LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 décembre 2024
Mme MARTINEL, président
Avis n° 9005 FS-D
Pourvoi n° G 22-70.015
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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La chambre criminelle, saisie du pourvoi n° G 22-86.015 formé par la société Matmut, dont le siège est [Adresse 1], partie intervenante, contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre correctionnelle), qui, dans la procédure suivie contre M. [E] [G] du chef de blessures involontaires, a statué sur les intérêts civils, a sollicité, le 6 septembre 2022, l'avis de la deuxième chambre civile, en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024, où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, Mme Cassignard, M. Martin, Mme Chauve, Mme Salomon, conseillers, Mme Brouzes, Mme Philippart, M. Riuné, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a émis le présent avis.
Enoncé de la demande d'avis
1. « La nullité du contrat d'assurance automobile pour fausse déclaration intentionnelle relative à l'identité du conducteur habituel, doit-elle être déclarée inopposable à la victime y compris quand elle est tout à la fois le passager du véhicule ayant causé l'accident et le souscripteur de l'assurance, auteur de cette fausse déclaration ? »
Examen de la demande d'avis
2. Par son avis n° 9002 FS-D du 30 mars 2023, pourvoi n° 22-70.015, rectifié par l'arrêt n° 998 FS-D du 7 septembre 2023, la deuxième chambre civile a relevé que la question se posait de savoir si les articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 s'opposent à une réglementation nationale qui déclarerait opposable au passager victime, qui est aussi le preneur d'assurance, la nullité du contrat résultant de sa fausse déclaration intentionnelle au moment de la conclusion du contrat d'assurance et si la circonstance que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages soit tenu d'indemniser cette victime, dans le cas où la nullité du contrat lui serait déclarée opposable, serait de nature à influer sur la solution.
3. Considérant que la réponse à ces interrogations ne s'imposait pas avec une évidence telle qu'elle ne laisserait place à aucun doute raisonnable, elle a saisi d'une question préjudicielle la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans les termes suivants :
« Les articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que la nullité du contrat d'assurance responsabilité civile automobile soit déclarée opposable au passager victime lorsqu'il est également le preneur d'assurance ayant commis une fausse déclaration intentionnelle au moment de la conclusion du contrat, à l'origine de cette nullité ? »
4. Par un arrêt du 19 septembre 2024 (C-236/23), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :
« L'article 3, premier alinéa, et l'article 13, paragraphe I, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent, sauf si la juridiction de renvoi constate l'existence d'un abus de droit, à une réglementation nationale qui permet, d'une part, d'opposer au passager d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, qui est victime de cet accident, lorsque celui-ci est également le preneur d'assurance, la nullité du contrat d'assurance de la responsabilité civile automobile résultant d'une fausse déclaration de ce preneur d'assurance faite lors de la conclusion de ce contrat, quant à l'identité du conducteur habituel du véhicule concerné et, d'autre part, à l'assureur, dans l'hypothèse où une telle nullité est effectivement inopposable à un tel « passager victime », d'obtenir le remboursement de la totalité des sommes qu'il a versées à ce passager en exécution du contrat d'assurance au moyen d'un recours introduit contre ce dernier, fondé sur la faute intentionnelle commise par celui-ci lors de la conclusion de ce contrat, dès lors qu'un tel remboursement conduirait à priver de tout effet utile les dispositions de cette directive, en limitant de manière disproportionnée le droit de la victime à obtenir une indemnisation par l'assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs. »
PAR CES MOTIFS, la deuxième chambre civile,
EST D'AVIS QUE :
Conformément à ce que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, la nullité du contrat d'assurance automobile pour fausse déclaration intentionnelle relative à l'identité du conducteur habituel, doit être déclarée inopposable à la victime, y compris quand elle est à la fois le passager du véhicule ayant causé l'accident et le souscripteur de l'assurance, auteur de cette fausse déclaration, sauf si la juridiction constate l'existence d'un abus de droit commis par cette victime.
Ordonne la transmission du dossier et de l'avis à la chambre criminelle.
Ainsi fait et émis par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.