LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 octobre 2024
Annulation sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 870 F-D
Pourvoi n° Q 23-10.639
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 novembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
Mme [N] [O], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-10.639 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [J] [Z], domicilié [Adresse 4],
2°/ à M. [C] [Z], domicilié [Adresse 3],
tous deux pris en qualité de tuteurs de leur père, M. [E] [Z],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [O], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [J] et [C] [Z], tous deux pris en qualité de tuteurs de leur père, M. [E] [Z], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-20.494), M. [E] [Z] a épousé Mme [O], le [Date mariage 5] 2015.
2. Par ordonnance du 11 mai 2016, confirmée par arrêt du 14 septembre 2017, M. [E] [Z] a été placé sous tutelle. MM. [J] et [C] [Z], ses fils nés d'une première union, ont été nommés tuteurs et Mme [O], subrogée tutrice.
3. Autorisés par une ordonnance du juge des tutelles à engager une action en nullité du mariage, les tuteurs ont saisi un tribunal de grande instance qui,
par un jugement du 21 décembre 2017 a notamment, prononcé la nullité du mariage de M. [E] [Z] et Mme [O].
4. [E] [Z] est décédé le [Date décès 2] 2018.
5. Par arrêt du 16 décembre 2021 (2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-20.494), la Cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux ayant confirmé le jugement et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
6. MM. [J] et [C] [Z] contestent la recevabilité du pourvoi au motif que l'arrêt s'est borné à constater l'absence de saisine de la cour d'appel et son dessaisissement sans trancher aucun litige.
7. Seules peuvent faire l'objet d'un pourvoi les décisions qui constituent un jugement. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Mme [O] fait grief à l'arrêt de constater l'absence de déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux et le dessaisissement de la cour et de rappeler que le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angoulême le 21 décembre 2017 a force de chose jugée, alors « qu'en cas de cassation, l'affaire est renvoyée devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats ; que la cour d'appel de Bordeaux ayant rendu l'arrêt du 10 septembre 2019 statuant sur le litige opposant Mme [O] à [C] et [J] [Z] était présidée par Mme [R] [L] ; que, par un arrêt du 16 décembre 2021, la Cour de cassation a cassé cet arrêt et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 29 mars 2022, statuant sur renvoi après cassation, que la cour d'appel était composée, notamment, de Mme Danièle Puydebat, conseiller ; qu'en statuant ainsi, quand le magistrat ayant participé à la décision cassée, ne pouvait participer à la décision statuant sur renvoi après cassation dans la même affaire, la cour d'appel a violé les articles 626 du code de procédure civile et L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte de l'article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, que les contestations afférentes à la régularité de la composition d'une juridiction, dont les parties avaient la possibilité d'avoir connaissance, doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats, faute de quoi aucune nullité ne peut être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office.
10. Mme [O], représentée à l'audience qui s'est tenue devant les trois magistrats composant la chambre, a eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats et ne l'a pas contestée devant les juges du fond.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas recevable.
Mais sur le moyen relevé d'office
Vu les articles 1er et 5 du code de procédure civile :
12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.
13. Il résulte de ces textes que constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge de statuer sans être saisi par les parties, en dehors des cas prévus par la loi.
14. Pour constater le dessaisissement de la cour d'appel, l'arrêt énonce qu'en l'absence de saisine de la cour d'appel de renvoi dans le délai de deux mois de la notification de l'arrêt de la Cour de cassation, elle se trouve dessaisie.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel qui n'était pas saisie par les parties d'une déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.
16. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler cet arrêt.
Portée et conséquences de la cassation
17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'annulation prononcée n'implique pas qu'il soit à nouveau statué.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne MM. [J] et [C] [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.