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12/02/2025 | FRANCE | N°24-80.536

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 12 février 2025, 24-80.536


N° K 24-80.536 F-D

N° 00175


RB5
12 FÉVRIER 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025



M. [O] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 21 septem

bre 2023, qui, pour fraude fiscale, blanchiment et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à 50 000 euros d'amende, cinq ans d'inéligibilité, une conf...

N° K 24-80.536 F-D

N° 00175


RB5
12 FÉVRIER 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025



M. [O] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 21 septembre 2023, qui, pour fraude fiscale, blanchiment et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à 50 000 euros d'amende, cinq ans d'inéligibilité, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. [O] [T], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [O] [T] a fait l'objet d'une dénonciation anonyme reçue le 20 mai 2015 au parquet national financier portant sur des irrégularités, susceptibles de revêtir des qualifications pénales, commises dans le cadre de son activité de promoteur immobilier au travers de plusieurs sociétés civiles et commerciales.

3. Les investigations conduites ont établi qu'il bénéficiait de commissions d'apporteur d'affaires qui n'avaient pas fait l'objet de déclarations fiscales, et qu'il disposait de deux comptes bancaires montrant des mouvements créditeurs non déclarés ouverts à l'étranger, à l'Ile Maurice.

4. La direction des finances publiques a déposé plainte pour fraude fiscale auprès du procureur de la République par lettres des 19 mars et 4 juillet 2019, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales.

5. Par arrêt du 21 janvier 2020, la chambre de l'instruction a ordonné la saisie de la somme de 1 214 386 euros figurant sur le contrat d'assurance sur la vie Capital euro épargne n° 76086 ouvert à [1] dont est titulaire M. [T]. L'arrêt a été cassé par arrêt de la Cour de cassation en date du 17 février 2021. Par arrêt en date du 31 janvier 2023, la chambre de l'instruction a ordonné la saisie de la somme de 861 788 euros figurant sur le même contrat d'assurance sur la vie. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la cour de cassation du 28 février 2024.

6. Par jugement du 18 février 2022, le tribunal correctionnel a relaxé M. [T] du délit de fraude fiscale portant sur l'impôt sur la fortune, l'a déclaré coupable des autres infractions, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, cinq ans d'inéligibilité, a dit n'y avoir lieu à confiscation du contrat d'assurance sur la vie et a prononcé sur les intérêts civils.

7. Le procureur de la République, M. [T] et la direction des finances publiques ont relevé appel du jugement.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens

8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation en valeur du contrat d'assurances vie intitulé Capital euro épargne de la banque [1] n° 76086 souscrit pour une montant de 1 214 386 euros, à concurrence de la somme de 200 000 euros sur le fondement de l'article 131-21 du code pénal, alors :

« 1°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement ; que la confiscation porte alors sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction, ou étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit de l'infraction, et ne peuvent être restitués ; que si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ; que, pour infirmer le jugement et ordonner la confiscation en valeur d'un contrat d'assurances vie à concurrence de la somme de 200.000 €, la cour d'appel s'est bornée à relever « que les impositions fiscales ont été revues à la baisse dans le cadre des relations entre le prévenu et l'administration fiscale ; que les infractions reprochées se sont déroulées sur plusieurs années [et] que l'infraction de blanchiment reprochée a notamment porté sur une somme de 700 000 € de 2006 à 2015 (377 458 € de 2012 à 2015) générant des impositions fiscales supplémentaires non négligeables ; [que] c'est à la suite d'un banal contrôle douanier que les infractions ont été découvertes; qu'à défaut, elles auraient manifestement perduré ; qu'au regard de ces éléments la saisie de la somme de 861 788 € n'est manifestement pas proportionnée à la gravité des faits reprochées et à la personnalité du prévenu » ; qu'en prononçant ainsi, sans indiquer en quoi cette somme avait servi, ou bien à commettre l'infraction, ou bien était destinée à la commettre, ou en constituait le produit, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, ni mis la Cour de cassation en mesure d'en contrôler la légalité ;

2°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction ; qu'en se bornant à ordonner la confiscation de la somme en valeur d'un contrat d'assurances vie à concurrence de 200 000 €, sans préciser la nature et l'origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision au regard des articles 132-1 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que dans les cas prévus par la loi ou le règlement, la peine complémentaire de confiscation porte, notamment, sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens qui sont susceptibles de restitution à la victime ; que, pour ordonner, à l'encontre de M. [T], la confiscation des sommes figurant sur une assurance-vie à hauteur de 200 000 euros, l'arrêt attaqué relève que l'infraction de blanchiment reprochée a porté sur une somme de 377 458 € de 2012 à 2015 ; qu'en se déterminant ainsi, alors que le produit du blanchiment correspond à la seule économie réalisée par la fraude, la cour d'appel a derechef méconnu l'article 131-21 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

10. Selon le premier de ces textes, le juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, doit préciser la nature du bien saisi ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.

11. S'il décide de confisquer le bien en valeur, il doit également préciser le fondement du caractère confiscable du bien auquel le bien confisqué se substitue et s'assurer que la valeur de ce bien n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction.

12. Il résulte du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

13. Pour ordonner la confiscation du contrat d'assurance sur la vie à hauteur de 200 000 euros, l'arrêt énonce que les infractions reprochées à M. [T] se sont déroulées sur plusieurs années et que l'infraction de blanchiment a notamment porté sur la somme de 700 000 euros de 2006 à 2015, dont 377 458 euros de 2012 à 2015, générant des impositions fiscales supplémentaires non négligeables.

14. Les juges précisent que, sans le contrôle douanier à l'occasion duquel les infractions ont été découvertes, celles-ci auraient manifestement perduré.

15. Ils concluent que les impositions fiscales ayant été revues à la baisse, la confiscation doit être limitée à la somme de 200 000 euros.

16. En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas à quel titre les fonds ont été confisqués et si leur valeur n'excède pas celle du produit ou de l'objet des infractions retenues, objet, qui, en matière de blanchiment de fraude fiscale est constitué du montant des droits éludés, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision.

17. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines. Les autres dispositions seront donc maintenues.

19. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner le quatrième moyen proposé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 21 septembre 2023, mais en ses seules dispositions portant sur les peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-80.536
Date de la décision : 12/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 12 fév. 2025, pourvoi n°24-80.536


Origine de la décision
Date de l'import : 17/02/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.80.536
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