LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 135 F-D
Pourvoi n° S 22-15.444
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025
La société [W], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° S 22-15.444 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société INPS groupe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Copy Management,
2°/ à la société Xerox Financial Services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à M. [V] [C], domicilié [Adresse 3], en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société INPS groupe,
défendeurs à la cassation.
La société Xerox Financial Services a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Xerox Financial Services, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 janvier 2022), la société [W], ayant pour seul associé M. [W], médecin, a signé, le 28 mai 2014, auprès de la société INPS groupe (la société INPS), un bon de commande portant sur la location d'un copieur et d'une imprimante et incluant un contrat de garantie et de maintenance.
2. Le 13 juin 2014, après réception du matériel le même jour et reprise du copieur objet du précédent contrat, la société [W] a signé un contrat de location financière auprès de la société Xerox Financial Services (la société Xerox) pour une durée de 63 mois moyennant un loyer mensuel d'un certain montant.
3. Le 17 juin 2014, la société INPS a adressé à la société Xerox une facture pour la cession du copieur et de l'imprimante.
4. Par acte du 3 février 2016, la société [W] a saisi un tribunal de commerce à fin de voir prononcer la nullité du contrat de location financière la liant à la société Xerox, ainsi que celui de maintenance et de garantie la liant à la société INPS.
5. Par jugement du 3 juillet 2017 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a, notamment, prononcé la nullité, aux torts de la société Xerox, du contrat de location, condamné cette dernière à restituer à la société [W] l'intégralité des loyers échus de la première échéance réglée jusqu'au jugement et prononcé la résolution des contrats de fourniture de matériel, garantie et maintenance signés le 28 mai 2014 entre la société INPS et la société [W].
6. Le 28 juillet 2017, la société INPS a interjeté appel de ce jugement.
7. Par jugement du 14 juin 2018, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société INPS.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen du pourvoi incident
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident qui est irrecevable.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le deuxième moyen du pourvoi incident, réunis
Enoncé des moyens
9. La société Xerox fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité du contrat intervenu entre la société [W] et elle-même à compter du 18 août 2018, de condamner la société [W] à lui payer la seule somme de 8 868,36 euros TTC au titre des loyers échus et impayés et de la débouter du surplus de ses demandes, « alors que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que compte tenu du jugement rendu en première instance le 3 juillet 2017 ayant annulé le contrat conclu entre les sociétés [W] et Xerox Financial Services, la société [W] avait pu cesser d'exécuter ledit contrat sans commettre de faute ; que toutefois, dès lors qu'elle infirmait ce jugement et écartait la demande de nullité, il apparaissait que le défaut d'exécution du contrat par la société [W] à compter du mois de mai 2017, qui n'était intervenu qu'aux risques et périls de cette société, était fautif ; qu'en jugeant pourtant que ce défaut d'exécution ne pouvait justifier la résolution judiciaire du contrat pour inexécution, à compter de la mise en demeure du 14 août 2017 demeurée infructueuse, la cour d'appel a violé les articles 1184 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution. »
10. La société Xerox fait grief à l'arrêt de dire que le contrat liant la société [W] à la société INPS a été résilié à compter du 18 août 2018, de prononcer la caducité du contrat intervenu entre la société [W] et la société Xerox à compter du 18 août 2018, de condamner la société [W] à lui payer la seule somme de 8 868,36 euros TTC au titre des loyers échus et impayés, et de la débouter du surplus de ses demandes, « alors que, à supposer que le contrat conclu entre les sociétés [W] et INPS doive être considéré comme anéanti par l'effet du jugement du 3 juillet 2017, qui en avait prononcé la résolution, l'exécution de ce contrat ne pouvait se poursuivre, de sorte que la lettre adressée par la société [W] au liquidateur de la société INPS reçue le 18 juillet 2018, lui demandant de prendre parti sur la poursuite de ce contrat, était sans objet et ne pouvait produire aucun effet ; qu'en jugeant pourtant que, faute de réponse à ce courrier, le contrat avait été résilié de plein droit, ce qui justifiait le prononcé de la caducité, à la même date, du contrat conclu entre les sociétés Mellon et Xerox Financial Services, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 641-11-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
11. En premier lieu, aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 217-891 du 6 mai 2017, l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré. Aux termes de l'article 561 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 217-891 du 6 mai 2017, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
12. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas d'infirmation d'un jugement, le dispositif de l'arrêt se substitue à celui de la décision entreprise et prend rétroactivement la place de celle-ci, qui est mise à néant des chefs infirmés.
13. En deuxième lieu, selon l'article L. 641-11-1, III, 1°, du code de commerce, le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse.
14. En troisième lieu, les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute (Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 15-27.703, Bull. 2017, IV, n° 105).
15. D'une part, ayant infirmé le jugement du 3 juillet 2017 en toutes ses dispositions, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a retenu que, faute de réponse du mandataire liquidateur judiciaire à la lettre que lui avait adressé, le 18 juillet 2018, la société [W] concernant le sort qu'il entendait donner au contrat de garantie et de maintenance conclu avec la société INPS, ce dernier se trouvait résilié de plein droit à compter du 18 août 2018.
16. D'autre part, ayant retenu que le contrat de garantie et de maintenance et le contrat de location étaient interdépendants, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la résiliation du premier entraînait la caducité du second.
17. Le deuxième moyen n'est, dès lors, pas fondé et le premier moyen, pris en sa première branche, est inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt-cinq.