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15/01/2025 | FRANCE | N°23-85.073

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation de section, 15 janvier 2025, 23-85.073


N° W 23-85.073 FS-B

N° 00008


GM
15 JANVIER 2025


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 JANVIER 2025


La [4] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 6 juillet 2023, qui, dans la proc

édure suivie contre M. [V] [P], des chefs de fraude fiscale aggravée, blanchiment aggravé et recel, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la d...

N° W 23-85.073 FS-B

N° 00008


GM
15 JANVIER 2025


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 JANVIER 2025


La [4] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 6 juillet 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [V] [P], des chefs de fraude fiscale aggravée, blanchiment aggravé et recel, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa requête aux fins d'engagement d'une procédure civile d'exécution.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la société Boucard, Capron, Maman, avocat de la [4], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mmes Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, M. Gillis, Mme Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, M. Crocq, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre de l'enquête diligentée des chefs susvisés, le juge des libertés et de la détention a ordonné le 8 décembre 2020 la saisie d'un immeuble appartenant à la personne mise en cause.

3. Par requête du 29 novembre 2021, la [4], bénéficiaire d'une hypothèque judiciaire provisoire portant sur cet immeuble et publiée le 26 février 2019, a demandé au juge des libertés et de la détention à être autorisée à engager une procédure de saisie immobilière portant sur cet immeuble.

4. Par ordonnance du 30 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention a rejeté cette demande.

5. La requérante a interjeté appel de la décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à autoriser la [5] à engager une procédure civile d'exécution sur l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3], figurant au cadastre sous le n° AI [Cadastre 1], appartenant à M. [V] [P], visant à la vente forcée de ce bien, alors :

« 1°/ qu'aux termes des dispositions de l'article 706-146 du code de procédure pénale, si le maintien de la saisie pénale spéciale d'un bien la forme n'est pas nécessaire, un créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut être autorisé, par le juge qui a ordonné ou autorisé la saisie pénale spéciale du bien ou par le juge d'instruction en cas d'ouverture d'une information judiciaire postérieurement à la saisie pénale spéciale et, en cas d'appel, par la chambre de l'instruction de la cour d'appel, à engager ou à reprendre une procédure civile d'exécution sur le bien, conformément aux règles applicables à ces procédures ; qu'en disant, dès lors, n'y avoir lieu à autoriser la [5] à engager une procédure civile d'exécution sur l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3], figurant au cadastre sous le n° AI [Cadastre 1], appartenant à M. [V] [P], visant à la vente forcée de ce bien, quand elle constatait que la [5] justifiait réunir les conditions posées par les dispositions de l'article 706-146 du code de procédure pénale pour être autorisée à engager une telle procédure civile d'exécution, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 706-146 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'aucune disposition ne subordonne l'autorisation prévue par les dispositions de l'article 706-146 du code de procédure pénale à la condition que la vente du bien objet de la saisie pénale spéciale, dans le cadre de la procédure civile d'exécution dont l'engagement ou la reprise sont sollicités, ne soit pas de nature à diminuer l'assiette de la saisie pénale spéciale et celle, en conséquence, de la peine de confiscation qui est susceptible d'être prononcée ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire n'y avoir lieu à autoriser la [5] à engager une procédure civile d'exécution sur l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3], figurant au cadastre sous le n° AI [Cadastre 1], appartenant à M. [V] [P], visant à la vente forcée de ce bien, après avoir relevé que la [5] justifiait réunir les conditions posées par les dispositions de l'article 706-146 du code de procédure pénale pour être autorisée à engager une telle procédure civile d'exécution, qu'au vu de la conjoncture actuelle faisant suite à la guerre en Ukraine, du relèvement des taux d'intérêts et de la baisse des prix de l'immobilier, il n'apparaissait pas opportun de délivrer cette autorisation, parce que la vente par adjudication en cette période troublée serait de nature à diminuer l'assiette de la saisie pénale et, en conséquence, celle de la peine de confiscation qui est susceptible d'être prononcée, quand, en se déterminant de la sorte, elle subordonnait l'autorisation sollicitée par la [5] à une condition qui n'était pas prévue par la loi, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 706 146 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'aux termes des dispositions de l'article 706-146 du code de procédure pénale, si le maintien de la saisie pénale spéciale d'un bien la forme n'est pas nécessaire, un créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut être autorisé, par le juge qui a ordonné ou autorisé la saisie pénale spéciale du bien ou par le juge d'instruction en cas d'ouverture d'une information judiciaire postérieurement à la saisie pénale spéciale et, en cas d'appel, par la chambre de l'instruction de la cour d'appel, à engager ou à reprendre une procédure civile d'exécution sur le bien, conformément aux règles applicables à ces procédures ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire n'y avoir lieu à autoriser la [5] à engager une procédure civile d'exécution sur l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3], figurant au cadastre sous le n° AI [Cadastre 1], appartenant à M. [V] [P], visant à la vente forcée de ce bien, après avoir relevé que la [5] justifiait réunir les conditions posées par les dispositions de l'article 706-146 du code de procédure pénale pour être autorisée à engager une telle procédure civile d'exécution, qu'au vu de la conjoncture actuelle faisant suite à la guerre en Ukraine, du relèvement des taux d'intérêts et de la baisse des prix de l'immobilier, il n'apparaissait pas opportun de délivrer cette autorisation, parce que la vente par adjudication en cette période troublée serait de nature à diminuer l'assiette de la saisie pénale et, en conséquence, celle de la peine de confiscation qui est susceptible d'être prononcée, quand, en se déterminant ainsi, elle se fondait sur des circonstances qui n'étaient pas tirées de la situation particulière de M. [V] [P] ou des caractéristiques spécifiques du bien immobilier saisi, mais de la conjoncture économique globale, et, donc, sur des considérations d'ordre général, et non sur les circonstances propres à l'espèce qui lui était soumise, et adoptait en outre un raisonnement qui conduisait au rejet, à la date où elle statuait, de toute demande d'autorisation formée par un créancier quelconque d'engager ou de reprendre une procédure civile d'exécution sur tout bien faisant l'objet d'une saisie pénale spéciale et, donc, qui revenait à priver de toute portée les dispositions de l'article 706-146 du code de procédure pénale, et quand, en conséquence, les circonstances sur lesquelles elle se fondait ne justifiaient pas légalement le rejet de la demande d'autorisation formée par la [5], la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les dispositions des articles 591, 593 et 706-146 du code de procédure pénale et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 706-145, alinéa 2, 706-146, alinéa 1er, et 593 du code de procédure pénale :

8. Selon le premier de ces textes, à compter de la date à laquelle elle devient opposable et jusqu'à sa mainlevée ou la confiscation du bien saisi, la saisie pénale suspend ou interdit toute procédure civile d'exécution sur le bien objet de la saisie pénale.





9. Le deuxième dispose que, si le maintien de la saisie du bien en la forme n'est pas nécessaire, un créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut être autorisé, dans les conditions prévues à l'article 706-144 du code de procédure pénale, à engager ou reprendre une procédure civile d'exécution sur le bien, conformément aux règles applicables à ces procédures.

10. Il résulte des travaux parlementaires que ces textes ont pour objet, tout en assurant l'efficacité de la saisie pénale afin de garantir l'exécution de la peine de confiscation susceptible d'être prononcée, de préserver les intérêts légitimes des créanciers (Rapp. Ass. nat. n° 1689, XIIIème législ ; Rapp. Sénat n°328, 2009-2010 ; JO Sénat CR, 29 avr. 2010).

11. Il s'en déduit que lorsque les conditions de mise en oeuvre de l'article 706-146 du code de procédure pénale sont réunies, le juge peut rejeter la demande d'un créancier si, au regard des éléments concrets de l'espèce, il constate que l'engagement ou la poursuite de la procédure civile d'exécution est illégitime en raison de la mauvaise foi du créancier, ou de nature à porter une atteinte à la garantie d'exécution de la peine de confiscation que constitue la saisie pénale, atteinte qui serait disproportionnée compte tenu notamment de la situation du créancier, de la nature ainsi que du montant de la créance, ou encore de l'évolution prévisible de la valeur du bien.

12. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

13. Pour confirmer le rejet de la requête, l'arrêt attaqué retient que la requérante justifie réunir les conditions pour être autorisée à engager une procédure civile d'exécution.

14. Les juges ajoutent que toutefois, au vu de la conjoncture faisant suite à la guerre en Ukraine, du relèvement des taux d'intérêts et de la baisse des prix de l'immobilier, il n'apparaît pas opportun de délivrer cette autorisation, la vente par adjudication en cette période troublée étant de nature à diminuer l'assiette de la saisie et en conséquence celle de la peine de confiscation qui est susceptible d'être prononcée.

15. La chambre de l'instruction, qui a constaté que les conditions de mise en oeuvre de l'article 706-146 du code de procédure pénale étaient réunies, n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

16. En premier lieu, elle s'est prononcée uniquement par des motifs généraux, extérieurs à la procédure dont elle était saisie.



17. En second lieu, alors qu'il ne résulte pas de ses énonciations que le créancier était de mauvaise foi, elle n'a pas vérifié s'il existait, en l'espèce, un risque d'atteinte disproportionnée à la garantie d'exécution de la peine de confiscation susceptible d'être prononcée.

18. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 6 juillet 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-85.073
Date de la décision : 15/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation de section, 15 jan. 2025, pourvoi n°23-85.073, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.85.073
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