LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 décembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 675 F-D
Pourvoi n° K 23-19.076
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024
La société Forestalia Renovables SL, dont le siège est [Adresse 1] (Espagne), a formé le pourvoi n° K 23-19.076 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2023 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile, section B), dans le litige l'opposant à la société Reyranglade, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Forestalia Renovables SL, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Reyranglade, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 mai 2023), la société Forestalia Renovables SL (la société Forestalia), société de droit espagnol dont les activités sont liées aux énergies renouvelables, comprenant notamment la fabrication de biomasse bois dans le domaine des bio-énergies par l'utilisation de déchets verts (feuillages), qu'elle propose ensuite à la vente, a conclu le 3 septembre 2015, avec la société Reyranglade un contrat de prestation de services pour un durée de quinze ans, aux termes duquel la société Forestalia s'engageait à effectuer des plantations d'eucalyptus et de peupliers pour produire de la biomasse bois sur des parcelles appartenant à la société Reyranglade.
2. Le 21 septembre 2017, la société Forestalia a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en requalification du contrat de prestation de services en bail rural.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Forestalia fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors :
« 1°/ que constitue un bail rural la mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole ; que la condition tenant à l'exercice d'une activité agricole sur le bien mis à disposition est remplie dès lors que l'activité effectivement déployée sur les lieux est conforme à l'affectation agricole voulue par les parties ; qu'en refusant de requalifier le contrat conclu entre la société Forestalia Renovables et la société La Reyranglade en bail rural, après avoir constaté que ce contrat prévoyait la mise à disposition de terres agricoles de manière exclusive au bénéfice de la société Forestalia Renovables SL et ce à titre onéreux, pour y exercer une activité agricole, effectivement réalisée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que constitue un bail rural la mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole ; que la condition tenant à l'exercice d'une activité agricole sur le bien mis à disposition est remplie dès lors que l'activité effectivement déployée sur les lieux est conforme à l'affectation agricole voulue par les parties, la circonstance que le bénéficiaire de cette mise à disposition ait pu confier partie de l'exécution des actes d'exploitation agricole à un tiers étant sans emport sur la qualification du contrat ; qu'en se fondant, pour refuser de requalifier le contrat de prestations de services en bail rural, sur l'absence de preuve de la réalisation, par la société Forestalia Renovables, d'actes d'exploitation agricole dans l'exécution du contrat, après avoir constaté que le contrat conclu entre la société Forestalia Renovables et la société La Reyranglade prévoyait la mise à disposition des parcelles litigieuses pour y exercer une activité agricole et que l'activité effectivement exercée sur ces parcelles coïncidait avec celle prévue au contrat, à savoir la plantation d'eucalyptus et de peupliers pour produire de la biomasse bois par l'utilisation de déchets verts, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter la qualification de bail rural, a violé l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
3°/ que l'objet social prévu par les statuts, qui se définit comme l'ensemble des activités que la société se propose d'exercer en vue de faire des bénéfices ou de réaliser des économies, ne fait pas obstacle à l'exercice d'une activité sociale différente ; qu'en retenant, pour refuser de requalifier le contrat de prestation de services en bail rural, que l'objet social initial de la société Forestalia Renovables orienté vers une activité commerciale consistant notamment en la vente d'énergies renouvelables était incompatible avec l'exercice d'une activité de production agricole, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
4°/ que seule l'exclusion, dans l'objet social d'une personne morale, de la possibilité de conclure des baux soumis au statut du fermage fait obstacle à l'exercice par elle d'une activité agricole ; qu'en retenant, pour refuser de requalifier le contrat de prestation de services en bail rural, que l'objet social initial de la société Forestalia Renovables orienté vers une activité commerciale consistant notamment en la vente d'énergies renouvelables était incompatible avec l'exercice d'une activité de production agricole, sans constater que l'objet social initial de la société Forestalia Renovables SL aurait exclu la possibilité, pour elle, de conclure des baux soumis au statut du fermage, la cour d'appel a violé l'article 1711 du code civil, ensemble l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir énoncé, à bon droit, que, pour obtenir la requalification d'un contrat en bail rural, la société Forestalia devait démontrer que celui qui a à sa disposition des terres à vocation agricole et ce à titre onéreux, assure l'exploitation desdites parcelles, la cour d'appel a relevé, au terme d'une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que les prestations étaient confiées en leur totalité à un sous-traitant et que la demanderesse n'accomplissait aucun acte direct d'exploitation agricole.
5. Elle a également retenu que l'ensemble des factures produites aux débats avait été adressé à la société Forestalia France, société non partie au contrat dès lors qu'il n'était pas justifié que la société Forestalia Renovables SL, dont le siège social est localisé à Madrid, ait pour dénomination sociale Forestalia France.
6. La cour d'appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, que cette convention ne pouvait recevoir la qualification de bail rural.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Forestalia Renovables SL aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Forestalia Renovables SL et la condamne à payer à la société Reyranglade la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille vingt-quatre.