La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2025 | FRANCE | N°23-17.265

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation de section, 16 janvier 2025, 23-17.265


CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 janvier 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 19 FS-B

Pourvoi n° S 23-17.265




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025

La société La Dormoise, société à respon

sabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-17.265 contre l'arrêt rendu le 28 février 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre civile - 1re sect...

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 janvier 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 19 FS-B

Pourvoi n° S 23-17.265




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025

La société La Dormoise, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-17.265 contre l'arrêt rendu le 28 février 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre civile - 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Hanau énergies concept, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La société Hanau énergies concept a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Dormoise, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Hanau énergies concept, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 février 2023), la société La Dormoise a confié l'installation d'une centrale photovoltaïque en toiture de bâtiment agricole à la société Hanau énergies concept (la société Hanau), assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).

2. Se plaignant de désordres, elle a, après expertise, assigné les sociétés Hanau et Axa en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. La société La Dormoise fait grief à l'arrêt de dire que la société Hanau n'est pas responsable des problèmes de condensation dus à l'absence d'écran sous toiture, et de rejeter sa demande indemnitaire à ce titre et sa demande en garantie à l'encontre de la société Axa, alors « que l'impropriété d'un ouvrage à sa destination doit s'apprécier par référence à la destination convenue entre les parties ; qu'en se contentant de relever, pour écarter la responsabilité décennale de la société Hanau au titre des désordres de condensation affectant la toiture, que les « phénomènes de condensation qui sont dus à l'absence d'écran sous-toiture » « ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination », sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la condensation affectant ainsi la toiture devant assurer la couverture d'un bâtiment affecté au stockage de grains, ne rendait pas l'ouvrage impropre à sa destination contractuelle dès lors que toute humidité entraîne le pourrissement de ces grains, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

4. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

5. Il est jugé que l'impropriété de l'ouvrage à sa destination s'apprécie par référence à sa destination découlant de son affectation, telle qu'elle résulte de la nature des lieux ou de la convention des parties (3e Civ., 10 octobre 2012, pourvois n° 10-28.309, 10-28.310, publié ; 3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi n° 11-25.198, publié ; 3e Civ., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-15.107, publié).

6. Pour écarter le caractère décennal des désordres de condensation et rejeter la demande d'indemnisation, l'arrêt retient que, si les phénomènes d'infiltration dus à un défaut d'étanchéité causé par le mauvais placement de la parclose rendaient la toiture fuyarde et relevaient de la garantie décennale, les phénomènes de condensation dus à l'absence d'écran sous toiture ne rendaient pas l'ouvrage impropre à sa destination.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la condensation affectant la toiture d'un bâtiment affecté au stockage de grains ne rendait pas l'ouvrage impropre à sa destination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. La société La Dormoise fait grief à l'arrêt de condamner la société Hanau à faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques Just Roof dans un délai de trois mois, alors « qu'une réparation en nature d'un désordre ne saurait être imposée à un maître de l'ouvrage ; qu'en condamnant la société Hanau à faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques Just Roof afin de mettre fin aux infiltrations de la toiture, quand la société La Dormoise s'opposait à ce mode de réparation, la cour d'appel a violé les articles 1792 et suivants du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

9. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

10. Il est jugé que l'entrepreneur, responsable de désordres de construction, ne peut imposer à la victime la réparation en nature du préjudice subi par celle-ci (3e Civ., 28 septembre 2005, pourvoi n° 04-14.586, publié).

11. Dès lors, le juge du fond ne peut condamner un constructeur responsable de désordres à procéder à leur reprise en nature, lorsque le maître de l'ouvrage s'y oppose.

12. Pour condamner la société Hanau à faire poser le kit de réparation des panneaux photovoltaïques, l'arrêt retient que doivent être réparés les seuls désordres d'infiltration sous toiture, que la solution tenant à la pose d'un kit de réparation permet de remédier aux infiltrations et que celle-ci constitue une réparation proportionnée et adaptée au dommage sans enrichissement pour le maître de l'ouvrage.

13. En statuant ainsi, alors que la société La Dormoise s'était opposée à la réparation en nature par la société Hanau, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, et sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

14. Par son troisième moyen, pris en sa seconde branche, la société La Dormoise fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en garantie à l'encontre de la société Axa, alors « que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation, faisant grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Hanau à faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques Just Roof entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté la société La Dormoise de sa demande aux fins de voir la société Axa, assureur de la société Hanau, garantir les conséquences du sinistre aux motifs que « la réparation du dommage n'est pas assurée par l'allocation d'une somme destinée à indemniser le coût des travaux de réfection (remplacement intégral du système) mais s'opère par équivalence, soit la fourniture et la pose d'un kit, cette prestation étant assurée par une autre entreprise que la société Hanau », en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

15. Par son moyen, pris en sa troisième branche, la société Hanau fait grief à l'arrêt de la condamner à faire poser à ses frais le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que, si la cassation devait être prononcée sur le fondement du deuxième moyen de cassation dirigé contre le chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné la société Hanau à faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques Just Roof, elle entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif ayant condamné cette société à faire poser ce kit à ses frais, sans garantie de son assureur la société Axa, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

16. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société Hanau à faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaiques Just Roof dans un délai de trois mois de la signification de l'arrêt, s'étend aux chefs de dispositif condamnant la société Hanau à faire poser ce kit à ses frais et rejetant la demande de la société La Dormoise tendant à voir la société Axa, assureur de la société Hanau, garantir les conséquences du sinistre, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

18. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Hanau à faire poser à ses frais un kit de réparation et rejetant la demande indemnitaire au titre des désordres de condensation ne s'étend pas au rejet de la demande formée par la société La Dormoise au titre de son préjudice moral, qui n'est pas soutenu par les motifs critiqués par ces moyens.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société La Dormoise au titre du préjudice moral, l'arrêt rendu le 28 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne les sociétés Hanau énergies concept et Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-17.265
Date de la décision : 16/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

En application de l'article 1792 du code civil, l'entrepreneur, responsable de désordres de construction, ne peut imposer à la victime la réparation en nature du préjudice subi par celle-ci. Dès lors, le juge du fond ne peut condamner un constructeur responsable de désordres à procéder à leur reprise en nature, lorsque le maître de l'ouvrage s'y oppose

contrat d'entreprise.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation de section, 16 jan. 2025, pourvoi n°23-17.265, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.17.265
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award