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12/02/2025 | FRANCE | N°24-80.358

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 12 février 2025, 24-80.358


N° S 24-80.358 F-D

N° 00180


RB5
12 FÉVRIER 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025



M. [K] [V], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 nov

embre 2023, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chef de harcèlement moral, dénonciation calomnieuse, faux public, ab...

N° S 24-80.358 F-D

N° 00180


RB5
12 FÉVRIER 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025



M. [K] [V], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chef de harcèlement moral, dénonciation calomnieuse, faux public, abus de confiance et atteinte au secret des correspondances, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et l'a condamné à une amende civile de 5 000 euros.

Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [K] [V], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [K] [V], notaire, a porté plainte et s'est constitué partie civile. Il a dénoncé des faits qui auraient été commis par ses associés M. [D] [E] et Mmes [G] [N] et [X] [W]. Selon lui, ceux-ci auraient commis des atteintes au secret des correspondances en accédant à ses courriels professionnels, une dénonciation calomnieuse en indiquant aux instances notariales qu'il aurait demandé à ses collaboratrices de cesser de travailler pour l'office notarié sous couvert d'arrêts maladies, des faux en écriture authentique en signant des actes inexacts et des abus de confiance en utilisant à des fins personnelles de l'argent de la société.

3. Par ordonnance du 11 avril 2023, le juge d'instruction a conclu au non-lieu contre quiconque d'avoir commis les infractions dénoncées et a condamné M. [V] au paiement d'une amende civile.

4. M. [V] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens du mémoire ampliatif et le premier moyen, pris en sa seconde branche, du mémoire personnel

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le deuxième moyen du mémoire ampliatif, le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen du mémoire personnel
Enoncé des moyens

6. Le deuxième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant retenu qu'il n'existe pas de charge suffisante contre M. [E], Mmes [N] et [W] du chef de faux en écriture publique ou authentique, alors :

« 1°/ que l'interdiction d'une double condamnation en raison des mêmes faits prévue par l'article 4-1 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ne trouve à s'appliquer, selon les déclarations et réserves accompagnant l'instrument de ratification de ce protocole par la France, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale ; qu'en retenant que les manquements déontologiques de monsieur [E] ont été sanctionnés par son ordre professionnel pour estimer qu'il n'existe pas de charge suffisante pour le renvoyer du chef de faux en écriture authentique devant la juridiction criminelle, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de l'article 4-1 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que l'élément intentionnel du faux en écriture authentique procède de la conscience de son auteur d'altérer la vérité d'un acte authentique; qu'en retenant l'absence d'élément intentionnel du crime de faux en écriture authentique dénoncé, après avoir constaté que monsieur « [D] [E] quant à lui reconnaissait tant lors de cette inspection que lors de l'audience judiciaire avoir signé 10 actes qu'il n'avait pas reçus, étant précisé que dans sept hypothèses il n 'était pas présent à l'étude lors de la signature par les parties. Pour chacun de ses actes, il avait fait le choix de signer hors la présence et la réception de ces clients », la chambre de l'instruction s'est déterminée par des motifs contradictoires et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-3, alinéa 1, 441-1, 441-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en exigeant une intention frauduleuse quand le crime de faux dans un acte authentique ne requiert que la conscience de son auteur d'altérer sciemment la vérité, la chambre de l'instruction a violé les articles 121-3, alinéa 1, 441-1, 441-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que le préjudice auquel peut donner lieu un faux dans un acte authentique résulte nécessairement de l'atteinte portée à la foi publique et à l'ordre social par une falsification de cette nature ; qu'en estimant qu'aucun élément ne permettait d'établir un quelconque préjudice qui aurait résulté des faits reprochés à [D] [E], quand il était établi que le notaire n'avait pas signé les actes en présence des parties, la chambre de l'instruction a violé les articles 441-1 et 441-4 du code pénal. »

7. Le premier moyen proposé par M. [V] est pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu du chef de faux en écriture publique, alors :

1°/ que, en n'indiquant pas clairement les motifs pour lesquels il n'y a lieu à suivre de ces faits, pourtant établis par les courriels de Mme [Z] [C] et l'audition de celle-ci, et en ne statuant pas sur les faits de faux qui auraient été commis par Mmes [N] et [W], la chambre de l'instruction a insuffisamment motivé sa décision.

9. Le second moyen proposé par M. [V] est pris de la violation de l'article 441-4 du code pénal.

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu du chef de faux en écriture publique, alors :

1°/ que, en constatant que M. [E] et Mmes [N] et [W] ont signé a posteriori des actes reçus par des salariés non habilités, la chambre de l'instruction a caractérisé l'infraction de faux en écriture publique ;

2°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait se fonder sur le fait qu'aucun préjudice résultant des faits reprochés à M. [E] n'était établi dès lors que le préjudice résultant de l'infraction de faux en écriture publique peut n'être qu'éventuel.

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 441-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

12. Il résulte du premier de ces textes que le préjudice auquel peut donner lieu un faux dans un acte authentique résulte nécessairement de l'atteinte portée à la foi publique et à l'ordre social par une falsification de cette nature.

13. Il résulte du second que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

14. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du chef de faux en écriture authentique, l'arrêt attaqué retient que les faits reprochés à M. [E], à savoir que les actes argués de faux n'ont pas été signés par les parties en présence du notaire qui les a dressés, caractérisent un manquement du notaire à ses obligations d'information et de conseil.

15. Les juges ajoutent que ces manquements de M. [E] ont été sanctionnés disciplinairement et que, s'ils constituent une négligence, ils ne révèlent aucune intention frauduleuse permettant de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction de faux en écriture authentique.

16. Ils retiennent également qu'aucun élément ne permet d'établir un préjudice qui aurait résulté des faits reprochés à M. [E].

17. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

18. En premier lieu, le seul fait pour un notaire de signer un acte authentique en l'absence des parties à cet acte en ayant conscience que l'acte indique qu'il a été signé par les parties en présence du notaire caractérise l'élément intentionnel de l'infraction de faux en écriture authentique, sans qu'il soit nécessaire d'établir une intention frauduleuse.

19. En deuxième lieu, ce fait constitue une altération de la vérité dans un acte authentique, laquelle emporte nécessairement un préjudice.

20. En troisième lieu, le fait qu'un notaire ait été sanctionné disciplinairement pour des manquements professionnels n'interdit pas que ces manquements fassent l'objet de poursuites pénales dès lors qu'ils constituent des infractions.

21. En dernier lieu, les juges n'ont pas recherché si les actes reprochés à Mmes [N] et [W] pouvaient constituer l'infraction de faux en écriture authentique.

22. La cassation est par conséquent encourue.

Et sur le quatrième moyen du mémoire ampliatif

Enoncé du moyen

23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant retenu qu'il n'existe pas de charge suffisante contre M. [E] et Mmes [N] et [W] du chef de dénonciation calomnieuse, alors « qu'en se limitant à constater que « certaines récriminations formulées » par les associés de monsieur [V] dans leur plainte auraient été confirmées par les juridictions disciplinaires et judiciaires sans se prononcer sur l'ensemble de ces dénonciations quand la partie civile faisait valoir dans son mémoire que les intéressés avaient dénoncé un recours frauduleux à des arrêts maladie et que ce fait n'avait pas été retenu par les juridictions précitées, la chambre de l'instruction a omis de statuer sur l'ensemble des faits dénoncés et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 212 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

24. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

25. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du chef de dénonciation calomnieuse, l'arrêt attaqué retient que les faits dénoncés ne sont pas établis dès lors qu'il résulte des poursuites disciplinaires exercées contre M. [V] que celui-ci a également commis des manquements, dont certains ont abouti à une sanction disciplinaire.

26. Les juges ajoutent que certaines des récriminations formulées par les associés de M. [V] étaient donc justifiées.

27. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [V] qui faisaient valoir que les poursuites disciplinaires exercées contre lui ne visaient pas les faits pour lesquels il avait porté plainte au titre de la dénonciation calomnieuse, la chambre de l'instruction a insuffisamment justifié sa décision.

28. La cassation est encore encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

29. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au non-lieu prononcé des chefs de faux en écriture authentique et de dénonciation calomnieuse et celles ayant condamné M. [V] au paiement d'une amende civile. Les autres dispositions seront donc maintenues.

30. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner le cinquième moyen du mémoire ampliatif.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, mais en ses seules dispositions relatives au non-lieu prononcé des chefs de faux en écriture authentique et de dénonciation calomnieuse et à l'amende civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-80.358
Date de la décision : 12/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 12 fév. 2025, pourvoi n°24-80.358


Origine de la décision
Date de l'import : 17/02/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.80.358
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