LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mai 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 387 F-D
Pourvoi n° S 22-21.401
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MAI 2024
M. [N] [C] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 22-21.401 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [D] [J], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Mme [J] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [C] [Y], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [J], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 10 mars 2022), dans un litige l'opposant à Mme [J], M. [C] [Y] a été condamné, par un arrêt du 6 décembre 2012, à démolir des ouvrages réalisés par lui sans autorisation administrative, et ce, sous astreinte de 10 000 FCP par jour de retard dans le délai de trois mois suivant la signification de la décision.
2. Par un arrêt du 27 juin 2019, M. [C] [Y] a été condamné à payer une certaine somme à Mme [J] au titre de la liquidation de cette astreinte pour la période du 30 juillet 2013 au 18 janvier 2019.
3. Invoquant l'inexécution persistante de son obligation par M. [C] [Y], Mme [J] a saisi la cour d'appel de Papeete aux fins de liquidation de l'astreinte pour une nouvelle période courant à compter du 19 janvier 2019 et de fixation d'une nouvelle astreinte.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, formé par M. [C] [Y]
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Sur le moyen du pourvoi incident, formé par Mme [J]
Enoncé du moyen
5. Mme [J] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de liquidation de l'astreinte pour la période postérieure au 2 mars 2020, et de la débouter de sa demande de nouvelle astreinte, alors « que le juge ne peut se fonder sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties que si elle est corroborée par d'autres pièces ; qu'en se bornant à relever, pour juger que l'arrêt du 6 décembre 2012 avait été exécuté et qu'aucune astreinte n'était due pour la période postérieure au 2 mars 2020, que « M. [C] [Y] produit un rapport de l'expert [X] en date du 4 mars 2020 duquel il résulte que les travaux de démolition de l'extension de la toiture et l'emmurement de l'entrée du garage ont été réalisés entre les visites du 7 octobre 2019 et du 2 mars 2020 », sans que ce rapport ne soit corroboré par aucune autre pièce, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention des droits de l'Homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
6. Il résulte de ce texte que, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire des parties, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.
7. Pour arrêter la période de liquidation de l'astreinte provisoire au 2 mars 2020 et rejeter la demande de fixation d'une nouvelle astreinte, l'arrêt relève que M. [C] [Y] produit un rapport d'expert du 4 mars 2020 duquel il résulte que les travaux de démolition de l'extension de la toiture et l'emmurement de l'entrée du garage ont été réalisés entre des visites du 7 octobre 2019 et du 2 mars 2020.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée exclusivement sur les conclusions d¿une expertise non judiciaire qui avait été réalisée à la demande de l'une des parties, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt relatifs à la liquidation de l'astreinte provisoire et au rejet de la demande de fixation d'une nouvelle astreinte entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes de dommages et intérêts formées par les parties pour résistance abusive et procédure abusive, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal formé par M. [C] [Y] ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;
Condamne M. [C] [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] [Y] et le condamne à payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-quatre.