LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 juin 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 635 F-D
Pourvoi n° U 22-15.929
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024
La caisse primaire d'assurance maladie du Territoire de Belfort, dont le siège est [Adresse 1], agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 22-15.929 contre le jugement rendu le 4 février 2022 par le tribunal judiciaire de Vesoul (pôle social, contentieux général de la sécurité sociale), dans le litige l'opposant à M. [F] [M], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Territoire de Belfort, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [M], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Vesoul, 4 février 2022), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie du Territoire de Belfort, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône (la caisse) a, après expertise médicale technique, notifié à M. [M] (l'assuré), en arrêt de travail pour maladie depuis le 25 septembre 2019, une décision d'aptitude à la reprise du travail au 18 janvier 2020 et cessé de lui verser les indemnités journalières à compter de cette date.
2. L'assuré a bénéficié d'un nouvel arrêt de travail du 7 avril au 3 juin 2020.
3. Au regard des conclusions de l'expertise, la caisse lui a notifié un indu d'indemnités journalières versées au titre de cette période, puis une mise en demeure de payer.
4. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. La caisse fait grief au jugement d'annuler la mise en demeure du 15 mars 2021 et la décision de la commission de recours amiable du 21 mai 2021, alors :
« 2°/ que lorsqu'un différend porte sur une difficulté d'ordre médical relative à l'état du malade, le juge ne peut statuer qu'après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale technique ; qu'à supposer même que l'avis du docteur [U] ait pu être écarté, le point de savoir si l'état de l'assuré justifiait ou non le versement d'indemnités journalières est une question d'ordre médical ; qu'en annulant la mise en demeure de la caisse portant sur un indu relatif à la période du 7 avril 2020 au 3 juin 2020 sans ordonner au préalable la procédure d'expertise médicale prévue par les textes, les juges du fond ont violé les articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable ;
3°/ que les indemnités journalières ne sont dues à l'assuré que pour les périodes durant lesquelles il se trouve dans l'incapacité physique de poursuivre le travail ; qu'en se fondant, pour annuler la mise en demeure de la caisse, sur le motif impropre que la caisse n'a pas correctement appliqué l'avis du docteur [U], les juges du fond ont violé l'article L 321-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 5 et 12 du code de procédure civile, L. 321-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au litige, L. 141-1, L. 141-2 et R. 142-17-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, alors en vigueur :
6. En application des deux premiers de ces textes, il appartient à la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, saisie d'une demande de remboursement d'un indu, de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant la motivation des décisions de la caisse ou de la commission de recours amiable.
7. Selon le troisième, l'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail.
8. Il résulte du dernier de ces textes que, lorsque le litige fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre médical relative à l'état de l'assuré, la juridiction ne peut statuer qu'après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale prévue à l'article L. 141-1 susvisé, dont l'avis s'impose en application de l'article L. 141-2.
9. Pour annuler la mise en demeure et la décision de la commission de recours amiable, le jugement retient que la mesure d'expertise diligentée par la caisse, bien que régulière, n'a pas eu pour objectif d'évaluer l'état de santé de l'assuré à date, mais de confirmer l'avis du médecin conseil sur la capacité de ce dernier à reprendre une activité professionnelle au 18 janvier 2020. Il en déduit que la caisse, qui a étendu les conclusions de l'avis médical au delà de l'arrêt de travail se terminant le 17 janvier 2020 à un nouvel arrêt de travail déclaré près de trois mois plus tard pour une autre cause, n'a pas correctement appliqué l'avis médical s'imposant à elle.
10. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations qu'il était saisi d'un recours contre une décision de la caisse portant sur une demande de remboursement d'un indu d'indemnités journalières fondée sur un motif d'aptitude de l'assuré à la reprise du travail, de sorte qu'en présence d'une difficulté d'ordre médical, il lui appartenait d'ordonner une expertise en vue de trancher le litige dont il était saisi, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 février 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Vesoul ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Besançon ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.