LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juin 2024
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 512 FS-B+R
Pourvoi n° F 21-25.527
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024
La caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 21-25.527 contre le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Orléans (pôle social), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [U] [J],
2°/ à Mme [T] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 1], et tous deux pris tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils [Y] [J], mineur,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [J] et de Mme [B], tous deux pris tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils [Y] [J], mineur, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 avril 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, MM. Rovinski, Leblanc, Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, M. Labaune, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Orléans, 18 novembre 2021), rendu en dernier ressort, et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret (la caisse) a refusé, le 15 avril 2021, de rembourser à M. [J] et Mme [B] (les assurés) l'achat, sur un site internet d'un distributeur établi en Espagne, d'une poussette et de ses accessoires, adaptés au handicap de leur enfant.
2. Les assurés ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief au jugement d'accueillir le recours des assurés, alors :
« 1°/ que l'ouverture du droit au remboursement d'un dispositif médical par l'assurance maladie est subordonné à la production d'une feuille de soins comportant l'identifiant du fournisseur l'ayant délivré ; que faute d'avoir recherché, comme ils y étaient invités, si le remboursement de la poussette et de ses accessoires, sollicité par les assurés, n'était pas exclu dès lors que ni la facture émise par le fournisseur, ni la feuille de soins ne mentionnait son identifiant, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles R. 161-40 à R. 161-42 du code de la sécurité sociale.
2°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif inopérant qu'il ne serait pas établi que la liste visée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale subordonne la prise en charge du dispositif en cause à sa délivrance par un fournisseur enregistré sur le fichier national, les juges du fond ont violé les articles R. 161-40 à R. 161-42 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
4. Selon les articles 26, 34, 36 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les restrictions à l'importation ainsi que les mesures d'effet équivalent sont interdites entre les Etats membres. Si certaines interdictions sont cependant admises, notamment pour des raisons tenant à la protection de la santé, c'est à la condition que ces interdictions ou restrictions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre Etats membres.
5. Selon l'article R. 160-2, III, du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2011/24/UE du 9 mars 2011 relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, les soins et les dispositifs médicaux, autres que ceux mentionnés au I nécessitant une autorisation préalable pour traitement adapté, qui sont dispensés ou achetés dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ne sont pas soumis à autorisation préalable et sont remboursés aux assurés sociaux dans les mêmes conditions que s'ils avaient été reçus ou achetés en France et selon les modalités prévues par l'article R. 160-1, sous réserve que leur prise en charge soit prévue par la réglementation française.
6. Il résulte de la combinaison de ces textes que le dispositif médical acheté dans un autre Etat membre de l'Union européenne est remboursé aux assurés, si sa prise en charge est prévue par la réglementation française, dans les mêmes conditions que s'il avait été acheté en France, sans que celles-ci ne puissent constituer, sauf motif de protection de la santé, une atteinte à la liberté de circulation des marchandises et des prestations de services.
7. Ainsi, la condition tenant à l'inscription au fichier national des professionnels de santé prévue par l'article R. 161-42, 2°, du code de la sécurité sociale n'est pas applicable au fournisseur du dispositif médical acheté dans un autre Etat membre.
8. Le jugement relève que l'assuré produit une prescription médicale pour l'achat d'une poussette adaptée au handicap de son enfant, ainsi qu'une facture, et que ce dispositif médical à usage individuel est inscrit sur la liste instituée par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
9. Par ces motifs de pur droit, substitués d'office à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
10. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret et la condamne à payer à M. [J] et Mme [B] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.