LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mai 2024
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 405 F-D
Pourvoi n° M 22-20.614
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MAI 2024
La société SNCF voyageurs, dont le siège est [Adresse 8], venant aux droits de SNCF mobilités, a formé le pourvoi n° M 22-20.614 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [B], représenté par sa tutrice, Mme [W] [K],
2°/ à Mme [W] [K], prise en qualité de tutrice de M. [M] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
3°/ à Mme [F] [H], domiciliée [Adresse 3],
4°/ à la société Mutuelle des transports assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ à la société MACIF, dont le siège est [Adresse 1],
6°/ à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, dont le siège est [Adresse 2],
7°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 6],
8°/ à M. [Z] [L], domicilié [Adresse 7], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances,
défendeurs à la cassation.
M. [B] et Mme [K], en qualité de tutrice de M. [B], ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et M. [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances, ont également formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
M. [B] et Mme [K], en qualité de tutrice de M. [B], demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et M. [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances, demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société SNCF voyageurs, venant aux droits de SNCF mobilités, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [B] et Mme [K], en qualité de tutrice de M. [B], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et de M. [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MACIF, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 avril 2022), M. [B], agent de la SNCF, a été victime, le 9 novembre 2012, d'un accident de la circulation caractérisant un accident de trajet, dans lequel étaient impliqués un véhicule qui a pris la fuite et un véhicule conduit par Mme [H], assuré par la société Mutuelle des transports assurances (MTA).
2. M. [B], représenté par sa tutrice, a assigné aux fins d'expertise médicale et de provision, la société MTA, ainsi que son propre assureur, la société MACIF, et la caisse de prévoyance et de retraite du personnel SNCF devant un tribunal de grande instance.
3. L'établissement public SNCF mobilités, aux droits duquel vient la société SNCF voyageurs, est intervenu volontairement à l'instance.
4. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) et M. [L], en qualité de liquidateur de la société MTA, placée en liquidation judiciaire, sont intervenus volontairement à l'instance d'appel.
Recevabilité du pourvoi incident formé par M. [B] et Mme [K], contestée en défense
5. Le FGAO et M. [L], en qualité de liquidateur de la société MTA, font valoir que M. [B] et sa tutrice, Mme [K], qui ont formé un pourvoi principal contre l'arrêt et s'en sont désistés, ne sont pas recevables à former un nouveau pourvoi.
6. Il résulte de l'article 621 du code de procédure civile que lorsque la Cour de cassation constate son dessaisissement, la partie qui avait formé le pourvoi n'est plus recevable à en former un nouveau contre la même décision de fond.
7. M. [B] et sa tutrice se sont désistés le 25 septembre 2022 du pourvoi qu'ils avaient formé le 24 août 2022 contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 avril 2022, désistement dont il leur a été donné acte par ordonnance du premier président de la Cour de cassation du 1er décembre 2022. Le 21 février 2023, ils ont formé un pourvoi incident contre ce même arrêt.
8. En conséquence, ce pourvoi incident n'est pas recevable.
Examen des moyens
Sur les moyens du pourvoi incident formé par le FGAO et le liquidateur de la société MTA
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
10. La société SNCF voyageurs fait grief à l'arrêt de condamner Mme [H] à lui verser, provisions non déduites, au titre des prestations servies à M. [B], la seule somme de 115 916,74 euros au titre de la rente accident du travail et de la pension de retraite de réforme, alors « que la rente attribuée à la victime d'un accident du travail ainsi que la pension de retraite de réforme anticipée qui sont versées ou le seront par le régime spécial de retraite des personnels de SNCF voyageurs, en tant qu'auto-assureur du risque AT/MP, indemnisent à titre principal les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, à titre subsidiaire, le déficit fonctionnel permanent, sans que ce dernier ne se limite à la période antérieure à la date de retraite prévisible de la victime ; que dès lors, en fixant à 115 916,74 euros la somme totale revenant à SNCF voyageurs au titre de la rente accident du travail et de la pension de retraite de réforme, c'est-à-dire en n'imputant sur le déficit fonctionnel permanent de M. [B] que les seules sommes versées au titre de la rente accident du travail et de pension de réforme avant le 1er janvier 2023, date prévisible du départ à la retraite de la victime, et en excluant ainsi le capital représentatif des arrérages à échoir de ces rentes, la cour d'appel a octroyé ainsi à la victime une somme supérieure à sa créance de réparation, en violation de l'article L. 376-1 du code de la Sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
11. D'une part, depuis deux arrêts rendus en assemblée plénière (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 21-23.947 et n° 20-23.673, publiés), la Cour de cassation juge que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
12. D'autre part, la pension de retraite de réforme, versée à titre anticipé par la SNCF aux agents mis en réforme en raison de leur impossibilité d'occuper un emploi dans cette société, en application de l'article 2 du décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF, est fixée, indépendamment du taux d'incapacité de l'agent, en considération de la durée de services accomplis et de sa rémunération antérieure. En conséquence, et conformément à l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, elle ne peut être imputée sur le poste de déficit fonctionnel permanent qu'elle n'a pas pour objet de réparer.
13. Le moyen, qui soutient que ces deux prestations indemnisent à titre subsidiaire le déficit fonctionnel permanent est, dès lors, mal fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi incident formé par M. [B] et Mme [K] ;
REJETTE le pourvoi principal ;
REJETTE le pourvoi incident formé par le FGAO et le liquidateur de la société MTA ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-quatre.