LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 décembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 673 F-D
Pourvoi n° J 23-18.983
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024
La société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-18.983 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant à M. [R] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 mai 2023), informée du projet de vente de parcelles par la commune de La Brigue à M. [Z], la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur (la SAFER) a notifié, le 21 avril 2016, au notaire instrumentaire et, le 26 avril 2016, à M. [Z] qu'elle exerçait son droit de préemption.
2. Le 19 octobre 2016, M. [Z] a assigné la SAFER en annulation de la décision de préemption.
3. En cours de procédure, la SAFER a acquis les parcelles objet de la décision de préemption et les a rétrocédées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La SAFER fait grief à l'arrêt de dire les demandes de M. [Z] recevables, alors « que la recevabilité d'une action en annulation d'un acte est subordonnée à la mise en cause des parties obligées par l'acte faisant l'objet de la contestation et des actes subséquents passés sur le fondement de cet acte ; que la demande d'annulation d'une décision de préemption a pour conséquence et pour finalité de contester les actes subséquents de vente et de rétrocession pris sur le fondement de cette décision ; qu'il s'ensuit que l'acquéreur évincé, demandeur à l'action en nullité d'une décision de préemption, doit attraire dans la cause le vendeur initial et le rétrocessionnaire du bien ; qu'en retenant, pour déclarer les demandes de M. [Z] recevables, qu'il ne peut être exigé de l'acquéreur évincé de mettre en cause le vendeur initial ou le rétrocessionnaire, sauf à ajouter à la loi, son action étant valablement engagée à l'égard de la seule SAFER dont il conteste la préemption, quelles que soient les conséquences du succès éventuel de son action quant à la validité de l'acte de vente initial et de l'acte de rétrocession, la cour d'appel a violé les articles 14, 30, 122 du code de procédure civile et L. 143-14 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
5. La recevabilité de l'action n'étant pas subordonnée à la mise en cause d'autres parties que celles obligées par l'acte faisant l'objet de la contestation, la cour d'appel, qui a, à bon droit, retenu qu'il ne pouvait être exigé de l'acquéreur évincé de mettre en cause le vendeur initial ou le rétrocessionnaire, sauf à ajouter à la loi, son action étant valablement engagée à l'égard de la seule SAFER dont il contestait la préemption, quelles que soient les conséquences du succès éventuel de son action quant à la validité de l'acte de vente initial et de l'acte de rétrocession, en a exactement déduit que l'action en annulation introduite par M. [Z] était recevable.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La SAFER fait grief à l'arrêt de déclarer nulle la décision de préemption en raison de l'irrégularité de la notification intervenue le 26 avril 2016, alors « que la SAFER qui exerce son droit de préemption, après avoir notifié au notaire chargé d'instrumenter sa décision motivée signée par le président de son conseil d'administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet, doit également notifier cette décision à l'acquéreur évincé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire ; qu'une décision peut être contenue dans le texte d'une lettre et qu'il suffit à la régularité de la notification à l'acquéreur évincé que le courrier reproduise la décision de préemption notifiée au notaire ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les deux courriers envoyés par la SAFER au notaire et à M. [Z] ne font référence à aucune autre décision que celle qu'ils contiennent et apparaissent ainsi non comme une notification de la décision de préemption – jamais jointe – mais comme deux décisions de préemption, ce qui apparaît contraire au texte applicable, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas, a violé l'article R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel n'a pas retenu que la notification de la décision de préemption à l'acquéreur évincé ne pouvait se borner à reproduire la décision de préemption notifiée au notaire, mais a relevé que les modalités de notification choisies par la SAFER, consistant en l'envoi de deux courriers de dates différentes se présentant chacun comme une décision de préemption distincte, entraînait une indétermination de la décision génératrice de la préemption et une confusion justifiant la nullité de la notification et donc de la décision de préemption.
9. Le moyen manque donc en fait.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille vingt-quatre.