CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 44 F-B
Pourvoi n° X 22-17.956
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
La société Réunion holding, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-17.956 contre l'arrêt rendu le 2 février 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société Réunion holding, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 2 février 2022), le 23 mai 2019, la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse, venant aux droits de la Banque de La Réunion (la banque), a relevé appel d'un jugement rendu le 13 mai 2019 par un tribunal mixte de commerce l'ayant déboutée de sa demande en paiement du solde d'un prêt, formée contre la société Réunion holding (la société) en sa qualité de caution.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La société fait grief à l'arrêt de la condamner, en sa qualité de caution, à verser à la banque la somme de 199 177,85 euros, outre les intérêts sur la somme en principal au taux conventionnel à partir du 10 février 2017 au titre du crédit d'équipement, alors « que la nullité du contrat de prêt, la nullité de l'acte de cautionnement ou le défaut d'information annuelle, invoqués par la caution au soutien de sa prétention tendant à voir rejeter la demande en paiement formée par la banque à son encontre, constituent des moyens de défense au fond, qui n'ont pas à être énoncés au dispositif de ses conclusions ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que la société Réunion holding demandait le rejet de la demande en paiement formée à son encontre par la banque en se prévalant notamment de la nullité de l'acte de cautionnement, de la nullité du contrat de prêt et de l'absence d'information annuelle, a néanmoins retenu, pour dire qu'elle n'était pas saisie de ces prétentions, que la caution, dans le dispositif de ses écritures, ne demandait ni l'annulation de l'acte de cautionnement, ni l'annulation du contrat de prêt et pas davantage la déchéance du droit aux intérêts, a violé les articles 72 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 71 et 954, alinéas 1er, 2 et 3, du code de procédure civile, le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
3. Aux termes du premier de ces textes, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
4. Selon le second, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
5. Pour condamner la société, en sa qualité de caution, à payer diverses sommes à la banque, l'arrêt, après avoir rappelé que la cour d'appel n'a à statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des écritures, retient que la société ne demande ni l'annulation de l'acte de cautionnement, ni celle du contrat de prêt, ni la déchéance du droit aux intérêts, et qu'ainsi la cour d'appel n'en est pas saisie.
6. En statuant ainsi, alors que la société demandait, dans le dispositif de ses conclusions, notamment le rejet de toutes les demandes et prétentions de la banque, en invoquant dans les motifs de ses conclusions, les moyens de fond pris de la nullité du contrat de prêt, la nullité de l'acte de cautionnement, et le défaut d'information annuelle de la caution, la cour d'appel, qui devait examiner de tels moyens qui étaient invoqués au soutien des prétentions, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Réunion holding, en sa qualité de caution, à verser à la banque la somme de 199 177,85 euros, outre les intérêts sur la somme en principal au taux conventionnel à partir du 10 février 2017 au titre du crédit d'équipement de 300 000 euros : échéances impayées du 19/06/2016 au 19/03/2017 : 86 518,30 euros ; capital restant dû au 03/04/2017 : 110 882,80 euros ; intérêts courus du 20/03/2017 au 03/04/2017 : 105,65 euros ; intérêts de retard et frais au 03/04/2017 : 1 657,84 euros ; intérêts de retard à compter du 03/04/2017 : 13,26 euros, l'arrêt rendu le 2 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;
Remet sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;
Condamne la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse et la condamne à payer à la société Réunion holding la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt-cinq.