N° Z 23-85.490 F-B
N° 00024
ODVS
14 JANVIER 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JANVIER 2025
La [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, en date du 29 août 2023, qui a déclaré irrecevable son appel du jugement du juge des libertés et de la détention déclarant irrecevable sa requête en liquidation d'astreinte.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la [1], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la communauté d'agglomération du Puy-en Velay, et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le procureur de la République a, sur requête de la [1] (la [1]) dénonçant des faits de pollution d'un cours d'eau en lien avec les dysfonctionnements d'un système d'épuration, saisi le juge des libertés et de la détention dans le cadre de la procédure de référé prévue par l'article L. 216-13 du code de l'environnement.
3. Par décision du 5 mai 2022, ce juge a ordonné à la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay de mettre en oeuvre en urgence diverses mesures destinées à remédier aux faits dénoncés, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard.
4. Le 20 mars 2023, la [1] a déposé une requête en liquidation de l'astreinte auprès du juge des libertés et de la détention qui l'a déclarée irrecevable.
5. La [1] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
Enoncé des moyens
6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de la [1], alors « que fait grief à la partie intéressée et entraine la nullité de la procédure, l'absence de mise à disposition du dossier comprenant les réquisitions du ministère public au profit de son conseil pendant un délai de cinq jours francs avant l'audience, dans les matières autres que la détention provisoire ; que dès lors qu'il ne résulte pas des dispositions de l'arrêt que le dossier ait été mis à disposition des parties, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles préliminaire, 197, alinéa 3, et 802 du code de procédure pénale. »
7. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de la [1], alors :
« 1°/ que toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ; que selon l'article L. 216-13 du code de l'environnement, en cas de non-respect des prescriptions imposées au titre des articles L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6 dudit code, toute mesure utile, y compris l'interdiction d'exploiter l'ouvrage ou l'installation en cause, peut être ordonnée pour faire cesser le trouble, soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête de l'autorité administrative ou d'une association remplissant les conditions fixées par l'article L. 142-2, soit même d'office par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel ; qu'en l'absence de dispositions contraires et de caractère pénal de l'astreinte, mesure à caractère réel, et pour garantir l'effet utile des mesures prononcées, une association, recevable, en vertu dudit texte, à formuler une requête auprès du ministère public aux fins de prononcé desdites mesures, l'est également à solliciter la liquidation de l'astreinte destinée à garantir leur exécution auprès du juge de libertés et de la détention et à interjeter appel de sa décision ; que, pour déclarer irrecevable l'appel de la [1], la chambre de l'instruction a énoncé que « si les astreintes ainsi prononcées constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales, elles sont prononcées et liquidées par le juge pénal » et que « le procureur de la République, seul compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention pour prendre "toute mesure utile" était, par conséquent, également seul compétent pour le saisir de tout problème d'exécution lié à ces mesures » ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement et l'article L. 216-13 du code de l'environnement ;
2°/ que si l'article 710 du code de procédure pénale prévoit que tous incidents contentieux relatifs à l'exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence, il ne précise aucunement qui peut saisir la juridiction d'un incident contentieux ; qu'en énonçant néanmoins que « le procureur de la République, seul compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention pour prendre "toute mesure utile" était, par conséquent, également seul compétent pour le saisir de tout problème d'exécution lié à ces mesures », la chambre de l'instruction a méconnu l'article 710 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom du 10 mai 2022 ayant prononcé des mesures sous astreinte avait énoncé que celle-ci avait été « Saisie par la [1] (43), L'autorité judiciaire était donc parfaitement fondée à mettre en uvre ce dispositif » ; qu'il en résulte que l'exposante avait, comme partie au litige, qualité à solliciter la liquidation de ladite astreinte ; qu'en déclarant néanmoins l'exposante irrecevable à agir et à interjeter appel, la chambre de l'instruction a méconnu l'article L. 216-13 du code de l'environnement, ensemble les articles 710 et 711 du code de procédure pénale ;
4°/ en toute hypothèse, que le tribunal ou la cour d'appel statue sur les incidents contentieux relatifs à l'exécution sur requête du ministère public ou de la partie intéressée ; que toute personne visée par une mesure d'exécution d'une décision pénale est recevable à présenter une requête soulevant des incidents relatifs à cette exécution ; que sont des parties intéressées au sens de l'article 711 du code de procédure pénale, les associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 dudit code ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels; qu'en l'espèce, l'exposante était bénéficiaire des mesures prises pour la qualité de l'eau dans l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom du 10 mai 2022 ce qui en faisait une partie intéressée au sens de l'article 711 du code de procédure pénale, qu'en déclarant néanmoins l'exposante irrecevable à agir et à interjeter appel, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 710 et 711 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour déclarer irrecevable l'appel de la [1], l'arrêt attaqué énonce que le cinquième alinéa de l'article L. 216-13 du code de l'environnement, qui ouvre le droit de faire appel, de façon restrictive, au procureur de la République ou à la personne concernée par les mesures, se rapporte à la décision sur le fond prise par le juge des libertés et de la détention, mais que ce texte ne prévoit aucun contrôle de l'exécution des mesures ainsi ordonnées, en particulier sur la liquidation d'une astreinte.
10. Les juges ajoutent que, si la procédure dite de référé environnemental n'est pas subordonnée à la caractérisation d'une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale, il n'en demeure pas moins que seul le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention de la requête visée à l'article L. 216-13 précité et que lui seul, ou la personne concernée par les mesures, peut faire appel de la décision prise à titre principal.
11. Ils précisent que si les astreintes ainsi prononcées constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales, elles sont prononcées et liquidées par le juge pénal.
12. Les juges relèvent encore qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles de l'article 710 du code de procédure pénale que seul le procureur de la République est compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention afin de prendre toute mesure utile et régler toute difficulté d'exécution y afférente, éventuellement à la demande de la partie requérante.
13. La cour d'appel en conclut que la [1], à laquelle aucun texte ne confère la qualité de partie à la procédure de référé, n'est pas plus recevable à saisir le juge des libertés et de la détention en liquidation de l'astreinte qu'elle ne l'aurait été à le faire sur le fondement des dispositions de l'article L. 216-13 du code de l'environnement.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au deuxième moyen.
15. En effet, toute action relevant de la procédure engagée sur le fondement de l'article L. 216-13 du code de l'environnement ne peut être poursuivie que par le procureur de la République ou la personne concernée, qui est celle à l'encontre de laquelle il a été demandé au juge des libertés et de la détention d'ordonner toute mesure utile.
16. Dès lors, les moyens doivent être écartés, le premier étant inopérant, faute pour la [1] d'avoir la qualité de partie.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de la [1], alors « que l'article L. 216-13 du code de l'environnement en ce qu'il ne prévoit pas explicitement que les associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 dudit code ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels sont recevables à solliciter la liquidation de l'astreinte assortissant des mesures de protection de l'environnement est contraire aux articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'exposante par mémoire distinct et motivé ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale. »
Réponse de la Cour
18. Par arrêt distinct du 23 avril 2024, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre cette question au Conseil constitutionnel. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la [1] devra payer à la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt-cinq.
Le Rapporteur Le Président
Le Greffier de chambre