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05/09/2024 | FRANCE | N°22400715

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 septembre 2024, 22400715


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 septembre 2024








Rejet




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 715 F-B


Pourvoi n° K 22-16.220








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024


1°/ la société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],


2°/ la société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 septembre 2024

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 715 F-B

Pourvoi n° K 22-16.220

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024

1°/ la société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° K 22-16.220 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [O] [T], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société [4] et de la société [5], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 mars 2022), M. [T] (la victime), salarié de la société [5] (l'employeur), assurée par la société [4] (l'assureur), a été victime le 7 février 2011 d'un accident du travail, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse).

2. L'employeur ayant été, par jugement du 5 décembre 2014, reconnu coupable du délit de blessures involontaires par personne morale avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail, la victime a, par courrier du 17 août 2015, saisi la caisse d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

3. Un procès verbal de conciliation ayant été établi le 18 avril 2017, la victime a, à défaut d'accord amiable, saisi le 13 juin 2019 une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale de demandes aux fins d'indemnisation complémentaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur et son assureur font grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes en indemnisation de la victime, alors :

« 1°/ que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par la victime se prescrit par deux ans à compter soit du jour de l'accident, soit de la cessation du paiement de l'indemnité journalière, soit de la clôture de l'enquête prévue par l'article L. 442-1 du code de la sécurité sociale, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ; que la saisine de la caisse d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription biennale, laquelle est ensuite suspendue pendant le cours de la procédure de conciliation mise en place par la caisse ; qu'un nouveau délai court à compter de la notification du résultat de la tentative de conciliation prévue par l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale sur l'existence de la faute inexcusable, le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3 du même code ; que ce délai n'est pas suspendu pendant la durée de l'expertise prévue par le procès-verbal de conciliation portant sur l'évaluation des préjudices subis par le salarié ; qu'en l'espèce, la victime avait saisi la caisse aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur le 17 août 2015 ; que la procédure de conciliation mise en place par la caisse avait débouché sur la signature d'un procès-verbal de conciliation le 18 avril 2017 aux termes duquel l'employeur reconnaissait sa faute inexcusable et acceptait d'en supporter les conséquences financières, lesquelles devaient être évaluées par un expert désigné par l'accord de conciliation ; que la victime a finalement saisi le pôle social du tribunal de grande instance afin de faire condamner son employeur à réparer les conséquences financières de sa faute inexcusable seulement le 13 juin 2019, soit plus de deux ans après la signature du procès-verbal de conciliation du 18 avril 2017 ; qu'en décidant que l'action de la victime n'était pas prescrite parce que « le salarié ne pouvait par ce procès-verbal être informé du résultat de la conciliation, laquelle ne pouvait par voie de conséquence être considérée comme terminée et ce alors même que si les parties se sont réservées le droit de contester la possibilité de prendre en charge les chefs de préjudices retenus et quantifiés par l'expert, cette réserve n'emportait pas refus d'indemnisation », quand le procès-verbal de conciliation du 18 avril 2017, qui avait mis un terme à la procédure de conciliation, avait fait courir un nouveau délai de deux ans à l'issue duquel l'action du salarié était prescrite, la cour d'appel a violé les articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, et L. 452-4 du même code ;

2°/ que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par la victime se prescrit par deux ans à compter soit du jour de l'accident, soit de la cessation du paiement de l'indemnité journalière, soit de la clôture de l'enquête prévue par l'article L. 442-1 du code de la sécurité sociale, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ; que la saisine de la caisse d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription biennale, laquelle est ensuite suspendue pendant le cours de la procédure de conciliation mise en place par la caisse ; qu'un nouveau délai court à compter de la notification du résultat de la tentative de conciliation prévue par l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale sur l'existence de la faute inexcusable, le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3 du même code ; que ce délai n'est pas suspendu pendant la durée de l'expertise prévue par le procès-verbal de conciliation portant sur l'évaluation des préjudices subis par le salarié ; qu'en interprétant les principes jurisprudentiels posés en matière de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à la lumière « des dispositions de l'article 2238 du code civil répondant à l'objectif poursuivi par l'article 8 de la directive n° 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 qui commandent de leur réserver une interprétation large afin de ne pas décourager les parties de recourir à ce mode de règlement du différend opposant un salarié à son employeur relativement à l'indemnisation complémentaire résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de ce dernier », pour en déduire que le procès-verbal de conciliation du 18 avril 2017 n'avait pas mis fin à l'effet interruptif attaché à la saisine de la caisse « pour ce qui concerne l'indemnisation complémentaire elle-même dont il vient d'être rappelé qu'elle constitue la finalité même résultant de la faute inexcusable ainsi reconnue » par l'accord de conciliation, quand l'article 2238 du code civil se borne à énoncer que la prescription est suspendue pendant la procédure de médiation ou de conciliation jusqu'à « la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée » et, comme tel, n'ajoute rien aux principes jurisprudentiels retenus en ce qui concerne la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2238 du code civil et, par refus d'application, les articles L. 431-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, et L. 452-4 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, les droits de la victime d'un accident du travail aux prestations et indemnités dues au titre de la faute inexcusable de l'employeur se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement des indemnités journalières.

6. Aux termes de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale, à défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que la saisine de la caisse d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription biennale et qu'un nouveau délai ne recommence à courir qu'à compter de la notification, par la caisse aux parties, du résultat de la tentative de conciliation sur l'existence de la faute inexcusable, le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3.

8. Dès lors, l'effet interruptif, qui s'attache à la saisine de la caisse aux fins de conciliation, se poursuit jusqu'à ce que la caisse ait fait connaître aux parties le résultat de la tentative de conciliation, qui porte sur le principe même de la faute inexcusable mais également sur ses conséquences indemnitaires.

9. L'arrêt constate qu'à la suite de la saisine de la caisse par l'intéressé les parties ont convenu par un procès-verbal de conciliation du 18 avril 2017 d'une reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, d'une majoration de rente, du versement d'une indemnité provisionnelle et d'une expertise. Il retient que, pour ce qui concerne l'indemnisation complémentaire elle-même, le salarié ne pouvait par ce procès-verbal être informé du résultat de la conciliation, laquelle ne pouvait par voie de conséquence être considérée comme terminée de sorte que le procès-verbal de conciliation ne pouvait servir de point de départ au délai de la prescription biennale.

10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que, dès lors qu'il n'était ni allégué ni justifié que la caisse avait informé le salarié du résultat de la conciliation sur l'indemnisation complémentaire, le recours de la victime formé le 13 juin 2019 était recevable.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la société [5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [5] et la société [4] et les condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui et Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400715
Date de la décision : 05/09/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Action de la victime - Prescription - Interruption - Cas - Notification du résultat de la tentative de conciliation - Etendue - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Sécurité sociale - Accident du travail - Article L. 431-2 du code de la sécurité sociale - Interruption - Cas - Notification du résultat de la tentative de conciliation - Etendue - Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 431-2 et L. 452-4 du code de la sécurité sociale que la saisine de la caisse d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription biennale et qu'un nouveau délai ne recommence à courir qu'à compter de la notification, par la caisse aux parties, du résultat de la tentative de conciliation sur l'existence de la faute inexcusable, le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3. L'effet interruptif, qui s'attache à la saisine de la caisse aux fins de conciliation, se poursuit, dès lors, jusqu'à ce que la caisse ait fait connaître aux parties le résultat de la tentative de conciliation, sur le principe même de la faute inexcusable mais également sur ses conséquences indemnitaires


Références :

Articles L. 431-2, L. 452-3 et L.452-4 du code de la sécurité sociale.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 15 mars 2022

2e Civ., 16 septembre 2003, pourvoi n° 02-30490, Bull. 2003, II, n°266 (rejet) ;

2e Civ., 3 mars 2011, pourvoi n° 09-70419, Bull. 2011, II, n° 58 (cassation) ;

2e Civ., 10 décembre 2009, pourvoi n°08-21.969, Bull., II, n° 287 (cassation) ;

2e Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 15-12843, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 sep. 2024, pourvoi n°22400715


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent, SCP Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400715
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