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12/09/2024 | FRANCE | N°32400481

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 septembre 2024, 32400481


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


MF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 septembre 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 481 FS-B


Pourvoi n° P 23-14.479








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________

___________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 SEPTEMBRE 2024


1°/ M. [O] [G],


2°/ Mme [K] [F], épouse [G],


tous deux domiciliés [Adresse 11],


ont formé le pourvoi n° P 23-14.479 contre l'...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 septembre 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 481 FS-B

Pourvoi n° P 23-14.479

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 SEPTEMBRE 2024

1°/ M. [O] [G],

2°/ Mme [K] [F], épouse [G],

tous deux domiciliés [Adresse 11],

ont formé le pourvoi n° P 23-14.479 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant à Mme [N] [P], veuve [W], domiciliée [Adresse 10] et [Adresse 13], [Localité 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [G], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de Mme [W], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mme Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 novembre 2022), par acte du 6 novembre 1998, une servitude conventionnelle de passage d'une assiette de 100 mètres de longueur a été consentie, notamment sur une parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 12], au profit des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 14] et [Cadastre 2], situées au sud de la parcelle n° [Cadastre 12], pour permettre de rejoindre le [Adresse 16] situé au nord de ce fonds.

2. Mme [W] a acquis les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 3], issue de la division de la parcelle n° [Cadastre 12], et section A n° [Cadastre 4], issue de la division de la parcelle n° [Cadastre 14] et correspondant à la partie nord de cette parcelle.

3. M. et Mme [G] ont acquis les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6], respectivement issues de la division des parcelles n° [Cadastre 14] et [Cadastre 2], et correspondant à la partie sud de ces parcelles.

4. Par acte du 30 novembre 2007, a été créée une servitude de passage sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 7], au profit des parcelles n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6], permettant à M. et Mme [G] d'accéder à leur propriété par le [Adresse 15].

5. Considérant bénéficier de la servitude constituée en 1998 sur la parcelle n° [Cadastre 12], et ainsi être en droit de passer sur la parcelle de Mme [W] pour rejoindre le chemin de 100 mètres précité depuis leur fonds, M. et Mme [G] ont assigné Mme [W] en démolition d'ouvrages faisant obstacle à leur passage.

6. Ils ont également demandé la libération de l'accès à leur propriété se faisant par le [Adresse 15] et la réparation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. M. et Mme [G] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la condamnation de Mme [W] à dégager l'accès à leur propriété par le [Adresse 16], avec démolition d'ouvrage, alors :

« 1°/ qu'il résulte de la servitude conventionnelle de passage en date du 6 novembre 1998 rappelée par le titre de Mme [W], fonds servant, et du plan intégré à ce titre, que la parcelle [Cadastre 2] (actuellement [Cadastre 8]) dont la cour d'appel constate qu'elle a été acquise par les époux [G] avec la parcelle [Cadastre 5] issue de la division de la parcelle [Cadastre 14], fait partie des fonds dominants bénéficiaires de cette servitude et qu'elle est située au sud de la parcelle [Cadastre 14] (devenue [Cadastre 4] propriété de Mme [W]), de sorte que sa desserte par la servitude dont elle bénéficie suppose nécessairement que le chemin de servitude se prolonge vers le sud de ladite parcelle [Cadastre 14] devenue [Cadastre 4] ; qu'en se bornant à affirmer au vu de plans qui sont de surcroît sans rapport avec le plan de la servitude conventionnelle, que le chemin litigieux prend fin au nord de la parcelle A [Cadastre 14] et ne se prolonge pas sur cette parcelle vers la propriété des époux [G], sans s'expliquer sur les stipulations de l'acte de servitude conventionnelle démontrant le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 686 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée ; que la nécessité de prolonger le passage tel que défini par la servitude conventionnelle, au-delà du fonds servant, sur le fonds dominant, pour parvenir à desservir chaque portion de ce fonds dominant divisé, ne saurait caractériser une aggravation du fonds assujetti ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la parcelle des époux [G] n° [Cadastre 5] (actuellement [Cadastre 9]) est issue de la division de la parcelle n° [Cadastre 14] qui est le fonds dominant lequel est desservi par la servitude conventionnelle de passage qui grève la parcelle [Cadastre 3], issue de la parcelle [Cadastre 12], propriété de Mme [W] ; qu'en se fondant pour rejeter la revendication par les époux [G] d'un passage sur le fonds [W] propriétaire du fonds servant n° [Cadastre 3] issu de la parcelle [Cadastre 12], sur la circonstance que la servitude de passage conventionnelle a seulement 100 m de long et prend fin au nord de la parcelle A [Cadastre 14] fonds dominant, et que la desserte de la parcelle des époux [G] plus au sud constituerait une aggravation du fonds assujetti, dès lors qu'elle suppose une prolongation du tracé existant, sur le fonds n° [Cadastre 4] appartenant à Mme [W] également issue de la division du fonds dominant, la cour d'appel a violé l'article 700 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article 700, alinéa 1er, du code civil, si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.

9. S'il en résulte qu'en cas de division d'un fonds bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage, la servitude reste due au profit de l'ensemble des fonds issus de celle-ci, peu important l'absence de contiguïté de l'un d'eux avec le fonds servant, ce texte n'emporte pas de plein droit création d'une servitude entre les fonds issus de la division.

10. La cour d'appel a constaté qu'il ressortait des plans soumis à la discussion, celui annexé à l'acte constitutif de servitude de 1998 n'ayant pas été produit aux débats, que l'assiette de celle-ci prenait fin à la limite nord de la parcelle alors cadastrée n° [Cadastre 14], que la propriété de M. et Mme [G], quoique constituée de deux parcelles issues de la division de fonds désignés comme dominants par l'acte précité (n° [Cadastre 14] et [Cadastre 2]), n'avait pas d'accès à l'assiette de la servitude en question, et que sauf à prendre le passage chez un autre voisin, seule une prolongation sur la parcelle n° [Cadastre 4] de Mme [W] leur permettrait d'accéder à ce terrain d'assiette.

11. Ayant ainsi procédé à la recherche prétendument omise, ce dont elle a, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la seconde branche, justement déduit que M. et Mme [G] ne pouvaient réclamer, sur le fondement de l'acte de 1998, un droit de passage conventionnel sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 4] appartenant à Mme [W], la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. M. et Mme [G] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation de Mme [W] à dégager l'accès à leur propriété par le [Adresse 15] ainsi que celles en réparation d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties ; qu'en énonçant que les procès-verbaux établis par l'huissier les 8 et 10 mars puis le 12 octobre 2012 démontrant la présence d'une boîte aux lettres, de deux containers à poubelle, de branchages de mimosa et d'une barrière de chantier correspondant à un cas éphémère sur la voie d'accès débouchant sur le [Adresse 15] sont insuffisants à caractériser une entrave du droit de passage des époux [G] sur le fonds cadastré [Cadastre 7], sans examiner ainsi qu'elle y était invitée le constat d'huissier des 7 et 10 juin 2013 relevant outre la présence de deux barrières de chantier, l'installation d'un grillage de clôture fixé sur piquets métalliques avec percements au sol, et fixation du grillage dans la roche sur la gauche, interdisant l'accès au chemin, démontrant l'entrave au droit de passage des époux [G], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

14. Pour rejeter la demande de M. et Mme [G] tendant à ordonner à Mme [W] de dégager l'accès à leur propriété se faisant par le [Adresse 15], ainsi que celles, subséquentes, de dommages-intérêts, la cour d'appel retient que la présence de branchages et d'une barrière mentionnée dans les procès-verbaux établis en mars et octobre 2012 ne correspond qu'à un cas éphémère, aucun autre encombrement n'étant dénoncé depuis.

15. En statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur les faits rapportés par le constat d'huissier des 7 et 10 juin 2013, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de condamnation de Mme [W] à dégager l'accès à la propriété de M. et Mme [G] par le [Adresse 15] ainsi que celles en réparation d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral, l'arrêt rendu le 17 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la condamne à payer à M. et Mme [G] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400481
Date de la décision : 12/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

SERVITUDE

S'il résulte de l'article 700, alinéa 1, du code civil qu'en cas de division d'un fonds bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage, la servitude reste due au profit de l'ensemble des fonds issus de celle-ci, peu important l'absence de contiguïté de l'un d'eux avec le fonds servant, ce texte n'emporte pas de plein droit création d'une servitude entre les fonds issus de la division


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 17 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 sep. 2024, pourvoi n°32400481


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400481
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