SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 35 F-B
Pourvoi n° Z 23-14.765
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025
M. [L] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-14.765 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2023 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société Geodis RT Provence, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée société Bourgey Montreuil Provence, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Geodis RT Provence, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 janvier 2023), M. [M] a été engagé en qualité de conducteur routier par la société Bourgey Montreuil Provence, aux droits de laquelle vient la société Geodis RT Provence, à compter du 2 novembre 1999.
2. Le 13 février 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que les trajets qu'il effectuait pour se rendre sur son nouveau lieu de travail depuis son lieu de résidence n'était pas un temps de travail effectif, alors :
« 1°/ que le salarié, comme la société Geodis RT Provence, prétendaient que le salarié entrait dans les prévisions de l'article 9.2 du règlement européen 561/2006 du 15 mars 2006 et s'opposaient uniquement sur les conséquences juridiques de l'application de ces dispositions quant à la qualification en temps de travail des temps de trajet du salarié ; qu'en se fondant, pour juger que les trajets effectués par M. [L] [M] pour se rendre sur le lieu de prise en charge de son véhicule de transport routier, au nouveau siège de la société Samada, ne constituaient pas du temps de travail effectif, sur les dispositions de l'article 9.3 du règlement européen 561/2006 du 15 mars 2006, dont les conditions d'application diffèrent, en fait, de celles de l'article 9.2 et qui qualifiaient d'''autre tâche'', ''tout temps passé par un conducteur conduisant un véhicule n'entrant pas dans le champ d'application du présent règlement pour se rendre sur le lieu de prise en charge d'un véhicule entrant dans le champ d'application du présent règlement'', la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que constitue un temps de travail effectif tout temps passé par un conducteur pour se rendre sur le lieu de prise en charge de son véhicule de transport routier ou en revenir, lorsque celui-ci ne se trouve ni au lieu de résidence du conducteur ni à l'établissement de l'employeur auquel le conducteur est normalement rattaché, et ce, indépendamment du point de savoir s'il est alors à la disposition de son employeur ou s'il peut vaquer librement à ses occupations ; qu'en retenant, pour débouter M. [L] [M] de ses demandes de rappel de salaire au titre des trajets qu'il avait effectués entre son domicile et le lieu de prise en charge de son véhicule de transport routier, au nouveau siège de la société Samada, qu'il ne ''démontr[ait] pas que pendant ces trajets, il était à la disposition de son employeur, qu'il ne pouvait donc pas vaquer librement à ses occupations'', la cour d'appel a violé l'article 9.2 du règlement 561/2006 du 15 mars 2006. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 9.2 du règlement CE n° 561/2006 du 15 mars 2006, tout temps passé par un conducteur pour se rendre sur le lieu de prise en charge d'un véhicule entrant dans le champ d'application du présent règlement ou en revenir, lorsque celui-ci ne se trouve ni au lieu de résidence du conducteur ni à l'établissement de l'employeur auquel le conducteur est normalement rattaché, n'est pas considéré comme repos ou pause, à moins que le conducteur se trouve dans un ferry ou un train et ait accès à une couchette.
6. La Cour de justice de l'Union européenne juge qu'un conducteur qui se rend à un endroit précis, qui lui est indiqué par son employeur et qui est différent du centre d'exploitation de l'entreprise, pour prendre en charge et conduire un véhicule satisfait à une obligation vis-à-vis de son employeur et que dès lors il ne dispose pas librement de son temps (CJUE 18 janvier 2001, Skills motor coaches Ltd C-297/99, point 23).
7. Par arrêt du 29 avril 2010 (CJUE, 29 avril 2010, Smit Reizen BV, C-124/09) la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la notion de « centre d'exploitation », figurant aux points 21 et suivants de l'arrêt du 18 janvier 2001, Skills Motor Coaches e.a. (C-297/99), doit être définie comme le lieu de rattachement concret du conducteur, à savoir l'installation de l'entreprise de transport au départ de laquelle il effectue régulièrement son service et vers laquelle il retourne à la fin de celui-ci, dans le cadre de l'exercice normal de ses fonctions et sans se conformer à des instructions particulières de son employeur.
8. La cour d'appel a retenu, d'une part, que l'employeur avait, à la suite du déménagement de l'entreprise cliente, pris la décision de déplacer le lieu de prise de service de [Localité 2] à [Localité 3], à compter du 14 avril 2014 et proposé au salarié une modification de son contrat de travail portant sur le lieu de prise de service et, d'autre part, que dans une lettre du 21 février 2014, le salarié avait indiqué ne pas refuser le fait que sa prise de service s'effectue à compter du 14 avril 2014 sur le site de [Localité 3].
9. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que les trajets domicile travail s'effectuaient avec le véhicule personnel du salarié sur un lieu de prise de service unique.
10. Ayant ainsi fait ressortir que le site de [Localité 3] constituait le lieu de rattachement concret du conducteur, la cour d'appel a, sans méconnaître les termes du litige et abstraction faite des motifs critiqués par le moyen, pris en sa première branche, exactement décidé que les temps litigieux ne constituaient pas du temps de travail effectif.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.