CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 janvier 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 2 F-D
Pourvoi n° Z 23-19.020
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JANVIER 2025
M. [T] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-19.020 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [W] [K],
2°/ à Mme [D] [U], épouse [K],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [P], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. et Mme [K], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 mai 2023), par bail verbal conclu en juin 2012, [Z] [J] a donné en location une maison à Mme [K], sa petite-fille, et au conjoint de celle-ci.
2. En décembre 2012, M. et Mme [K] ont équipé, avec l'autorisation d'[Z] [J], le toit de la maison de panneaux photovoltaïques.
3. M. [P], devenu propriétaire du bien au décès de [Z] [J], a donné congé aux locataires aux fins de reprise.
4. Après avoir quitté les lieux le 31 mai 2021, M. et Mme [K] ont assigné M. [P] en indemnisation à hauteur du coût de l'installation photovoltaïque sur le fondement d'un l'enrichissement injustifié. M. [P] a reconventionnellement demandé une indemnisation au titre de la remise en état du bien.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer la somme de 16 160,82 euros au titre d'un enrichissement injustifié, alors « qu'il n'y a pas lieu à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel ; qu'en l'espèce, M. [P] demandait la confirmation du jugement déféré en ce qu'il avait retenu que l'investissement litigieux avait été réalisé par le époux [K] en vue d'un profit personnel, en faisant valoir que ces derniers avaient exécuté les travaux litigieux à leurs risques et périls en se fondant uniquement sur une prétendue promesse de Mme [Z] [P] de les voir devenir propriétaires et dans leur seul intérêt ; qu'en se bornant à énoncer que M. [P] bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment des époux [K], sans rechercher, comme elle y était invitée, si les époux [K] n'avaient pas réalisé les travaux dans leur intérêt propre et à leurs risques et périls, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1303-2 du code civil et des principes régissant l'enrichissement sans cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1303-2, alinéa 1er, du code civil :
6. Aux termes de ce texte, il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel.
7. Pour condamner M. [P] au paiement d'une indemnité, l'arrêt retient que, depuis le départ de M. et Mme [K] suivi de son emménagement, M. [P] tire profit de l'installation sans en avoir supporté le coût, de sorte qu'il bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment de ceux-ci, privés, depuis qu'ils ont quitté le logement, de tout droit sur l'immeuble ainsi amélioré.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. et Mme [K] n'avaient pas réalisé les travaux en vue d'un profit personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
9. M. [P] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation au titre de la remise en état du bien, alors « qu'en énonçant, pour rejeter la demande de M. [P] au titre de la remise en état du bien loué, que le ballon thermodynamique fait partie de l'installation photovoltaïque, la cour d'appel, qui s'est prononcée par une simple affirmation, sans l'assortir de la moindre justification, a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
11. Pour rejeter la demande de M. [P] au titre de la remise en état du bien, l'arrêt énonce que le ballon thermodynamique fait partie de l'installation photovoltaïque.
12. En statuant ainsi par voie de simple affirmation, sans aucun motif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [P] à payer à M. et Mme [K] la somme de 16 160,82 euros au titre de l'enrichissement sans cause, rejette sa demande au titre de la remise en état du bien et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.