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30/01/2025 | FRANCE | N°22-22.464

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 30 janvier 2025, 22-22.464


CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2025




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 81 F-B

Pourvoi n° X 22-22.464




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

M. [G] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n°

X 22-22.464 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement...

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2025




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 81 F-B

Pourvoi n° X 22-22.464




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

M. [G] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-22.464 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 septembre 2022) et les productions, l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a adressé à M. [H] (le cotisant), le 29 mai 2018, une mise en demeure de payer une certaine somme à titre de rappels de cotisations, contributions sociales personnelles obligatoires et majorations dues au titre de l'année 2014, à la suite de la réintégration dans l'assiette des cotisations de revenus non salariés perçus en Allemagne.

2. Le cotisant a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le cotisant fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article 13 du règlement CE nº 883-2004 le terme "activité non salariée" désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l'application de la législation de sécurité sociale de l'État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ; que l'article 1er du même règlement définit l'"activité non salariée" comme désignant une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l'application de la législation de sécurité sociale de l'État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ; que la notion d'activité salariée ou non salariée doit donc s'apprécier par référence à la législation du lieu d'exercice de l'activité ; qu'au cas présent, le cotisant exposait que ses obligations à l'égard de la sécurité sociale française devaient être appréciées au regard de sa situation objective, c'est-à-dire en tenant compte d'abord du lieu où il a effectivement et concrètement exercé son mandat d'associé de la société en commandite de droit allemand, qui déterminait l'application de la législation de sécurité sociale française ou allemande ; qu'il soulignait à cet égard que le siège d'exercice de son activité se trouvait en Allemagne, lieu où la société était localisée, et que la législation allemande qualifiait les sommes perçues en qualité d'associé commandité personnellement responsable comme un revenu d'activité non professionnelle en sorte qu'elle n'impliquait aucune cotisation sociale de la part du cotisant ; qu'en jugeant cependant, pour assujettir les revenus perçus par le cotisant en sa qualité d'associé de la société en commandite de droit allemand que : "la personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de son Etat membre de résidence, si elle y exerce une partie substantielle de son activité" et que "[le cotisant], résident français déclarant en France l'intégralité de ses revenus professionnels ne conteste pas y exercer principalement son activité professionnelle", cependant qu'il lui appartenait de vérifier l'État à partir duquel le cotisant accomplissait les opérations liées à sa qualité d'associé de la société en commandite de droit allemand pour identifier ensuite la qualification que la législation de cet État donnait à l'activité d'associé discutée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ qu'en vertu de l'article 13 du règlement CE nº 883-2004 le terme "activité non salariée" désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l'application de la législation de sécurité sociale de l'État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ; que la notion d'activité salariée ou non salariée doit donc s'apprécier par référence à la législation du lieu d'exercice de l'activité ; que le cotisant sollicitait l'application de la législation allemande qualifiant de non professionnels les revenus perçus en qualité d'associé commandité personnellement responsable ; qu'en affirmant que l'activité de mandataire du cotisant constituait "une activité non salariée" sans s'en expliquer, cependant que cette qualification était l'objet même de la contestation du cotisant, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

3°/ qu'en vertu de l'article 13 du règlement CE nº 883-2004 le terme "activité non salariée" désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l'application de la législation de sécurité sociale de l'État membre dans lequel cette activité est exercée ou dans lequel la situation assimilée se produit ; que l'article 1er du règlement définit l'"activité non salariée" comme désignant une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l'application de la législation de sécurité sociale de l'État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ; que la notion d'activité salariée ou non salariée doit donc s'apprécier par référence à la législation du lieu d'exercice de l'activité ; que le cotisant sollicitait l'application de la législation allemande qualifiant de non professionnels les revenus perçus en qualité d'associé commandité personnellement responsable ; qu'en statuant au regard d'un critère inopérant tiré du lieu de résidence et d'exercice d'une partie substantielle de l'activité professionnelle du cotisant cependant que l'application de la législation doit s'apprécier par référence au lieu d'exercice de l'activité discutée, en l'occurrence celle d'associé de la société en commandite de droit allemand, et non du centre général de ses intérêts personnels et professionnels, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

5. L'article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après le règlement n° 883/2004) dispose que les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre, ce qui exclut dès lors, en principe, toute possibilité de cumul de plusieurs législations nationales pour une même période (CJUE, arrêt du 16 novembre 2023, Acerta, C-415/22, point 30).

6. Aux termes de l'article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 883/2004, la personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre.

7. Selon l'article 13, paragraphe 5, de ce règlement, cette personne est traitée, aux fins de la législation déterminée conformément aux dispositions précitées, comme si elle exerçait l'ensemble de ses activités salariées ou non salariées et percevait la totalité de ses revenus dans l'État membre concerné.

8. Il résulte de ces textes que les revenus perçus dans un Etat membre autre que l'Etat membre dont la législation est applicable doivent être soumis à cotisations dans ce dernier Etat membre et qu'il appartient à la législation de chaque État membre concerné de déterminer les revenus à prendre en compte pour le calcul des cotisations et contributions sociales, quelle que soit leur nature (CJCE, arrêt du 26 janvier 1999, Terhoeve, C-18/95, points 51 et 52 ; CJCE, arrêt du 3 avril 2008, Derouin, C-103/06, points 23 et suivants ; CJUE, arrêt du 26 février 2015, De Ruyter, C-623-13, points 37 et suivants).

9. Selon l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, le revenu d'activité non salarié pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations personnelles d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant application des déductions, abattements et exonérations mentionnés aux dispositions du code général des impôts qu'il énumère.

10. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le cotisant exerce une partie substantielle de son activité en France où il réside, de sorte que seule la législation française de sécurité sociale est applicable. Il en déduit que la totalité de ses revenus, y compris ceux perçus dans un autre Etat membre, sont soumis à cotisations sociales en France. Il relève que le cotisant a déclaré, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, la somme perçue en Allemagne en raison de son activité d'associé commandité d'une société en commandite de droit allemand, au titre de revenus professionnels non salariés. Il retient que ces sommes revêtent le caractère de revenus d'activité professionnelle non salariée au sens de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les revenus perçus par le cotisant en Allemagne en raison de son activité d'associé commandité d'une société en commandite de droit allemand devaient être intégrés dans l'assiette des cotisations et contributions sociales dues au régime français de sécurité sociale auquel il était affilié.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur la question préjudicielle

Enoncé de la question préjudicielle

Le cotisant demande, à l'appui de son pourvoi, de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :

« l'article 1er du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, en ce qu'il dispose que "le terme "activité non salariée" désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l'application de la législation de sécurité sociale de l'État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit", autorise-t-il le juge national à déduire la compétence de la législation de sécurité sociale d'un Etat membre pour qualifier une activité de non salariée du lieu de résidence de l'assuré et de celui où il a établi le centre principal de son activité professionnelle, et non du lieu dans lequel cette activité est concrètement accomplie ? »

Réponse de la Cour

13. Il résulte de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), lu à la lumière de l'article 47, deuxième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qu'une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne ne saurait être libérée de son obligation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande de décision préjudicielle prévue à l'article 267, troisième alinéa, du TFUE que lorsqu'elle a constaté que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition du droit de l'Union en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'interprétation correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. Sa décision doit faire apparaître les motifs pour lesquels elle ne procède pas à cette saisine (CJCE, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21 ; CJUE, arrêt du 4 octobre 2018, Commission /France, C-416/17, point 110 ; CJUE, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C-561/19, points 33 et 51 ; CJUE, arrêt du 15 octobre 2024, Kubera, C-144/23, points 36 et 62).

14. Les dispositions de l'article 1er du règlement n° 883/2004, qui ont pour seul objet de permettre la détermination de la qualification de salariée ou de non salariée de l'activité d'un travailleur (CJCE, arrêt du 30 janvier 1997, de Jaeck, C-340/94, point 23), ne sont pas de nature à faire obstacle au principe, exposé au paragraphe 8, selon lequel il appartient à l'Etat membre dont la législation de sécurité sociale est applicable de déterminer les revenus à prendre en compte pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale.

15. En l'absence de doute raisonnable sur l'interprétation des articles 1er et 13, paragraphe 5, du règlement n° 883/2004, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-22.464
Date de la décision : 30/01/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble TA


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 30 jan. 2025, pourvoi n°22-22.464, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.22.464
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