SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 41 FS-B
Pourvoi n° W 23-13.980
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025
M. [T] [L], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 23-13.980 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [R] [B], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité de liquidatrice judiciaire de la société Racing club [Localité 4] Méditerranée SASP,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [L], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers,Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 janvier 2023), M. [L] a été engagé en qualité de joueur de rugby espoir par la société Racing club [Localité 4] Méditerranée, le 10 avril 2017, selon un contrat de travail à durée déterminée pour la saison sportive 2017/2018. Le même jour, les parties ont conclu un contrat à durée déterminée à effet du 1er juillet 2018, par lequel M. [L] a été engagé en qualité de joueur de rugby professionnel pour les saisons 2018/2019 et 2019/2020. L'article 7 du contrat prévoyait que tout contrat, avenant, accord entre un club et un joueur non homologué est dépourvu d'existence et d'effets, sous réserve des cas de refus d'homologation pour raisons financières, pour lesquels il sera fait application des dispositions de la convention collective de rugby professionnel et que, par ailleurs, l'homologation du contrat est une condition préalable à la qualification du joueur dans les compétitions professionnelles organisées par la LNR (ligue nationale de rugby). Ce contrat n'a pas été homologué par la ligue nationale de rugby.
2. A l'issue de la saison 2017/2018, le club, qui évoluait en PRO D2 a été relégué en fédérale 1.
3. Par jugement du 18 juillet 2018, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire du club et désigné Mme [B] en qualité de liquidatrice.
4. Le joueur a été « licencié » par la liquidatrice judiciaire le 28 juillet 2018.
5. Le 30 novembre 2018, le joueur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le joueur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit fixé au passif de la société une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et qu'il soit dit que l'AGS CGEA devra garantir cette somme, alors « qu'il résulte de l'article 2.1 du chapitre 1 du titre I de la convention collective du rugby professionnel que lorsqu'un club est relégué ou rétrogradé dans les compétitions fédérales, les dispositions de la convention collective du rugby professionnel relatives à la procédure d'homologation des contrats de travail par la ligue nationale de Rugby ''cessent de s'appliquer dès la relégation ou la rétrogradation du club dans les compétitions fédérales, celui-ci perdant la qualité de membre de la LNR'' ; que pour les clubs qui appartiennent à la division fédérale 1, l'article 4.1 du titre II du Statut du joueur de fédérale 1 prévoit que ''l'homologation ne constitue pas une condition préalable à l'existence d'un contrat de travail entre un joueur et un club'' et l'article 4.2.8 qu' ''en cas de non-transmission par le club d'un contrat et/ou avenant aux fins d'homologation'', ''les missions prévues au contrat autres que celles prohibées du fait de l'absence d'homologation seront exécutées. Ceci concerne notamment les entraînements qui préservent l'employabilité du joueur et plus généralement les activités de l'effectif des joueurs, à l'exception de sa participation aux matchs de compétitions officielles. Dès lors, la rémunération prévue au contrat sera due par le club au joueur'' ; que l'absence d'homologation du contrat ne peut donc empêcher l'exécution de celui-ci lorsqu'à la date de prise d'effet de ce contrat le club a été relégué en fédérale 1 ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter M. [L] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de travail, qu' ''il importe peu que le club ait été relégué en fédérale 1 et ce d'autant plus qu'aux termes des dispositions spécifiques applicables aux joueurs des clubs promus en 2e division professionnelle (titre III de la convention collective et titre III de l'accord collectif statut du joueur et de l'entraîneur de fédérale 1), l'accord d'adaptation prévus par l'article L. 2261-14 du code du travail n'est applicable qu'aux joueurs titulaires d'un contrat de travail homologué par la LNR en cours avec un club relégué/rétrogradé en fédérale 1. Il s'ensuit que l'accord collectif n'était pas immédiatement applicable à M. [T] [L] dès lors que son contrat n'avait pas été initialement homologué'', quand il ressortait de ses constatations qu'à la date de prise d'effet du contrat de M. [L] le 1er juillet 2018 le club était relégué en fédérale 1 de sorte que l'absence d'homologation de son contrat par la LNR ne pouvait avoir empêché l'exécution de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 2.1 du chapitre 1 du titre I de la convention collective du rugby professionnel, les articles 4.1 et 4.2.8 du titre II du Statut du joueur de fédérale 1, ensemble le principe ''pas de nullité sans texte.'' »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 222-2-6 du code du sport, 2.3.2 du titre II et 2.1.2 du titre I de la convention collective du rugby professionnel et 4.1 du titre II du statut du joueur de fédérale 1 :
7. Aux termes du premier de ces textes, le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d'homologation du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l'entraîneur professionnels et déterminer les modalités de l'homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d'absence d'homologation du contrat. Les conditions dans lesquelles l'absence d'homologation du contrat peut faire obstacle à son entrée en vigueur sont déterminées par une convention ou un accord collectif national.
8. Selon le deuxième, tous contrats, ainsi que tous avenants, conventions, accords et contre-lettres dont l'objet est de compléter le contrat de travail conclu, doivent être soumis par le club à l'homologation dans les conditions fixées par la présente convention et la réglementation de la ligue nationale de rugby.
9. Selon le troisième, les dispositions de la convention collective du rugby professionnel relatives à la procédure d'homologation des contrats de travail par la ligue nationale de rugby cessent de s'appliquer dès la relégation ou la rétrogradation du club dans les compétitions fédérales, celui-ci perdant la qualité de membre de la ligue.
10. Selon le quatrième, l'homologation par la Fédération française de rugby, qui est une condition préalable à la qualification du joueur en tant que « joueur sous contrat » dont l'absence peut justifier le refus du droit de participer aux compétitions organisées par la Fédération, ne constitue pas une condition préalable à l'existence d'un contrat de travail entre un joueur et un club.
11. Pour débouter le salarié de sa demande en fixation de sa créance à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, l'arrêt retient que l'homologation prévue par l'article 7 du contrat signé le 10 avril 2017 à effet du 1er juillet 2018 s'analyse juridiquement comme une condition suspensive du contrat de travail. Il ajoute que cette condition d'entrée en vigueur est reprise par la convention collective en vigueur qui prévoit, dans son titre II, chapitre 1, article 2.1 que tout contrat, conclu entre un club et un joueur non homologué est dépourvu d'existence et d'effets, sous réserve des dispositions de l'article 2.3.8.b, relatives aux cas de refus d'homologation pour raisons financières. L'arrêt précise que l'homologation du contrat est une condition préalable à la qualification du joueur dans les compétitions professionnelles organisées par la ligue nationale de rugby.
12. L'arrêt relève que la convention collective du rugby professionnel stipule à son article 2.2.1 du titre II, chapitre I, que le contrat entre en vigueur à la date et aux conditions prévues au contrat sous réserve de son homologation et que l'homologation conditionne l'entrée en vigueur du contrat de travail pour les joueurs professionnels.
13. L'arrêt retient que le contrat de travail n'a pas été homologué par la ligue nationale de rugby. Il ajoute qu'il importe peu que le club ait été relégué en fédérale 1 et ce d'autant plus qu'aux termes des dispositions spécifiques applicables aux joueurs des clubs promus en deuxième division professionnelle l'accord d'adaptation prévu par l'article L. 2261-14 du code du travail n'est applicable qu'aux joueurs titulaires d'un contrat de travail homologué par la ligue nationale de rugby en cours avec un club relégué/rétrogradé en fédérale 1. L'arrêt en conclut que l'accord collectif n'était pas immédiatement applicable au joueur dès lors que son contrat n'avait pas été initialement homologué.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'au jour de la prise d'effet du contrat de travail, le 1er juillet 2018, le club n'évoluait plus dans le championnat professionnel PRO D2 relevant de la ligue nationale de rugby, mais dans le championnat amateur fédérale 1, de sorte que la relation de travail était soumise au statut du joueur de fédérale 1, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe à 1 076,70 euros la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Racing club [Localité 4] Méditerranée, l'arrêt rendu le 25 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5] et Mme [B], en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la société Racing club [Localité 4] Méditerranée, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile condamne l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5] et Mme [B], ès qualités, à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.