CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 janvier 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 4 F-D
Pourvoi n° C 23-18.379
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JANVIER 2025
La société Debitex Telecom, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 23-18.379 contre le jugement rendu le 5 janvier 2023 par le tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [L] [S], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
M. [L] [S] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principale invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident évrntuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Debitex Telecom, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Orange, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois, rendu en dernier ressort, 5 janvier 2023), le 2 octobre 2015, M. [S] a conclu avec la société Orange un contrat lui permettant d'avoir accès à l'internet par la fibre optique.
2. Le 25 janvier 2022, exposant subir des interruptions de connexion récurrentes, il a saisi un tribunal de proximité d'une demande de condamnation de cette société en paiement de la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts.
3. La société Orange a assigné en garantie la société Debitex Telecom, opérateur en charge de la réalisation du réseau.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
4. M. [S] conteste la recevabilité du pourvoi, soutenant que le jugement statue sur une demande reconventionnelle indéterminée, à savoir une demande de garantie nécessitant l'interprétation d'un contrat.
5. Cependant, l'appel en garantie était limité aux condamnations susceptibles d'être prononcées contre la société Orange, qui n'étaient pas supérieures au taux du dernier ressort.
6. Le pourvoi est donc recevable.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La société Debitex Telecom fait grief au jugement de la condamner à verser à M. [S] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, alors « que le juge de proximité ne peut pas condamner une société à réparer le préjudice subi par un demandeur lorsque celui-ci n'avait formé aucune demande à ce titre à son encontre ; qu'il ressort de la requête de M. [S] et des énonciations du jugement attaqué que si M. [S] qui n'a pas assigné la société Debitex Telecom a finalement sollicité la condamnation solidaire et sous astreinte des deux entreprises Orange et Debitex Telecom à procéder au rétablissement immédiat de son accès internet, sa demande de condamnation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi était exclusivement dirigée contre la seule société Orange, raison pour laquelle cette dernière société avait demandé à être relevée et garantie de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre ; qu'en condamnant néanmoins la société Debitex Télécom à verser à M. [S] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, bien qu'aucune demande de dommages et intérêts n'avait été formulée à son encontre par M. [S] à ce titre, le tribunal a violé l'article 4 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. M. [S] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le prononcé de choses non demandées ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 du code de procédure civile.
10. Cependant, M. [S] n'a pas saisi le tribunal de proximité d'une demande contre la société Debitex Telecom.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
13. Pour condamner la société Debitex Telecom à payer à M. [S] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement retient qu'il est démontré que les dysfonctionnement récurrents subis par celui-ci proviennent de problèmes techniques en amont du point de mutualisation, engageant la responsabilité de cette seule société.
14. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de la requête adressée par M. [S] à la juridiction de proximité et des termes du jugement rendu à l'issue de sa comparution qu'il n'avait formé aucune demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Debitex Telecom, le tribunal de proximité, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. M. [S] n'ayant pas formé de pourvoi à l'encontre du jugement en ce qu'il dit que la responsabilité de la société Orange doit être écartée, la cassation prononcée n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Debitex Telecom à payer à M. [S] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, le jugement rendu le 5 janvier 2023, entre les parties, par le tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Orange aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.