SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 154 FS-B
Pourvoi n° E 23-15.667
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2025
L'Association générale interprofessionnelle de prévoyance et d'investissement, groupement d'intérêt économique, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-15.667 contre l'arrêt rendu le 24 février 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [H] [L], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Association diffusion services, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de l'Association générale interprofessionnelle de prévoyance et d'investissement, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [L], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à l'Association générale interprofessionnelle de prévoyance et d'investissement (l'association) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Association diffusion services (Adis).
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 février 2023), Mme [L] a été engagée en qualité de secrétaire générale, statut cadre, par la société Adis à compter du 1er janvier 2000, puis en qualité de responsable manager, d'abord à temps complet, puis à temps partiel à compter du 1er avril 2004.
3. A cette même date, elle a été engagée en qualité de directrice des affaires générales, à temps partiel, par l'association.
4. Le 30 novembre 2010, la salariée a fait valoir ses droits à la retraite auprès de ses deux employeurs.
5. Elle a été engagée, de nouveau, en qualité de secrétaire générale par la société Adis et par l'association, aux termes de contrats de travail datés respectivement des 30 novembre et 1er décembre 2010.
6. Le 31 mars 2014, la salariée a démissionné de ses deux emplois.
7. Elle a saisi la juridiction prud'homale, le 6 mars 2015, afin de faire requalifier ses démissions en licenciements sans cause réelle et sérieuse à compter du 31 mai 2014 et d'obtenir la condamnation de ses employeurs à lui verser diverses sommes au titre de la rupture des contrats de travail des 30 novembre et 1er décembre 2010.
8. L'association a sollicité la restitution de l'indemnité de départ volontaire
à la retraite.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande reconventionnelle en remboursement des primes de départ à la retraite, alors :
« 1°/ qu'en application de l'article 2224 du code civil, applicable jusqu'au 17 juin 2013, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, applicable à compter du 17 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'article L. 3245-1 s'applique aux prescriptions en cours à compter du 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de cinq ans prévue par l'article 2224 du code civil ; qu'en l'espèce, l'Agipi faisait valoir, en raison du caractère occulte du système des rémunérations, que la prescription n'avait pas pu commencer à courir tant qu'elle n'avait pas connaissance des faits délictueux lui permettant d'exercer son action en répétition des primes indûment perçues par Mme [L] et qu'elle n'avait eu connaissance du caractère illégal des rémunérations versées à Mme [L] que le 6 février 2014, date à laquelle le rapport du comité d'audit avait été communiqué au conseil d'administration et avait mentionné Mme [L] parmi les bénéficiaires de sommes occultes ; que pour déclarer la demande reconventionnelle de l'Agipi prescrite, la cour d'appel a énoncé que ''s'agissant des primes de départ à la retraite Agipi et Adis, ces dernières ont été versées à Mme [H] [L] le 30 novembre 2010, selon le rapport d'audit et des rémunérations au conseil d'administration de l'Agipi du 3 février 2014 et la lettre de l'Agipi du 27 février 2014. L'Agipi, seule demanderesse reconventionnelle, ne démontre pas de participation de Mme [H] [L] à une fraude ou de manuvres de cette dernière pour dissimuler la perception qui serait indue des primes de départ à la retraite. Dès lors le délai pour agir en répétition d'un indu était de 5 ans et a commencé à courir le 1er décembre 2010'' ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'agipi avait eu connaissance de ce que les rémunérations perçues par Mme [L] n'avaient pas de fondement juridique légal que le 6 février 2014, peu important que la perception de la rémunération n'ait pas été dissimulée, de sorte que l'action n'était pas prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil et au regard de l'article L. 3245-1 du code du travail. »
2°/ qu'en application de l'article 2224 du code civil, applicable jusqu'au 17 juin 2013, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, applicable à compter du 17 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'article L. 3245 1 s'applique aux prescriptions en cours à compter du 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de cinq ans prévue par l'article 2224 du code civil ; qu'en l'espèce, pour déclarer l'action en remboursement de la prime de départ à la retraite prescrite, la cour d'appel a énoncé que Mme [L] ne démontrerait pas ''la participation de Mme [H] [L] à une fraude, ou de manuvres de cette dernière pour dissimuler la perception qui serait indue des primes de départ à la retraite'' ; qu'en statuant ainsi, tandis que le fait que Mme [L] n'ait pas participé à la fraude ou n'ait pas utilisé de manuvres pour dissimuler la perception de la prime était indifférent, contrairement à la question de savoir à quelle date l'Agipi avait été avertie du caractère potentiellement indu de la prime perçue par la salariée en raison des fraudes à l'origine desquelles se trouvait M. [D], et la commission des rémunérations occulte, fraudes qui n'étaient pas contestées, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier légalement sa décision, violant l'article 2224 du code civil et l'article L. 3245-1 du code du travail ;
3°/ que la question du bien-fondé de la demande n'a pas à être prise en compte par les juges du fond pour la détermination du point de départ de la prescription ; qu'en l'espèce, en énonçant que l'Agipi ''ne démontre pas de participation de Mme [H] [L] à une fraude, ou de manuvres de cette dernière pour dissimuler la perception qui serait indue des primes de départ à la retraite'' pour déclarer l'action de l'Agipi prescrite, la cour d'appel s'est prononcée sur le bien-fondé de l'action en remboursement de l'Agipi pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action, violant l'article 2224 du code civil et l'article L. 3245-1 du code du travail ;
4°/ que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; qu'il appartient à celui qui oppose la fin de non-recevoir tirée du dépassement du délai d'exercice d'une action d'en justifier ; qu'en l'espèce, en énonçant que l'Agipi ''ne démontre pas de participation de Mme [H] [L] à une fraude, ou de manuvres de cette dernière pour dissimuler la perception qui serait indue des primes de départ à la retraite'' pour déclarer l'action de l'Agipi prescrite, tandis qu'il appartenait à Mme [L], qui opposait à l'Agipi la fin de non-recevoir de la prescription en raison du dépassement du délai d'exercice de son action en remboursement des indemnités retraite d'en justifier, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, l'article L. 3245-1 du code du travail, l'article 1315 du code civil, désormais 1353 du code civil, ainsi que l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
12. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en répétition d'une indemnité de départ volontaire à la retraite, qui a la nature d'une créance salariale, est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail. Le délai de cette prescription court à compter du jour du paiement de cette indemnité si, à cette date, l'employeur était en mesure de déceler le paiement indu et d'en demander la restitution.
13. Selon l'article 21, V, de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.
14. Après avoir relevé, sans méconnaître les règles de preuve, que la participation de la salariée à une fraude ou à des manoeuvres tendant à dissimuler la perception supposée indue de primes de départ à la retraite n'était pas établie par l'association, la cour d'appel, qui a constaté que cette dernière avait présenté une demande en répétition de ces primes, payées à la salariée le 30 novembre 2010, au titre du contrat de travail du 1er avril 2004, dans des écritures notifiées le 8 décembre 2015, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que son action était prescrite et donc irrecevable.
15. Le moyen, qui, pris en sa troisième branche, manque par le fait qui lui sert de base, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Association générale interprofessionnelle de prévoyance et d'investissement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association générale interprofessionnelle de prévoyance et d'investissement et la condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.