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15/01/2025 | FRANCE | N°23-14.625

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation de section, 15 janvier 2025, 23-14.625


COMM.

MB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 janvier 2025




Rejet


M. SOULARD, premier président



Arrêt n° 5 FS-B

Pourvoi n° X 23-14.625





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JANVIER 2025

La société Dstorage, soci

été par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-14.625 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle ...

COMM.

MB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 janvier 2025




Rejet


M. SOULARD, premier président



Arrêt n° 5 FS-B

Pourvoi n° X 23-14.625





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JANVIER 2025

La société Dstorage, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-14.625 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Dstorage, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, à la suite duquel le premier président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Vigneau, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, Mme Guillou, MM. Bedouet, Calloch, Chazalette, Mme Gouarin, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Boutié, Mmes Coricon, Buquant, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2023) et les productions, la société Dstorage propose des services de stockage de contenus sur ses serveurs, utilisables par tout internaute depuis le site internet « 1fichier.com. »

2. Le 4 janvier 2013, elle a conclu avec la Société générale un contrat lui permettant de proposer à ses utilisateurs un service de paiement à distance sécurisé par carte bancaire.

3. Le 6 juillet 2015, reprochant à la société Dstorage des manquements à ses obligations contractuelles en raison de la présence sur son site de contenus illicites au regard du droit de propriété intellectuelle, la Société générale lui a notifié sa décision de résilier le contrat sur le fondement de l'article 1.4.

4. Invoquant une résiliation abusive du contrat, la société Dstorage l'a assignée afin d'obtenir le rétablissement du service de paiement sécurisé en ligne et sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts au titre des préjudices subis.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à cinquième et septième à onzième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

6. La société Dstorage fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que lorsque l'hébergeur a concrètement connaissance de la mise à disposition illicite d'un contenu protégé sur sa plate-forme, il ne commet une faute que s'il s'abstient de l'effacer ou d'en bloquer l'accès promptement, tandis que lorsque l'hébergeur sait ou devrait savoir que, d'une manière générale, des contenus protégés sont illégalement mis à la disposition du public par l'intermédiaire de son service par des utilisateurs de celle-ci, il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de son service, à donner au public accès à des contenus illicites – et donc ne commet une faute – que lorsqu'il s'abstient de mettre en œuvre les mesures techniques appropriées qu'il est permis d'attendre d'un opérateur normalement diligent dans sa situation pour contrer de manière crédible et efficace les utilisations illicites de ce service ; que pour retenir que la société Dstorage n'apportait pas la preuve d'avoir mis en œuvre les mesures techniques attendues en suite de la connaissance par elle des contenus illicites déposés sur la plate-forme qu'elle exploitait, la cour d'appel a recherché l'existence de mesures techniques appropriées qu'il est permis d'attendre d'un opérateur normalement diligent dans sa situation pour contrer de manière crédible et efficace des violations du droit d'auteur ; que la cour d'appel a statué ainsi, après avoir pourtant relevé que la résiliation du contrat litigieux était intervenue après que la Société générale avait notifié l'existence concrète de contenus illicites précis dont elle a considéré que la société Dstorage avait connaissance – et non pas en raison d'une connaissance que la société Dstorage aurait ou devrait avoir, de l'utilisation, de manière générale, de son service à des fins illicites –, d'où il résultait que la seule mesure curative légalement attendue de la société Dstorage pour n'être pas fautive consistait à effacer ou bloquer promptement l'accès à ces contenus et non pas à mettre en place des mesures techniques, la cour d'appel a, en conséquence, violé l'article 6, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016444 du 13 avril 2016, ensemble l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. L'article 6, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, n'a ni pour objet ni pour effet de priver les signataires d'un contrat monétique auquel est partie un hébergeur de la faculté de stipuler que celui-ci est tenu à une obligation de surveillance des informations qu'il stocke ou publie, et de sanctionner la méconnaissance de cette obligation par une résiliation du contrat.

8. Après avoir constaté que la convention signée entre la Société générale et la société Dstorage stipulait, en son article 3.1.4, que la société Dstorage s'engageait à s'abstenir de toute activité illicite dont « des actes de contrefaçons d'oeuvres protégées par un droit de propriété intellectuelle » et en son article 1.4 que la Société générale peut suspendre ou résilier le service, dès lors qu'elle est informée de l'illicéité du contenu du site internet de la société Dstorage, l'arrêt relève que, le 15 juin 2015, à la suite de la mise en oeuvre d'un système de détection d'éventuelles activités illicites des clients des banques, le groupe Mastercard a informé la Société générale qu'à la suite de commandes réalisées en utilisant une carte bancaire de son réseau, il avait été constaté l'illicéité de contenus disponibles sur le site 1fichier.com violant les droits de propriété intellectuelle de la société de production audiovisuelle indienne Zee Entertainment Enterprises et de ses filiales d'exploitation, en permettant le téléchargement illégal de séries et de films. Il ajoute que, le 19 juin 2015, la Société générale a notifié à la société Dstorage cette situation illicite et l'a informée de l'existence d'une plainte sur ces contenus émanant de cette société indienne, que, le 25 juin 2015, elle a mis en demeure la société Dstorage de supprimer les 740 fichiers identifiés par Zee Entertainment Enterprises dans un délai de vingt-quatre heures en précisant qu'à défaut, elle procéderait à la résiliation du contrat monétique en application de l'article 1.4 partie 3 des conditions générales du contrat. Il retient, ensuite, que la Société générale a été informée que de nouveaux fichiers avaient été rendus accessibles sur cette plate-forme en violation des droits de propriété intellectuelle de la société Zee Entertainment Enterprises ainsi qu'un lien vers un film à l'affiche déjà signalé par la société Mastercard et que la société Dstorage ne rapporte pas la preuve d'avoir mis en oeuvre les mesures techniques attendues à la suite de la connaissance par elle des contenus illicites déposés sur la plate-forme qu'elle exploite.

9. En l'état de ses constatations et énonciations, dont il résulte que la société Dstorage n'avait pas respecté son engagement contractuel de ne publier ou stocker aucun contenu illicite, la cour d'appel a pu retenir que la Société générale, avait justement résilié le contrat.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

11. Il n'y a, en conséquence, pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suggérées par la société Dstorage sur l'interprétation de l'article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, qui n'est pas applicable au litige.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Dit n'y avoir lieu à question préjudicielle ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Dstorage aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dstorage et la condamne à payer à la Société générale la somme de 10 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le premier président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-14.625
Date de la décision : 15/01/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

L'article 6, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, n'a ni pour objet ni pour effet de priver les signataires d'un contrat monétique auquel est partie un hébergeur de la faculté de stipuler que celui-ci est tenu à une obligation de surveillance des informations qu'il stocke ou publie, et de sanctionner la méconnaissance de cette obligation par une résiliation du contrat

postes et communications electroniques.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris J2


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation de section, 15 jan. 2025, pourvoi n°23-14.625, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.14.625
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