LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 841 F-D
Pourvoi n° W 22-20.899
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-20.899 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la Région Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
L'URSSAF du Centre-Val de Loire a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Centre-Val de Loire, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la Région Centre-Val de Loire, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 5 juillet 2022), l'URSSAF du Centre-Val de Loire (l'URSSAF) a procédé à un contrôle de la Région du Centre-Val de Loire (la Région) sur les années 2015 à 2017 qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations le 5 octobre 2018 puis, le 24 décembre 2018, d'une mise en demeure.
2. La Région a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le pourvoi incident de la Région
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le pourvoi principal de l'URSSAF
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 4 « comité d'entreprise : règles de droit commun et dérogations », alors « que les dispositions instituant des exonérations de cotisations de sécurité sociale sont d'interprétation stricte ; que faute de disposition expresse contraire en ce sens, sont soumises à cotisations sociales les prestations servies par une entreprise à but lucratif, à laquelle une collectivité territoriale fait appel pour faire bénéficier ses agents de prestations s'inscrivant dans le cadre des activités sociales et culturelles ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ensemble l'article 242-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 242-1 du code de la sécurité sociale, 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, modifiée par la loi du 2 février 2007 n° 148 et abrogée par l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 et 88-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, applicables au litige :
5. Aux termes du second de ces textes, l'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent confier à titre exclusif la gestion de tout ou partie des prestations d'action sociale et culturelle dont bénéficient leurs agents à des organismes à but non lucratif ou à des associations nationales ou locales régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
6. En application du troisième, les collectivités territoriales déterminent librement les modalités de mise en oeuvre de l'action sociale et le montant des dépenses.
7. Il résulte de ces textes que si les collectivités territoriales peuvent choisir de gérer elles-mêmes les prestations versées à leurs agents dans le cadre du devoir de secours et des activités sociales et culturelles ou de les confier à des organismes à but lucratif, ces prestations, en l'absence de texte spécifique, ne peuvent pas faire l'objet d'une exonération de cotisations sociales.
8. Pour annuler le redressement, l'arrêt énonce que l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 confère seulement aux collectivités territoriales la faculté de confier à titre exclusif la gestion de tout ou partie des prestations dont bénéficient les agents à des organismes à but non lucratif ou à des associations nationales ou locales, sans en instituer l'obligation. Il ajoute que l'instruction ministérielle du 17 avril 1985 est silencieuse sur l'action sociale des collectivités territoriales au bénéfice de ses agents et que, s'agissant de la part d'action sociale dont la région a conservé la gestion, un marché public a été conclu avec une société afin d'offrir à ses agents des prestations sociales diversifiées et qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prohibe le recours par une collectivité territoriale à un prestataire extérieur pour la mise en oeuvre de l'action sociale à destination de ses agents, fût-elle une société.
9. Il en déduit que seule la nature des prestations versées aux agents publics peut fonder un éventuel redressement et non les modalités de mise en oeuvre de l'action sociale au bénéfice de ses agents qui relèvent du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur les deuxième et troisième moyens, réunis
Enoncé des moyens
11. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 7 « chèques vacances des travailleurs handicapés », alors « que les dispositions instituant des exonérations de cotisations de sécurité sociale sont d'interprétation stricte ; que faute de disposition expresse contraire en ce sens, sont soumis à cotisations sociales les chèques vacances alloués directement aux agents par une collectivité territoriale pourvue d'un comité d'oeuvres sociales ; qu'en l'espèce, le conseil régional de la Région, pourtant pourvu d'un comité d'oeuvres sociales, a directement versé des chèques vacances à ses agents ; qu'en décidant d'exonérer de cotisations sociales ces chèques vacances, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »
12. L'URSSAF fait également grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 8 « chèques pour le Noël des enfants », alors « que les dispositions instituant des exonérations de cotisations de sécurité sociale sont d'interprétation stricte ; que faute de disposition expresse contraire en ce sens, sont soumis à cotisations sociales les bons cadeaux alloués directement aux agents par une collectivité territoriale et non par son comité d'oeuvres sociales ; qu'en l'espèce, le conseil régional de la Région, pourtant pourvu d'un comité d'oeuvres sociales, a directement versé à ses agents des chèques pour le Noël des enfants ; qu'en décidant d'exonérer de cotisations sociales ces chèques cadeaux, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale :
13. En application de ce texte, sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale les prestations en nature ou en espèces versées par le comité d'entreprise aux salariés qui se rattachent directement aux activités sociales et culturelles et la contribution de l'employeur d'une entreprise de moins de cinquante salariés à l'acquisition de chèques-vacances, dans les conditions fixées aux articles L. 411-9 et L. 411-10 du code du tourisme.
14. Pour annuler les redressements, l'arrêt énonce que la Région n'était nullement tenue de confier l'intégralité de son action sociale à destination de ses agents au comité d'oeuvres sociales et qu'en raison des règles propres aux collectivités territoriales, tenues de mettre en oeuvre une action sociale à destination de leurs agents, mais non pourvues de comité d'entreprise, l'URSSAF ne pouvait exiger qu'elles remplissent les conditions propres aux entreprises pour bénéficier de l'exonération. Il en déduit que le fait que les chèques vacances et les chèques cadeaux aient été directement alloués par la Région ne pouvait fonder le redressement.
15. En statuant ainsi, alors que les dispositions instituant des exonérations de cotisations de sécurité sociale sont d'interprétation stricte et qu'aucun texte spécifique ne prévoit l'exonération de cotisations sociales sur les sommes versées directement par la Région au titre des chèques vacances et des chèques cadeaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le chef de redressement n° 4, relatif au comité d'entreprise : règles de droit commun et dérogations, n° 7, relatif aux chèques vacances des travailleurs handicapés et n° 8, relatif aux chèques pour le Noël des enfants et validé la mise en demeure du 24 décembre 2018 émise par l'URSSAF du Centre-Val de Loire à l'encontre de la Région du Centre-Val de Loire à l'exception des montants correspondant aux chefs de redressements n° 4, 7 et 8, l'arrêt rendu le 5 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la Région du Centre-Val de Loire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Région du Centre-Val de Loire et la condamne à payer à l'URSSAF du Centre-Val de Loire la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.