COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 décembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 762 FS-B
Pourvoi n° Q 22-15.074
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
La société Compagnie générale de crédit aux particuliers Crédipar, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 22-15.074 contre l'arrêt rendu le 14 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 4], domicilié [Adresse 1], agissant sous l'aurorité du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Compagnie générale de crédit aux particuliers Crédipar, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Ducloz, de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2022), la société Compagnie générale de crédit aux particuliers Crédipar (la société Crédipar), qui finance les clients des réseaux pour les acquisitions ou locations de véhicules neufs et d'occasion, propose des contrats d'assurance à adhésion facultative « Garantie perte financière », « Sécurité remplacement » et « Plus que l'argus » lors de ces opérations.
2. L'administration fiscale a remis en cause l'application du taux de 9 % au lieu de celui de 18 % pour la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (Tsca), en vertu de l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts. Elle a notifié à la société Crédipar des rehaussements portant sur la Tsca pour les exercices 2010 à 2014.
3. Après rejet de sa réclamation contentieuse, la société Crédipar a assigné le directeur général des finances publiques afin d'obtenir le dégrèvement des impositions mises à sa charge.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Crédipar fait grief à l'arrêt de dire l'administration bien fondée en ses rectifications et rappels de droits et de rejeter ses demandes tendant au dégrèvement des sommes mises à sa charge au titre de la Tsca, alors :
« 1°/ que les dispositions de l'article 1001, 5° bis, n'ont vocation à s'appliquer qu'aux garanties portant sur des risques indissociables par nature de ceux couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile ; que ce texte, dérogatoire, est d'interprétation stricte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la "garantie perte financière" intervenait en cas de perte totale du véhicule assuré pour prendre en charge la différence entre l'indemnité de résiliation prévue au contrat de location longue durée et la valeur du véhicule à dire d'expert ; qu'en jugeant, par des motifs inopérants, que cette garantie portait sur des risques indissociables de ceux couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile, à savoir dommage matériel et responsabilité civile, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que la garantie perte financière couvrait le risque de paiement d'une indemnité d'un montant ne correspondant pas à la valeur du véhicule et due uniquement en raison de la souscription d'un contrat de location longue durée, de sorte qu'elle couvrait un risque purement financier, la cour d'appel a violé les articles 991 et 1001 du code général des impôts ;
2°/ que la société Crédipar faisait valoir que les garanties prévues par les contrats d'assurance "Garantie perte financière", "Sécurité remplacement" et "Plus que l'argus" avaient nécessairement pour bénéficiaire le titulaire des contrats de financement, de sorte que le souscripteur des polices en cause pouvait différer du souscripteur de l'assurance automobile, qui pouvait être l'utilisateur du véhicule ; qu'en se fondant, pour juger que les risques couverts par le contrat "Garantie perte financière" étaient indissociables des risques couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile, sur le fait que les contrats "Garantie perte financière", "Sécurité remplacement" et "Plus que l'argus" étaient souscrits lors de l'acquisition ou la location d'un véhicule "par le conducteur", tandis que le contrat "Garantie perte financière" prévoyait que cette assurance devait être souscrite par le locataire" du véhicule, et non par son conducteur, la cour d'appel a dénaturé ce contrat ;
3°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions faisant valoir que le souscripteur du contrat "Garantie perte financière" pouvait différer du souscripteur de l'assurance automobile obligatoire, ce qui démontrait que les risques garantis étaient dissociables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que, s'agissant de la garantie "Sécurité remplacement", l'article 5 de la notice d'information PSA Insurance Ltd du contrat "Sécurité remplacement" précise que la police couvre notamment "l'indemnité contractuelle de résiliation" qui est "égale à la différence, au jour du sinistre, entre : - le montant de l'option d'achat hors taxe à la date du sinistre, - et la valeur de remplacement du véhicule sinistré (
)" ; qu'en retenant, pour juger que les risques couverts par cette garantie étaient indissociables des risques couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile, que la garantie prenait en charge "la différence entre le coût de la réparation du véhicule supérieur à 80 % de sa valeur à dire d'expert", tandis que, en l'absence de deuxième terme de comparaison, ces motifs étaient intelligibles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que l'article 5 de la notice d'information PSA Insurance Ltd du contrat "Sécurité remplacement" précise que la police couvre notamment "l'indemnité contractuelle de résiliation" qui est "égale à la différence, au jour du sinistre, entre : - le montant de l'option d'achat hors taxe à la date du sinistre, - et la valeur de remplacement du véhicule sinistré (
)" ; qu'en retenant, pour juger que les risques couverts par cette garantie étaient indissociables des risques couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile, que la garantie prenait en charge "la différence entre le coût de la réparation du véhicule supérieur à 80 % de sa valeur à dire d'expert", cependant qu'aucune des stipulations du contrat ne prévoyait la prise en charge de la différence entre le coût de réparation du véhicule et une autre valeur, et notamment sa valeur à dire d'expert, la cour d'appel a dénaturé la notice d'information PSA Insurance Ltd du contrat "Sécurité remplacement" ;
6°/ qu'en se fondant, pour juger que les risques couverts par le contrat "Sécurité remplacement" étaient indissociables des risques couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile, sur le fait que les contrats "Garantie perte financière", "Sécurité remplacement" et "Plus que l'argus" étaient souscrits lors de l'acquisition ou la location d'un véhicule "par le conducteur", tandis que le contrat "Sécurité remplacement" prévoyait qu'avait la qualité d'assuré "l'adhérent, personne physique ou morale, pour le véhicule désigné sur le contrat de location" du véhicule, et non son conducteur, la cour d'appel a dénaturé ce contrat ;
7°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions faisant valoir que le souscripteur du contrat "Sécurité remplacement" pouvait différer du souscripteur de l'assurance automobile obligatoire, ce qui démontrait que les risques garantis étaient dissociables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
8°/ qu'en se fondant, pour juger que les risques couverts par la garantie "Sécurité remplacement" étaient indissociables des risques couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile, sur des motifs inopérants tenant notamment au fait déclencheur de la garantie ou au fait que son déclenchement était lié à la mise en uvre du contrat d'assurance automobile, sans rechercher quel était l'objet de ce contrat, et plus précisément s'il avait pour objet de couvrir son souscripteur notamment contre le risque financier résultant de l'obligation de payer une indemnité de résiliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 991 et 1001 du code général des impôts ;
9°/ que, s'agissant de la garantie "Plus que l'argus", la cour d'appel a constaté que l'assureur devait régler à l'assuré une indemnité forfaitaire calculée en pourcentage de la cote Argus Ttc en fonction de l'âge du véhicule, de la date du sinistre et du pourcentage financé du prix du véhicule ; qu'elle a encore constaté qu'elle permettait à l'assuré d'apurer sa dette vis-à-vis de la société Crédipar ; qu'en jugeant, par des motifs inopérants, que la garantie "Plus que l'argus" portait sur des risques indissociables de ceux couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que l'indemnité versée en exécution de cette garantie avait pour objet de couvrir l'assuré contre le risque financier correspondant à l'obligation de payer le capital restant dû au titre du contrat malgré la destruction du véhicule, la cour d'appel a violé les articles 991 et 1001 du code général des impôts ;
10°/ qu'en se fondant, pour juger que les risques couverts par le contrat "Plus que l'argus", étaient indissociables des risques couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile, sur le fait que les contrats "Garantie perte financière", "Sécurité remplacement" et "Plus que l'argus" étaient souscrits lors de l'acquisition ou la location d'un véhicule "par le conducteur", tandis que le contrat "Plus que l'argus", prévoyait qu'avait la qualité d'assuré "l'adhérent, personne physique ou morale, pour le véhicule désigné sur le contrat de location" du véhicule, et non son conducteur, la cour d'appel a dénaturé ce contrat ;
11°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions faisant valoir que le souscripteur du contrat "Plus que l'argus"pouvait différer du souscripteur de l'assurance automobile obligatoire, ce qui démontrait que les risques garantis étaient dissociables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
12°/ que les dispositions de l'article 1001, 5 bis, du code général des impôts n'ont vocation à s'appliquer qu'aux garanties incluses dans les contrats d'assurance automobile, à tout le moins si elles ne relèvent pas, par leur nature même, des risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur ; qu'en jugeant que les sommes perçues au titre des contrats "Garantie perte financière", "Sécurité remplacement" et "Plus que l'argus" devaient être soumises à la taxe au taux de 18 % sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les garanties litigieuses étaient incluses dans des contrats d'assurance automobile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 991 et 1001 du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, le tarif de la Tsca est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur.
6. La Cour de cassation juge que ces dispositions trouvent application lorsque les garanties en cause portent sur des risques indissociables par nature de ceux couverts par les garanties principales des contrats d'assurance automobile (Com., 31 janvier 2006, pourvoi n° 03-19.832, Bull. 2006, IV, n° 2 ; Com., 15 mars 2011, pourvoi n° 10-10.652). Elle a aussi jugé, plus récemment, que le tarif de la Tsca applicable dépend de la nature de la garantie et de la qualité de l'assuré (Com., 24 novembre 2015, pourvoi n° 12-15.419, Bull. 2015, IV, n° 163 ; Com., 13 juin 2018, pourvoi n° 16-18.844 ; Com., 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-21.600).
7. Face aux difficultés d'interprétation de cette jurisprudence, il convient désormais, dans un souci de clarification, de juger que les dispositions de l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts s'appliquent lorsque la garantie, qui n'est pas nécessairement incluse dans un contrat d'assurance relevant de l'article L. 211-1 du code des assurances, joue à l'occasion de tout sinistre mettant en cause un véhicule terrestre à moteur, peu important que le souscripteur de la garantie ne soit pas le souscripteur de l'assurance automobile obligatoire.
8. Après avoir relevé que la garantie « Perte financière » s'applique au financement d'un véhicule en location longue durée et prend en charge, en cas de sinistre total, la différence entre la valeur d'achat du véhicule loué et la valeur à dire d'expert, que la garantie « Sécurité remplacement » s'applique aux contrats de location avec option d'achat et garantit le contrat de financement uniquement en cas de sinistre et d'indemnisation par l'assureur automobile principal et que la garantie « Plus que l'argus » assure un bien financé pendant la période de remboursement du prêt et intervient à la suite d'un accident, un incendie, une catastrophe naturelle, un acte de vandalisme ou de terrorisme ou un vol et favorise l'apurement de la dette de l'emprunteur en cas de destruction du véhicule financé, l'arrêt retient que ces trois types de contrats, souscrits lors de l'acquisition ou de la location d'un véhicule, prévoient que la garantie s'applique uniquement en cas de perte totale ou partielle dudit véhicule.
9. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était ni tenue de répondre aux conclusions invoquées par les troisième, septième et onzième branches ni d'effectuer la recherche invoquée par la douzième branche, inopérantes a, sans dénaturer les contrats d'assurance, exactement déduit que les garanties « Perte financière », « Sécurité remplacement » et « Plus que l'argus » proposées par la société Crédipar étaient soumises au tarif de 18 % prévu au 5° bis de l'article 1001 du code général des impôts.
10. Par conséquent, le moyen, inopérant en sa quatrième branche, comme critiquant des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Compagnie générale de crédit aux particuliers Crédipar aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie générale de crédit aux particuliers Crédipar et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur général des finances publiques la somme globale de 4 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.