d'une cour d'appel, rendu par défaut le 20 octobre 2020, sur l'appel incident provoqué du comptable public du pôle de recouvrement spécialisé de Meurthe-et-Moselle (le comptable public), qui l'a déclaré solidairement responsable, avec une société, du paiement d'une certaine somme et l'a condamné, in solidum avec l'appelant, à lui payer cette somme.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
2. Le comptable public et le directeur général des finances publiques soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi en faisant valoir que M. [Z] entend obtenir la cassation de l'arrêt du 6 juillet 2021 ayant déclaré irrecevable son recours en opposition formé à l'encontre de l'arrêt du 20 octobre 2020 alors qu'il a, parallèlement, formé un pourvoi incident à l'encontre de ce même dernier arrêt, que si la Cour de cassation venait à prononcer la cassation de l'arrêt du 6 juillet 2021, M. [Z] devrait ressaisir la cour d'appel pour que soit à nouveau tranché les questions de la reconnaissance de sa qualité de gérant de fait de la société Interbuild et de sa responsabilité solidaire et que ces questions sont celles qui font l'objet des débats devant la Cour de cassation dans le cadre du pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt du 20 octobre 2020. Ils en déduisent que M. [Z] ne présente aucun intérêt à obtenir la cassation de l'arrêt du 6 juillet 2021.
3. Cependant, M. [Z] justifie d'un intérêt à se pourvoir contre l'arrêt attaqué qui lui fait grief.
4. Le pourvoi est, dès lors, recevable.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. M. [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'opposition formée contre l'arrêt du 20 octobre 2020, alors « que le défendeur à l'opposition ne peut produire, pour la première fois, au cours de l'instance ouverte sur l'opposition les actes de procédure dont il résulte que la première décision a été inexactement qualifiée par défaut ; qu'en se fondant, pour modifier la qualification de l'arrêt rendu le 20 octobre 2020, sur « l'attestation de notification » et « l'accusé de réception » délivrés le 7 novembre 2019 par les autorités suisses, quand elle constatait elle-même que ces pièces n'avaient pas été portées à la connaissance des juges ayant rendu l'arrêt frappé d'opposition, ce dont il résultait pourtant qu'ils avaient exactement statué par défaut à l'égard de M. [Z], la cour d'appel a violé les articles 473, 565, 571 et 688 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article 572 du code de procédure civile, l'opposition remet en question, devant le même juge, les points jugés par défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
8. Selon l'article 536 du même code, la qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours.
9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la juridiction saisie d'une opposition peut, pour qualifier la décision frappée d'opposition, se fonder sur les actes de procédure délivrés, à l'occasion de l'instance initiale, au demandeur à l'opposition, peu important que ces actes n'aient pas été produits devant la juridiction ayant rendu la décision frappée d'opposition.
10. Le moyen, qui manque en droit, n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'appel provoqué est formé par voie d'assignation délivrée par un huissier de justice ; qu'en retenant, pour qualifier réputé contradictoire l'arrêt rendu le 20 octobre 2020 et déclarer en conséquence irrecevable l'opposition formée par M. [Z], que la citation lui avait été délivrée à personne, cependant que la notification de l'appel provoqué avait été réalisée en Suisse par un agent qui n'avait pas la qualité d'huissier de justice, en sorte que, faute de signification et faute de comparution de l'intimé provoqué, l'arrêt ne pouvait qu'être rendu par défaut, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 55, 68, 473 et 551 du code de procédure civile et 5 de la Convention de La Haye relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale. »
Réponse de la Cour
12. Il résulte de la combinaison des articles 909 et 68 du code de procédure civile que l'appel provoqué contre un tiers doit être formé par assignation.
13. En application de l'article 571 du code de procédure civile, l'opposition, qui n'est ouverte qu'au défaillant, tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut.
14. Il résulte des articles 473 et 474 du même code, que seul constitue un jugement rendu par défaut celui rendu en dernier ressort, en l'absence de comparution d'un défendeur, auquel la citation n'a pas été délivrée à personne. Il découle de la combinaison de ces textes que seul ce défendeur a la qualité de défaillant, au sens de l'article 571 précité.
15. Selon l'article 684 du même code, l'acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement européen ou un traité international autorise l'huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l'Etat de destination.
16. Selon l'article 684-1 du même code, l'huissier de justice ou le greffier relate dans l'acte les modalités de son expédition, de sa transmission ou de sa remise.
17. Selon l'article 688 du même code, la juridiction est saisie de la demande formée par assignation par la remise qui lui est faite de l'acte complété par les indications prévues à l'article 684-1 ou selon le cas, à l'article 687-1, le cas échéant accompagné des justificatifs des diligences accomplies en vue de sa notification au destinataire.
18. Selon l'article 5 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, l'Autorité centrale de l'Etat requis procède ou fait procéder à la signification ou à la notification de l'acte :
a) soit selon les formes prescrites par la législation de l'Etat requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire,
b) soit selon la forme particulière demandée par le requérant, pourvu que celle-ci ne soit pas incompatible avec la loi de l'Etat requis.
19. Ayant relevé, d'une part, que M. [Z] avait été assigné par un acte d'huissier de justice transmis à l'autorité compétente en Suisse selon la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, d'autre part, qu'il résulte des documents produits par le comptable public que la remise de l'acte avait été faite par un agent de police cantonale, à la personne de M. [Z], conformément aux règles légales suisses, la cour d'appel en a exactement déduit que celui-ci n'était pas défaillant au sens de l'article 571 précité, peu important que l'acte ne lui ait pas été remis par un huissier de justice, et que son opposition était irrecevable.
20. Le moyen n'est dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.