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05/09/2024 | FRANCE | N°22-12.862

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 05 septembre 2024, 22-12.862


CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 septembre 2024




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 718 F-D

Pourvoi n° K 22-12.862






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024

L'établissement Le Grand port mariti

me de [Localité 3], établissement public national, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-12.862 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens ...

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 septembre 2024




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 718 F-D

Pourvoi n° K 22-12.862






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024

L'établissement Le Grand port maritime de [Localité 3], établissement public national, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-12.862 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'établissement Le Grand port maritime de [Localité 3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 décembre 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2010, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à l'établissement Le Grand port maritime de [Localité 3] (l'établissement public) une lettre d'observations du 30 juin 2011 comportant notamment un chef de redressement relatif à l'assujettissement à la contribution d'assurance chômage des rémunérations versées aux fonctionnaires détachés exerçant leur activité professionnelle au sein de l'établissement et d'autres chefs de redressement résultant de la remise en cause de la prise en charge de frais professionnels, suivie d'une mise en demeure du 6 octobre 2011.

2. L'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'établissement public fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement relatif à l'affiliation au régime légal d'assurance chômage des fonctionnaires détachés, alors :

« 1°/ qu'en vertu des articles L. 5422-13, L. 5424-1,1°et L. 5424-2 du code du travail, les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs, voient la charge de l'allocation d'assurance en cas de privation d'emploi assurée par leur employeur, sans adhésion possible (qu'elle soit facultative ou irrévocable) au régime d'assurance chômage ; que les établissements publics administratifs (EPA) et les établissements publics sui generis, à l'inverse des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), ne peuvent pas adhérer au régime d'assurance chômage pour leurs agents statutaires et fonctionnaires détachés ; que les Grands Ports Maritimes sont des établissements publics de l'Etat dont les missions, telles que définies par l'article L. 5312-2 du code des transports, sont de service public et revêtent un caractère administratif (voir Tribunal des conflits, arrêt nº 4099 du 13 novembre 2017) ; qu'exerçant des missions de service public à caractère administratif, et non des missions à caractère industriel et commercial, le Grand Port Maritime de [Localité 3] constitue un établissement public de l'Etat sui generis, de sorte que les fonctionnaires qui y sont détachés ne peuvent légalement relever du régime légal d'assurance chômage ; que pour décider que le GPMD constituait un EPIC, et juger que son personnel de fonctionnaires détachés relevait du régime légal d'assurance chômage, la cour d'appel a retenu au contraire qu'au regard des dispositions de l'article L. 5312-2 du code des transports « certaines des missions ainsi définies ne relèvent pas par essence d'une mission d'intérêt général autre qu'industrielle et commerciale ; il en est ainsi notamment, (5º) de la construction et de l'entretien de l'infrastructure portuaire, (6º) de la promotion de l'offre de desserte ferroviaire et fluviale, (7º) de l'aménagement et la gestion des zones industrielles logistiques liées à l'activité portuaire et (8) des actions concourant à la promotion générale du port » ; qu'en statuant ainsi alors que les missions des grands ports maritimes énoncées à l'article L. 5312-2 du code des transports, ce compris celles visées à ses points 5 à 8, constituent des missions régaliennes à caractère administratif ne présentant pas de caractère industriel ou commercial, ce dont il s'induit que le GPMD ne pouvait être considéré comme un EPIC relevant des dispositions de l'article L. 5424-1 3° du code du travail pour son personnel fonctionnaire détaché et être assujetti au régime d'assurance chômage, la cour d'appel a violé les articles L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail et L. 5312-2 du code des transports  pris en leur version applicable au litige, ensemble l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

2°/ qu'en vertu des articles L. 5422-13, L. 5424-1, 1° et L. 5424-2 du code du travail, les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs, voient la charge de l'allocation d'assurance en cas de privation d'emploi assurée par leur employeur, sans adhésion possible(qu'elle soit facultative ou irrévocable) au régime d'assurance chômage ; que les établissements publics administratifs (EPA) et les établissements publics sui generis, à l'inverse des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), ne peuvent pas adhérer au régime d'assurance chômage pour leurs agents statutaires et fonctionnaires détachés ; que les Grands Ports Maritimes sont des établissements publics de l'Etat dont les missions, telles que définies par l'article L. 5312-2 du code des transports, sont de service public et revêtent un caractère administratif (voir Tribunal des conflits, Arrêt nº 4099 du 13 novembre 2017) ; qu'exerçant des missions de service public à caractère administratif, et non des missions à caractère industriel et commercial, le Grand Port Maritime de [Localité 3] constitue un établissement public de l'Etat sui generis, de sorte que les fonctionnaires qui y sont détachés ne peuvent légalement relever du régime légal d'assurance chômage ; que pour décider que le Grand Port Maritime de [Localité 3] constituait un établissement public industriel et commercial et juger que son personnel fonctionnaire détaché pouvait relever du régime d'assurance chômage, la cour d'appel a retenu que « à bien des égards, il est géré comme un établissement public industriel et commercial et non comme un établissement public administratif ; qu'il ressort ainsi de la lettre d'observations qu'il fait usage des règles de comptabilité privée et que son personnel relève majoritairement d'un régime de droit privé soumis au code du travail ; qu'il emploie en outre des fonctionnaires détachés alors que les personnels des établissements publics administratifs sont essentiellement des fonctionnaires ou des agents non titulaires contractuels de droit public et qu'enfin, il ne s'explique pas sur les circonstances qui l'ont amené à adhérer au régime d'assurance chômage, tout en faisant concomitamment valoir qu'en sa qualité d'établissement public de l'État et en application des dispositions des articles L. 5424-1 et L. 5424-2, cette faculté ne lui est pas ouverte » ; qu'en statuant ainsi par des motifs insusceptibles de caractériser la qualité d'établissement public industriel et commercial du Grand Port Maritime de [Localité 3], et de justifier que son personnel fonctionnaire détaché puisse être rattaché au régime légal d'assurance chômage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail et L. 5312-2 du code des transports  pris en leur version applicable au litige, ensemble l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

3°/ qu'en vertu des articles L. 5422-13, L. 5424-1,1°et L. 5424-2 du code du travail, les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs, voient la charge de l'allocation d'assurance en cas de privation d'emploi assurée par leur employeur, sans adhésion possible (qu'elle soit facultative ou irrévocable) au régime d'assurance chômage ; que ces textes n'interdisent pas en revanche aux établissements publics administratifs et aux établissements publics sui generis d'adhérer au régime d'assurance chômage au titre de leurs agents non statutaires et des salariés ; qu'en retenant au contraire, pour valider le redressement, que « le Grand Port Maritime de [Localité 3] soutient en définitive qu'il a la possibilité de ne pas adhérer au régime d'assurance chômage uniquement pour les fonctionnaires de droit public détachés. Or, aucun texte ne prévoit la possibilité pour un employeur, fût-il établissement public géré comme un établissement public à caractère industriel et commercial, d'adhérer à la convention d'assurance chômage pour une partie seulement de ses employés » et que « l'inspecteur du recouvrement a constaté que l'établissement public avait adhéré à titre irrévocable au régime d'assurance chômage, constatation qui n'a pas été démentie par l'employeur », cependant que son adhésion à l'assurance-chômage pour une partie de ses employés ne rendait pas obligatoire et n'autorisait pas légalement l'adhésion à ce régime de son personnel de fonctionnaires détachés au regard des dispositions de l'article L. 5424-1,1° du code du travail, la cour d'appel a violé les L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail et L. 5312-2 du code des transports  pris en leur version applicable au litige, ensemble l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

4°/ à titre subsidiaire que l'obligation d'assurance contre le risque de perte d'emploi ne peut être appliquée aux fonctionnaires détachés qui ne sont pas susceptibles de perdre leur emploi et d'être indemnisés par Pôle Emploi et pour lesquels le Grand Port Maritime de [Localité 3] cotise au fonds spécial de solidarité pour les fonctionnaires ; qu'en se fondant au contraire, pour juger que le personnel de fonctionnaires détachés relevait du régime légal de l'assurance chômage, sur les motifs impropres selon lesquels la contribution à l'assurance chômage serait assise sur l'ensemble des rémunérations versées par les employeurs en ce qu'elle finance le risque chômage de l'ensemble de la population active et non le risque particulier du salarié ou du fonctionnaire cotisant et sur l'absence de preuve de la validation par la Cour des comptes de la cotisation au fonds spécial de solidarité pour les fonctionnaires détachés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail et L. 5312-2 du code des transports  pris en leur version applicable au litige, ensemble l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ».

Réponse de la Cour

5. En application de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, à l'exception des dispositions relatives aux contrats à durée déterminée et aux indemnités de licenciement, ou de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière. Dès lors, la rémunération des fonctionnaires détachés au sein d'un établissement public entrant dans le champ de l'article L. 5424-1, 3° du code du travail est comprise dans l'assiette des contributions d'assurance chômage dues par cet établissement.

6. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que l'adhésion au régime légal d'assurance chômage est ouverte aux entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'Etat, ce qui est le cas de l'établissement public en cause et constate que ce dernier a adhéré irrévocablement au régime d'assurance chômage tout en faisant valoir que cette faculté ne lui est pas ouverte. Il retient qu'il fait usage des règles de la comptabilité privée et que son personnel relève majoritairement du régime de droit privé soumis au code du travail. Il ajoute qu'aucun texte ne prévoit la possibilité pour un employeur d'adhérer à la convention d'assurance chômage pour une partie seulement de ses employés. Il indique enfin que le moyen tiré de l'impossibilité pour les fonctionnaires concernés de perdre leur emploi est inopérant dès lors que les contributions à l'assurance chômage financent le risque chômage de l'ensemble de la population active et non le risque particulier du fonctionnaire cotisant et que la circonstance que l'établissement public en cause cotise au fonds spécial de solidarité pour les fonctionnaires n'est pas de nature à faire échec à l'application de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier1984, modifiée, qui soumet le fonctionnaire détaché aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que l'URSSAF était fondée à procéder au redressement des contributions d'assurance chômage dues par l'établissement public en réintégrant dans leur assiette les rémunérations versées aux fonctionnaires détachés en son sein.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'établissement Le Grand port maritime de [Localité 3] aux dépens;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement Le Grand port maritime de [Localité 3] et le condamne à payer à l'URSSAF du Nord-Pas de Calais la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-12.862
Date de la décision : 05/09/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 05 sep. 2024, pourvoi n°22-12.862


Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22.12.862
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