LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 666 F-D
Pourvoi n° Z 21-13.009
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024
La société Rhenus Logistics Alsace, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 21-13.009 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale - section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [E] [P], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle Emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La société Rhenus Logistics Alsace a formé un pourvoi additionnel contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d'appel de Colmar.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi principal, trois moyens de cassation, et à l'appui de son pourvoi additionnel un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Rhenus Logistics Alsace, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [P], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Rhenus Logistics Alsace du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Colmar, 26 septembre 2019 et 14 janvier 2021), M. [P] a relevé appel le 7 janvier 2019 du jugement d'un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Rhenus Logistics Alsace (la société).
3. Par ordonnance du 4 juillet 2019, un conseiller de la mise en état a rejeté la requête de la société en constatation de la caducité de la déclaration d'appel.
4. Cette ordonnance a été confirmée par arrêt du 26 septembre 2019 de la cour d'appel.
5. Par arrêt du 21 janvier 2021, le jugement du conseil de prud'hommes a été confirmé partiellement.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi additionnel dirigé contre l'arrêt du 26 septembre 2019
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de constatation de la caducité de la déclaration d'appel du 7 janvier 2019, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend à la réformation par la cour d'appel du jugement rendu par la juridiction du premier degré ; que par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l'appelant qui entend voir infirmer le chef d'un jugement l'ayant débouté de ses prétentions, et accueillir celles-ci, doit formuler ces prétentions dans le dispositif de ses conclusions d'appel ; qu'à défaut, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; que selon l'article 908 du même code, l'appelant dispose d'un délai de trois mois pour remettre ses conclusions au greffe ; que selon l'article 910-1, les conclusions ainsi exigées sont celles qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige ; qu'il s'ensuit que lorsque les conclusions déposées par l'appelant dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile se bornent, dans leur dispositif, à conclure à l'infirmation du jugement sans formuler aucune prétention de fond, ces conclusions ne déterminent pas l'objet du litige et que la cour d'appel ne peut que constater la caducité de l'appel ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ que les conclusions visées par l'article 908 du code de procédure civile sont celles remises au greffe dans le délai de trois mois suivant la déclaration d'appel ; que si le conseiller de la mise en état a la faculté d'enjoindre aux parties de mettre leurs conclusions en conformité avec l'article 954, il ne dispose pas de la faculté de les relever, après l'expiration du délai d'appel, de la caducité de la déclaration d'appel résultant du dépôt de conclusions ne déterminant pas l'objet du litige ; qu'il s'ensuit que la mise en conformité par l'appelant de ses conclusions d'appel, à la requête du conseiller de la mise en état, postérieurement à l'expiration du délai de l'article 908 ne permet pas de régulariser l'appel ; que dans l'hypothèse où elle aurait retenu que les conclusions du 5 avril 2019 déposées par l'appelant à l'appui de l'appel interjeté le 7 janvier précédent auraient « été régularisées par les conclusions remises le 25 avril 2019 au greffe de la cour », la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ensemble, par fausse interprétation, l'article 913 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 908 et 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
7. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure, le respect de cette diligence s'appréciant nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.
8. Le dispositif des conclusions de l'appelant, ainsi remises , doit comporter, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige, la caducité de la déclaration d'appel étant , à défaut, encourue.
9. Pour rejeter la demande de caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient que l'appelant a demandé, dans le dispositif de ses conclusions du 5 avril 2019, l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de ses prétentions et qu'au regard des moyens formulés dans le corps des conclusions, l'objet du litige est déterminé précisément.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le dispositif des conclusions ne comportaient aucune prétention sur le fond, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'une erreur matérielle, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 26 septembre 2019 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 14 janvier 2021.
PAR CES MOTIFS , la Cour , et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE , en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 septembre 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Annule par voie de conséquence l'arrêt rendu 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [P] et le condamne à payer à la société Rhenus Logistics Alsace la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.