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23/01/2025 | FRANCE | N°22-19.029

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 23 janvier 2025, 22-19.029


CIV. 2

LC12



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 janvier 2025




Rejet de la requête en rabat d'arrêt


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 74 F-D

Pourvoi n° P 22-19.029




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025

La deuxième chambre civi

le de la Cour de cassation se saisit d'office en vue du rabat de son arrêt n° 401 F-D prononcé le 16 mai 2024 sur le pourvoi n° P 22-19.029 en cassation d'un arrêt rendu le 20 ...

CIV. 2

LC12



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 janvier 2025




Rejet de la requête en rabat d'arrêt


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 74 F-D

Pourvoi n° P 22-19.029




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation se saisit d'office en vue du rabat de son arrêt n° 401 F-D prononcé le 16 mai 2024 sur le pourvoi n° P 22-19.029 en cassation d'un arrêt rendu le 20 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10) dans une affaire opposant M. [G] [R], domicilié [Adresse 2],

1°/ à la société MMA IARD,

2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur la requête en rabat d'arrêt

1. Par un arrêt n° 401 F-D rendu le 16 mai 2024 sur le pourvoi n° Q 22-19.029 formé par M. [R], la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 20 juin 2022 par la cour d'appel de Paris, mais seulement en ce qu'il a dit que la police « CNCIF » n° 112.788.909 n'est pas applicable au litige, a constaté l'épuisement de la garantie de la police responsabilité civile n° 120.137.363 et a dit n'y avoir lieu à condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à garantir le paiement de la créance de responsabilité civile.

2. M. [R] demande à la Cour de cassation de rabattre son arrêt au motif que, pour dire n'y avoir lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les griefs critiquant l'arrêt d'appel en ce qu'il écartait les demandes formées au titre de la responsabilité de la société Gesdom, la deuxième chambre civile a exigé qu'il attaque formellement la confirmation du chef de dispositif du jugement ayant rejeté ses demandes, alors que la Cour de cassation n'a jamais formulé une telle exigence formelle.

3. Le président a saisi la chambre d'office en vue d'un éventuel rabat de cet arrêt.

4. Toutefois, il n'y a pas lieu en l'espèce de rabattre l'arrêt pour les raisons suivantes.

5. Le moyen unique de cassation présenté par M. [R] critiquait l'arrêt d'appel seulement en ce qu'il disait n'y avoir lieu à fixer des dommages et intérêts au titre du préjudice moral à son bénéfice, écartait l'application d'un contrat d'assurance, limitait à une certaine somme la fixation de son préjudice, constatait l'épuisement d'une autre garantie, disait n'y avoir lieu à condamner l'assureur à garantir le paiement de la créance de responsabilité et rejetait toutes ses autres demandes. Il résulte sans ambiguïté de la lecture de l'arrêt attaqué et du jugement que le rejet de « toute autre demande », figurant au dispositif de l'arrêt d'appel et critiqué par le moyen, ne portait pas sur les demandes fondées sur la responsabilité de la société Gesdom qui avaient été écartées par le jugement, ce rejet étant confirmé par l'arrêt d'appel.

6. Le rapport du conseiller rapporteur soulignait l'inefficacité des quatrième à septième branches du moyen de cassation, relevant que le chef de dispositif de l'arrêt relatif à la responsabilité de la société Gesdom n'était pas visé par le moyen. Il proposait dès lors le rejet de ces critiques par une décision non spécialement motivée dans les conditions prévues à l'article 1014 du code de procédure civile. Le demandeur au pourvoi, ainsi averti de ce qu'il était envisagé d'écarter sans motivation spéciale ces griefs en raison de leur caractère inopérant, avait la possibilité de présenter des observations sur ce point, ce qu'il n'a pas fait avant le prononcé de la décision.

7. Le demandeur au pourvoi soutient désormais qu'il n'est pas exigé que le moyen attaque formellement la confirmation du chef de dispositif qu'il critique. La question se pose dès lors de savoir si écarter ce moyen par une décision non spécialement motivée conduirait à faire preuve de formalisme excessif et portait atteinte à l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé, s'agissant du rejet non spécialement motivé pouvant être prononcé par la Cour de cassation, que l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'exige pas que soit motivée en détail une décision par laquelle une juridiction de recours, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès ([I] et autres c. France, n° 34763/02, 28 janvier 2003).

9. En outre, la Cour européenne juge que si le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation ([D] c. Hongrie [GC], n° 20261/12, § 120, 23 juin 2016, et [O] [H] c. Suisse, n° 74989/11, § 73, 13 juillet 2021), les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

10. Selon la Cour européenne, ces limitations ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c. Croatie [GC], n° 40160/12, § 78, 5 avril 2018). Pour apprécier la proportionnalité de la restriction en cause, la Cour prend en considération notamment le point de savoir si le requérant a dû supporter une charge excessive en raison des erreurs éventuellement commises en cours de procédure (Zubac, précité, §§ 90-95 et jurisprudence citée) et celui de savoir si cette restriction est empreinte d'un formalisme excessif (Henrioud c. France, n° 21444/11, § 67, 5 novembre 2015 et Zubac, précité, §§ 96-99). En effet, en appliquant les règles de procédure, les tribunaux doivent éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois (Walchli c. France, n° 35787/03, § 29, 26 juillet 2007).

11. S'agissant de la procédure devant les juridictions supérieures, en général, et devant la Cour de cassation en particulier, la Cour européenne des droits de l'homme a récemment rappelé qu'en ce qui concerne l'application de restrictions légales à l'accès aux juridictions supérieures, elle prend en considération, à différents degrés, certains autres facteurs : i) la prévisibilité de la restriction, ii) le point de savoir si c'est le requérant ou l'État défendeur qui doit supporter les conséquences négatives des erreurs commises au cours de la procédure et qui ont eu pour effet de priver le requérant d'un accès à la juridiction supérieure, et iii) celui de savoir si les restrictions en question peuvent passer pour révéler un « formalisme excessif ».

12. Pour déterminer si les juridictions internes ont fait preuve d'un formalisme excessif, la Cour examine en principe l'affaire dans son ensemble, eu égard aux circonstances particulières de celle-ci. En procédant à cet examen, elle insiste souvent sur la « sécurité juridique » et la « bonne administration de la justice », deux éléments centraux permettant de distinguer entre formalisme excessif et application acceptable des formalités procédurales. Elle a notamment jugé que le droit d'accès à un tribunal se trouve atteint dans sa substance lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente (CEDH, 21 novembre 2024, [Y] c. France, n° 78664/17).

13. Dans la procédure devant la Cour de cassation, le dernier alinéa de l'article 978 du code de procédure civile impose à l'auteur d'un pourvoi, à peine d'être déclaré d'office irrecevable, pour chaque moyen ou chaque élément de moyen de cassation, de préciser la partie critiquée de la décision.

14. Or, en l'espèce, le moyen ne critiquant pas les chefs de dispositif confirmés par le jugement, ni la confirmation de ces chefs par la cour d'appel, les griefs relatifs à la responsabilité de la société Gesdom n'étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation de l'arrêt sur ce point.

15. Une telle analyse, dont il ne résulte pas que la Cour de cassation exige que le demandeur au pourvoi attaque formellement la confirmation du chef de dispositif du jugement ayant rejeté ses demandes, dès lors qu'est critiquée en elle-même la disposition confirmée, est conforme aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles qu'interprétées par la Cour européenne des droits de l'homme.

16. C'est donc sans commettre d'erreur de procédure que la Cour de cassation a jugé que les griefs relatifs à la responsabilité de la société Gesdom n'étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation d'un des chefs de l'arrêt critiqués par le pourvoi.

17. Les conditions d'un rabat d'arrêt, qui suppose l'existence d'une erreur de procédure qui ne soit pas imputable aux parties, ne sont, dès lors, pas réunies et il n'y a pas lieu de rabattre l'arrêt.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Dit n'y avoir lieu à rabat de l'arrêt n° 401 du 16 mai 2024 ;

Laisse les dépens afférents à l'instance en rabat d'arrêt à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-19.029
Date de la décision : 23/01/2025
Sens de l'arrêt : Rabat

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris J1


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 23 jan. 2025, pourvoi n°22-19.029


Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.19.029
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