LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 décembre 2024
Mme TEILLER, président
Avis n° 9002 FS-D
Pourvoi n° D 22-12.787
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024
La deuxième chambre civile, saisie du pourvoi n° D 22-12.787 formé par la commune de [Localité 2], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville, [Adresse 1], dans le litige l'opposant à M. [J] [C], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation, contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), a sollicité, le 13 juin 2024 l'avis de la troisième chambre civile, en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.
Vu la communication faite au procureur général ;
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 2], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [C], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024, où étaient présents, Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, M. Pety, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, et M. Waguette, conseiller à la deuxième chambre civile qui a assisté au délibéré, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Maréville, greffier de chambre ;
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Énoncé de la demande d'avis
1. Par décision du 13 juin 2024, la deuxième chambre civile a transmis à la troisième chambre civile, en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile, une demande d'avis portant sur la question suivante :
« Le juge des référés, qui, saisi par une commune sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, constate un trouble manifestement illicite du fait de travaux réalisés en violation des dispositions du plan local d'urbanisme (PLU), et ordonne au bénéficiaire de ces travaux de les interrompre et de remettre les lieux en état, peut-il autoriser la commune, à défaut d'exécution de la remise en état, à y procéder d'office aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ? »
Examen de la demande d'avis
2. Aux termes de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
3. Le juge des référés peut ordonner, sur ce fondement, la cessation du trouble manifestement illicite résultant de l'exécution de travaux en violation des règles d'urbanisme (1re Civ., 14 mai 1991, pourvoi n° 89-20.492, Bull. 1991, I, n° 158) et apprécie souverainement, sous réserve de son caractère proportionné au regard des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 19-10.375, publié), le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu'il constate (2e Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-20.687, Bull. 2012, II, n° 133 ; Com., 27 mai 2015, pourvoi n° 14-10.800, Bull., IV, n° 88).
4. Il peut, à ce titre, ordonner la démolition d'une construction, sauf si sa mise en conformité, acceptée par le propriétaire, permet le respect des règles d'urbanisme (Cons. constit., 31 juillet 2020, décision n° 2020-853 QPC) et assortir cette obligation de faire des mesures accessoires propres à en assurer l'effectivité, tel le prononcé d'une astreinte.
5. Enfin, la mesure de remise en état ou de démolition prononcée en référé est exécutoire de plein droit.
6. La poursuite de l'intérêt général qui s'attache au respect des règles d'urbanisme a conduit le législateur à adopter plusieurs dispositions afin de permettre à l'autorité compétente en matière d'urbanisme de procéder, elle-même, à défaut d'exécution par l'intéressé dans le délai prescrit, à la remise en état ou à la démolition judiciairement ordonnée.
7. Ainsi, l'article L. 480-9 du code de l'urbanisme autorise, lorsqu'une juridiction pénale a ordonné la démolition, la mise en conformité ou la remise en état et que celle-ci n'est pas achevée à l'expiration du délai fixé par le jugement, le maire ou le fonctionnaire compétent à procéder, d'office et sans nouvelle intervention judiciaire, à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol.
8. Par ailleurs, pour dispenser les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de plan local d'urbanisme de la nécessité de saisir le juge pénal, l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, créé par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003, leur a permis de saisir le juge civil aux fins de démolition ou de mise en conformité d'un ouvrage édifié sans l'autorisation exigée par le livre IV de ce code ou en méconnaissance de cette autorisation, dans les secteurs soumis à des risques naturels prévisibles. La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 a étendu cette possibilité aux ouvrages édifiés ou installés sur l'ensemble du territoire communal.
9. Enfin, il résulte de l'article L. 481-1, IV, dernier alinéa, du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024, que, lorsque des travaux entrepris et exécutés en méconnaissance ou sans autorisation d'urbanisme ou en méconnaissance des obligations imposées par le livre IV ou mentionnées à l'article L. 610-1 présentent un risque certain pour la sécurité ou pour la santé, l'autorité compétente peut mettre en demeure l'intéressé, sans intervention judiciaire préalable, de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement ou de l'installation et, à défaut d'exécution dans le délai requis, être autorisée par jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond à procéder à la démolition complète des installations aux frais de l'intéressé.
10. Il ressort de ces dispositions qu'en conférant à l'autorité spécialement chargée de veiller au respect des règles d'urbanisme la possibilité de procéder, elle-même, à la remise en état ou à la démolition, lorsque l'intéressé ne s'est pas exécuté à l'expiration du délai qui lui avait été imparti, le législateur a entendu assurer, sous le contrôle du juge, l'effectivité et la rapidité des mesures, judiciairement ordonnées, propres à faire cesser l'atteinte constatée aux règles d'urbanisme.
11. Dès lors, le juge des référés qui ordonne, dans les conditions prévues par la loi, une mesure de remise en état ou de démolition pour faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la violation d'une règle d'urbanisme peut autoriser la commune, à défaut d'exécution par le bénéficiaire des travaux dans le délai prescrit, à y procéder d'office aux frais de l'intéressé.
12. En décider autrement, en cas de trouble manifestement illicite, porterait atteinte à l'objectif d'intérêt général de respect effectif des prescriptions d'urbanisme.
13. Cependant, sauf disposition légale contraire, l'exécution forcée d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'ayant lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, le juge des référés ne peut ordonner que celle-ci aura lieu aux risques du bénéficiaire des travaux irréguliers.
PAR CES MOTIFS, la troisième chambre civile :
EST D'AVIS QUE :
Le juge des référés, qui, saisi par une commune sur le fondement de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, constate un trouble manifestement illicite du fait de travaux réalisés en violation des dispositions du plan local d'urbanisme et ordonne au bénéficiaire de ces travaux de les interrompre et de remettre les lieux en état, peut autoriser la commune, à défaut de complète exécution de la remise en état par ce bénéficiaire dans le délai qu'il fixe, à y procéder d'office aux frais de celui-ci, mais ne peut pas prescrire que cette exécution aura lieu à ses risques et périls.
Ordonne la transmission du dossier et de l'avis à la deuxième chambre civile.
Ainsi fait et émis par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.