LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 octobre 2024
Cassation partielle
sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 564 F-D
Pourvoi n° S 23-15.678
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024
M. [L] [V], domicilié [Adresse 2], [Localité 4], a formé le pourvoi n° S 23-15.678 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Domaine de Safran, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Domaine de Safran, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mars 2023), par acte du 8 septembre 2017, la société Domaine de Safran a vendu, en l'état futur d'achèvement, un appartement à M. [V].
2. Le procès-verbal de livraison et de remise des clés a été signé le 30 juillet 2019 avec réserves.
3. Se plaignant de non-conformités contractuelles de la cloison séparative et des mains courantes de la loggia, M. [V] a assigné, par acte du 27 juillet 2020, la société Domaine de Safran aux fins de condamnation de celle-ci à réaliser les travaux de mise en conformité, sous astreinte.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [V] fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle avait déclaré M. [V] recevable à agir en garantie contre le vendeur du chef d'un vice apparent non réservé affectant l'ouvrage, alors « que pendant un an à compter de la réception des travaux ou de l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession des ouvrages, l'acquéreur d'un immeuble à construire est recevable à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l'écoulement de ce délai ; qu'en l'espèce, pour déclarer l'acquéreur forclos à agir en garantie du chef du vice affectant la cloison séparative de la loggia, l'arrêt infirmatif attaqué, tout en relevant que l'exposant avait assigné le vendeur dans le délai d'un an à compter de la réception des travaux accompagnée de la remise des clés, a retenu que le désordre litigieux, « présent dès la livraison/réception », « apparent dès réception », n'avait été
réservé ni « sur le procès-verbal de réception » ni « dans le délai d'un mois » de la livraison ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du code civil :
6. Il résulte de ces textes que l'acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices et défauts de conformité apparents, même dénoncés postérieurement à l'écoulement de ce délai d'un mois.
7. Pour infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état déclarant recevable l'action en garantie du défaut de conformité apparent relatif à la cloison séparative de la loggia, l'arrêt retient que ce défaut, apparent à la livraison intervenue le 30 juillet 2019, n'avait pas été dénoncé au vendeur dans le délai d'un mois de celle-ci, de sorte que ce dernier se trouvait déchargé de la garantie des vices et défauts de conformité apparents à compter du 30 août 2019, alors que M. [V] n'avait délivré assignation que le 27 juillet 2020.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il résulte du paragraphe 6 qu'en l'espèce, M. [V], qui a pris possession de son bien le 30 juillet 2019, a intenté une action en garantie tenant au défaut de conformité apparent de la cloison séparative de sa loggia le 27 juillet 2020, soit moins d'un an après le 30 août 2019, point de départ du délai d'un an prévu aux articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du code civil.
12. M. [V] est, dès lors, recevable à agir contre le vendeur en garantie du défaut de conformité apparent relatif à la cloison séparative de la loggia. L'ordonnance du juge de la mise en état sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré son action recevable de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance du juge de la mise en état déclarant recevable la demande de M. [V] formée contre le vendeur, en garantie du défaut de conformité apparent de la cloison séparative de la loggia et en ce qu'il statue sur les dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 16 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulon rendue le 21 juin 2022 en ce qu'elle déclare recevable la demande de M. [V] en garantie du défaut de conformité apparent de la cloison séparative de la loggia et dit que les dépens de l'incident suivront le sort de l'affaire au fond ;
Condamne la société Domaine de Safran aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Domaine de Safran et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.