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15/01/2025 | FRANCE | N°24-85.977

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 15 janvier 2025, 24-85.977


N° Z 24-85.977 F-B
A 24-85-978
N° 00168


RB5
15 JANVIER 2025


CASSATION SANS RENVOI
REJET

M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 JANVIER 2025



M. [I] [Y] a formé des pourvois :

- contre l'arrêt n° 706 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provenc

e, en date du 11 septembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infraction à la législation sur les armes et association de malfaiteurs,...

N° Z 24-85.977 F-B
A 24-85-978
N° 00168


RB5
15 JANVIER 2025


CASSATION SANS RENVOI
REJET

M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 JANVIER 2025



M. [I] [Y] a formé des pourvois :

- contre l'arrêt n° 706 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 septembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infraction à la législation sur les armes et association de malfaiteurs, a prononcé sur la publicité des débats (pourvoi n° 24-85.978) ;

- contre l'arrêt n° 707 de ladite chambre de l'instruction, en date du même jour, qui, dans la même information, a infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant la prolongation de sa détention provisoire et a ordonné la prolongation de cette mesure (pourvoi n° 24-85.977).

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [I] [Y], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 16 mai 2023, M. [I] [Y] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire.

3. Le 29 août 2024, le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance intitulée « ordonnance de refus de prolongation de la détention provisoire et de placement sous contrôle judiciaire à l'expiration du mandat de dépôt », dont le dispositif prévoyait la mise en liberté de M. [Y] et son placement sous contrôle judiciaire.

4. Le lendemain, le même juge a rendu une ordonnance rectificative d'erreur matérielle, modifiant la motivation et le dispositif de sa décision, pour y préciser que la mise en liberté de l'intéressé n'interviendrait qu'à l'expiration du mandat de dépôt.

5. Le procureur de la République a relevé appel de ces deux décisions et s'est opposé à la tenue des débats en audience publique.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt n° 707

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt n° 706

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné que les débats se poursuivront en chambre du conseil, alors « que tout arrêt doit faire la preuve par lui-même de la composition légale de la juridiction dont il émane, s'agissant en particulier du nom des magistrats qui la composent et de leur nombre ; qu'au cas d'espèce, aucune mention de l'arrêt attaqué ne mentionne ni le nom, ni le nombre des juges qui l'ont rendu ; qu'il ne fait dès lors pas la preuve par lui-même de la composition légale de la juridiction dont il émane, et méconnaît l'article 216 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt n° 707 prononçant sur la prolongation de la détention provisoire de M. [Y] mentionne que la cour était composée de Mme Nathalie Beaudoux, présidente, et de MM. Ange Fiorito et Thomas Jouck, conseillers.

9. L'arrêt n° 706 ordonnant que les débats se poursuivent en chambre du conseil relève qu'il a été mis fin à l'audience publique, que la chambre de l'instruction s'est réunie en chambre du conseil et qu'après avoir délibéré conformément à l'article 200 du code de procédure pénale, toujours dans la même composition, elle a rendu l'arrêt, dont le président a donné lecture.

10. En l'état de ces énonciations, et dès lors que l'arrêt prononçant sur la publicité des débats est indissociable de celui se prononçant sur le fond, qui portant le même numéro de dossier, ayant le même objet et visant lui-même l'arrêt portant sur la publicité, précise le nombre et le nom des juges qui l'ont rendu, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

11. Ainsi, le moyen doit être écarté.

12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

Mais sur le second moyen du pourvoi formé contre l'arrêt n° 707

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'ordonnance rectificative, infirmé l'ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention avait ordonné la mise en liberté de M. [Y] et l'avait placé sous contrôle judiciaire, et ordonné la prolongation de la détention provisoire du demandeur, alors :

« 1°/ d'une part que s'il peut rectifier les erreurs matérielles qui se seraient glissées dans ses décisions ou résoudre les difficultés qui surviendraient lors de leur exécution, le juge des libertés et de la détention ne peut modifier, par une ordonnance prétendument rectificative, le sens et la portée du dispositif d'une ordonnance de mise en liberté, en la transformant en simple ordonnance de refus de prolongation de la détention provisoire, et en repoussant ainsi les effets de sa décision à une date ultérieure ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que le juge des libertés et de la détention a, dans les motifs et le dispositif de son ordonnance du 29 août 2024, prescrit la mise en liberté de l'exposant, sans repousser les effets de cette décision ; qu'en l'absence de tout référé-détention du parquet dans le délai légal, il incombait aux autorités de remettre l'intéressé en liberté sans délai ; que le juge des libertés et de la détention ne pouvait, pour retarder cette mise en liberté, prendre le lendemain une ordonnance rectificative modifiant le sens et la portée du dispositif pour indiquer que Monsieur [Y] ne serait remis en liberté qu'à l'expiration de son mandat de dépôt ; qu'en retenant toutefois, pour valider le recours à un tel procédé, qu' « au regard de l'intitulé de l'ordonnance du 29 août 2024 comportant la mention …"à expiration du mandat de dépôt" et de l'absence de cette mention dans le dispositif, il s'en déduisait un incident contentieux relatif à l'exécution de cette décision, qui autorisait le juge des libertés et de la détention à rendre une ordonnance rectificative afin d'interpréter sa décision », quand l'ordonnance litigieuse ne procédait pas à une telle interprétation, mais modifiait au contraire le sens et la portée du dispositif et des motifs concordants de l'ordonnance de mise en liberté immédiate prise la veille, et portait ainsi maintien illégale de Monsieur [Y] en détention, ce que les juges auraient dû constater, la Chambre de l'instruction a violé les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 710, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ d'autre part que la Chambre de l'instruction, saisie d'un appel rendu en matière de détention provisoire, qui constate que l'intéressé comparaît illégalement détenu devant elle, doit ordonner sa remise en liberté immédiate ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que Monsieur [Y], qui aurait dû être libéré à la suite de l'ordonnance de remise en liberté immédiate du 29 août 2024, comparaissait illégalement détenu devant les juges ; qu'en retenant, pour refuser d'ordonner sa mise en liberté et prolonger sa détention provisoire, qu' « en tout état de cause le débat est ce jour sans objet, la chambre de l‘instruction devant examiner le bien fondé du refus de prolongation », quand la circonstance que l'exposant comparaissait illégalement détenu devant elle aurait dû la conduire, sinon à prescrire sa remise en liberté immédiate, a minima à s'interroger sur la portée de la décision qu'elle aurait prise si l'intéressé avait été libre au jour où elle statuait, comme il aurait dû en aller à la suite de l'ordonnance du 29 août 2024, la Chambre de l'instruction a violé les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme et 432-5 du Code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 145, 145-1, 145-2, 185, 186, 186-1 et 201 du code de procédure pénale :

14. Il se déduit de ces textes que le juge des libertés et de la détention qui a rendu une ordonnance de prolongation de la détention provisoire ne peut prendre une ordonnance rectificative que pour réparer une erreur purement matérielle. Il ne saurait, sans excès de pouvoir, modifier le sens et la portée de sa décision, en empiétant sur les attributions que la chambre de l'instruction exerce, sous le contrôle de la Cour de cassation.

15. Lorsque, saisi aux fins de prolongation de la détention provisoire, le juge des libertés et de la détention décide, non seulement de refuser de prolonger la détention, mais encore de mettre la personne concernée en liberté avant l'expiration du délai prévu par les articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale, celle-ci doit être immédiatement libérée, sauf mise en œuvre de la procédure de référé-détention prévue par l'article 148-1-1 du même code.

16. Pour rejeter le moyen pris de la nullité de l'ordonnance rectificative du juge des libertés et de la détention et de la comparution à tort de M. [Y] détenu, l'arrêt attaqué énonce que, par ordonnance du 29 août 2024, le juge des libertés et de la détention a rendu une décision intitulée « ordonnance de refus de prolongation de la détention provisoire et de placement sous contrôle judiciaire à expiration du mandat de dépôt », dans laquelle était motivée puis ordonnée la mise en liberté de l'intéressé.

17. Les juges ajoutent que, par ordonnance rectificative du lendemain, le juge des libertés et de la détention a précisé qu'il fallait lire la décision du 29 août 2024 comme s'appliquant à l'issue de l'expiration du mandat de dépôt.

18. Ils retiennent que l'ordonnance rectificative fait corps avec l'ordonnance qu'elle rectifie, le délai d'appel contre l'ordonnance rectifiée courant à nouveau, et qu'au regard de l'intitulé de l'ordonnance du 29 août 2024 comportant la mention « à expiration du mandat de dépôt » et de l'absence de cette mention dans le dispositif, il s'en déduisait un incident contentieux relatif à l'exécution de cette décision, qui avait autorisé le juge des libertés et de la détention à rendre une ordonnance rectificative afin de l'interpréter.
19. Ils relèvent qu'en tout état de cause, le débat est ce jour sans objet, la chambre de l‘instruction devant examiner le bien fondé du refus de prolongation.

20. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.

21. En premier lieu, le juge des libertés et de la détention ne pouvait rectifier sans excès de pouvoir son ordonnance qui prévoyait la libération de M. [Y], en ajoutant la mention qui en modifiait la portée selon laquelle la mise en liberté n'interviendrait qu'à l'issue du mandat de dépôt, le libellé de l'intitulé de l'ordonnance ne pouvant justifier une modification de son dispositif.

22. En second lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait se prononcer sur la prolongation de la détention provisoire de la personne mise en examen, alors que celle-ci était détenue irrégulièrement depuis l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 août 2024, et alors même que la juridiction était saisie de l'appel de cette ordonnance par le ministère public. Elle devait donc remettre l'intéressé en liberté.

23. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

24. La cassation aura lieu sans renvoi.
25. M. [Y] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.

26. L'ordonnance du 29 août 2024 le plaçant sous contrôle judiciaire reprend tous ses effets.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 706 :

Le REJETTE ;

Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 707 :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé n° 707 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 septembre 2024 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [Y] est détenu sans titre depuis le 29 août 2024 ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [Y] s'il n'est détenu pour autre cause ;

DIT que l'ordonnance du 29 août 2024 le plaçant sous contrôle judiciaire reprend tous ses effets ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt n° 707 annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-85.977
Date de la décision : 15/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 15 jan. 2025, pourvoi n°24-85.977, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.85.977
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