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06/02/2025 | FRANCE | N°22500125

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 février 2025, 22500125


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 6 février 2025








Rejet




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 125 F-D


Pourvoi n° H 22-12.468


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29 avril 2022.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025

...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 février 2025

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 125 F-D

Pourvoi n° H 22-12.468

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29 avril 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025

La société Intrum Debt Finance AG, société de droit suisse, dont le siège est [Adresse 2] (Suisse), a formé le pourvoi n° H 22-12.468 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [U] [H], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Intrum Debt Finance AG, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [H], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 septembre 2021), M. [H] et Mme [K], qui avaient souscrit un prêt auprès de la société Cetelem, ont été condamnés, par un jugement du 6 octobre 2008, au paiement d'une certaine somme.

2. Par acte des 12 et 20 mai 2020, la société Intrum Debt Finance AG (la société) a pratiqué, en exécution de ce jugement, une saisie-attribution à l'encontre de M. [H] qui a saisi en mainlevée un juge de l'exécution.

3. Par jugement du 27 octobre 2020, dont M. [H] a relevé appel, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable sa contestation.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer la saisine du juge de l'exécution par M. [H] recevable et en conséquence de déclarer qu'elle n'établit pas en l'état des pièces produites sa qualité de cessionnaire de la créance fondant la saisie-attribution litigieuse et que celle-ci serait en tout état de cause inopposable au débiteur défaillant, de prononcer la nullité de la saisie du 12 mai 2020 et sa mainlevée et de la condamner aux frais de saisie et aux dépens de première instance et d'appel, alors « que la partie qui entend voir infirmer le chef d'un jugement ayant déclaré sa contestation d'une saisie-attribution irrecevable et la juger recevable doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel ; qu'en jugeant recevable la saisine du Juge de l'exécution par M. [H], cependant qu'il résulte de ses propres constatations que celui-ci n'a sollicité dans ses conclusions d'appel que l'infirmation du chef de jugement ayant déclaré son action irrecevable sans formuler de prétention sur sa recevabilité, la cour d'appel, qui ne pouvait que confirmer le jugement de ce chef, a violé les articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, que l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

7. En outre, il résulte du troisième alinéa du même article que le dispositif des conclusions de l'appelant doit comporter, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige.

8. L'arrêt retient exactement qu'en relevant appel du chef de jugement qui déclarait son action irrecevable et en sollicitant dans ses premières conclusions l'infirmation du chef de jugement afférent, M. [H] s'est ouvert le droit de saisir la cour d'appel de ses demandes quant à la mainlevée totale ou partielle de la saisie-attribution qu'il a contestée devant le premier juge, sans qu'il y ait lieu d'exiger une disposition expresse dans le dispositif, quant au « statuant à nouveau », de « dire et juger l'action recevable ».

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, le troisième moyen et le quatrième moyen, réunis

Enoncé des moyens

10. La société fait grief à l'arrêt de déclarer qu'elle n'établit pas en l'état des pièces produites sa qualité de cessionnaire de la créance fondant la saisie-attribution litigieuse et que celle-ci serait en tout état de cause inopposable au débiteur défaillant, de prononcer la nullité de la saisie du 12 mai 2020 et sa mainlevée et de la condamner aux frais de saisie et aux dépens de première instance et d'appel, alors :

« 1°/ que toute personne immatriculée au Registre du commerce et des sociétés dispose d'un numéro unique d'identification suivie de la mention RCS et du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée ; qu'en retenant, pour juger que la société Intrum Debt Finance AG n'établit pas en l'état des pièces produites sa qualité de cessionnaire de la créance fondant la saisie-attribution litigieuse, qu'elle ne justifie pas que la BNP Paribas Personal Finance qui la lui a cédée est l'ayant cause de la société Cetelem qui a octroyé le crédit litigieux, aucun autre renseignement n'étant donné en dehors du Kbis relatif à la société BNP Paribas Personal Finance qui mentionne une fusion ou une scission avec la société Cetelem le 13 janvier 2001 alors que le contrat est conclu postérieurement, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société Cetelem n'avait pas, à la date du crédit litigieux, le même numéro d'identification que la société BNP Paribas Personal Finance, à savoir 542 097 902 RCS Paris, ce dont il résultait qu'il s'agissait déjà de la même personne morale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 123-37 et D. 123-235 du code de commerce, ensemble l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ qu'en retenant, pour juger que la société Intrum Debt Finance AG n'établit pas en l'état des pièces produites sa qualité de cessionnaire de la créance fondant la saisie-attribution litigieuse, que le numéro 44368609049004 figurant sur l'acte de cession de créance suivi du nom de M. [H] [U] est insuffisant pour identifier la créance cédée, tout en constatant qu'il correspond au numéro de contrat de crédit qu'il a conclu avec la société Cetelem en amont du jugement rendu le 6 octobre 2008, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. »

11. La société fait grief à l'arrêt de déclarer que la cession de la créance fondant la saisie-attribution litigieuse serait en tout état de cause inopposable au débiteur défaillant, de prononcer la nullité de la saisie du 12 mai 2020 et sa mainlevée et de la condamner aux frais de saisie et aux dépens de première instance et d'appel, alors :

« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que la Cour de Justice de l'Union Européenne, dans son arrêt du 20 juillet 2017 (arrêt Gelvora UAB ¿ C-357/16), a dit pour droit que « la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d'application matériel la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d'un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à cette société. Relèvent de la notion de « produit », au sens de l'article 2, sous c), de cette directive les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance. À cet égard, est sans incidence la circonstance que la dette a été confirmée par une décision de justice et que cette décision a été transmise à un huissier de justice pour exécution. » ; qu'en retenant, pour juger inopposable au débiteur la cession de créance fondant la saisie-attribution litigieuse et prononcer en conséquence la nullité de la saisie du 12 mai 2020 et sa mainlevée, que la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit dans cet arrêt que la cession spéculative de contrats de crédits à la consommation aux fins de recouvrement forcé contre des débiteurs défaillants doit être considérée comme une pratique commerciale déloyale prohibée au sens de cette directive, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette décision, qui ne s'est pas prononcée sur le caractère déloyal ni sur l'interdiction de principe de telles cessions, et a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances, figurant en annexe I de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, et qui ne comprend pas la cession spéculative de contrats de crédits à la consommation aux fins de recouvrement forcé contre les débiteurs défaillants, ne peut être modifiée qu'au travers d'une révision de cette directive ; que toutes les autres pratiques commerciales ne peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit dans son arrêt du 20 juillet 2017 (arrêt Gelvora UAB ¿ C-357/16), que la cession spéculative de contrats de crédits à la consommation aux fins de recouvrement forcé contre des débiteurs défaillants doit être considérée comme une pratique commerciale déloyale prohibée au sens de cette directive, en a violé l'article 5.5, lu à la lumière du considérant 17 ;

3°/ que relève du champ d'application de la directive 2005/29/CE la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d'un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à la société ; que relèvent de la notion de produit au sens de l'article 2, sous c), de la directive 2005/29/CE les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance, la circonstance que la dette a été confirmée par une décision de justice et que cette décision a été transmise à un huissier de justice pour exécution étant sans incidence ; qu'en l'espèce, en retenant pour statuer comme elle l'a fait que M. [H] n'a pas été averti par la société Cetelem, en cas d'impayé, de ce qu'il pourrait faire l'objet de poursuites, des années après de premières tentatives, par un fonds financier entièrement dévoué à la poursuite maximale des recouvrements de créances achetées à bas prix, et que cette pratique, postérieure au contrat, est déloyale, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants tirés de la relation juridique entre le consommateur et le prêteur initial et sans lien avec le produit considéré, et sans caractériser en quoi le fait pour la société Intrum Debt Finance AG de recourir à un huissier de justice pour obtenir l'exécution du jugement du 6 octobre 2008 ayant définitivement condamné M. [H], pour obtenir le recouvrement de sa créance, seraient déloyales, a violé l'article 5 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. »

12. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ; qu'en retenant, pour juger inopposable à M. [H] la cession de sa dette à la société Intrum Debt Finance AG et prononcer la nullité de la saisie du 12 mai 2020 et sa mainlevée, que cette société a commis un abus de droit au motif que les moyens donnés par la loi ne sont plus ordonnés au paiement de la dette mais à la réalisation d'un bénéfice par un fonds dévoué à la spéculation au détriment des consommateurs ce qui les détourne de leur finalité légale, moyen qu'elle a de surcroît relevé d'office, la cour d'appel qui a statué par des motifs incompatibles avec l'exigence d'impartialité qui était attendue d'elle a violé l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance et que l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ; que l'exercice de ce droit ne peut dégénérer en abus qu'en cas de mauvaise foi ou de légèreté blâmable ; qu'en retenant, pour juger inopposable à M. [H] la cession de sa dette à la société Intrum Debt Finance AG et prononcer la nullité de la saisie du 12 mai 2020 et sa mainlevée, le motif d'ordre général que cette saisie doit être qualifiée d'abusive parce que les moyens donnés par la loi ne sont plus ordonnés au paiement de la dette mais à la réalisation d'un bénéfice par un fonds dévoué à la spéculation au détriment des consommateurs ce qui les détourne de leur finalité légale, sans caractériser aucune faute de la société Intrum Debt Finance AG dans le choix des mesures propres à assurer l'exécution de sa créance, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ensemble l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

13. Ayant relevé que la société se réfère à un acte intitulé « bordereau de cession de créances » daté du 18 décembre 2018 qui indique la cession de 20 366 créances par la société BNP Paribas Personal Finance à la société Intrum Debt Finance AG, sans aucune autre précision ni renvoi, qu'au bordereau est agrafée une annexe avec une référence ainsi libellée : 804280392 44368609049004 [H] [U] valeur faciale : 14 331,65 et retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, que s'il est exact que le numéro 44368609049004 correspond au numéro de contrat de crédit conclu avec la société Cetelem en amont du jugement rendu le 6 octobre 2008, cette désignation par seulement un nombre est insuffisante pour identifier la créance, tandis que la cession intervient plusieurs années après la naissance de la créance et que le débiteur cédé peut avoir eu, comme c'est fréquent, plusieurs crédits et avoir fait l'objet de plusieurs poursuites, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le deuxième moyen, pris en sa première branche, le troisième moyen et le quatrième moyen, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Intrum Debt Finance AG aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Intrum Debt Finance AG et la condamne à payer à la SCP Piwnica et Molinié la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500125
Date de la décision : 06/02/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 14 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 fév. 2025, pourvoi n°22500125


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500125
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