CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 février 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 84 FS-D
Pourvoi n° V 22-22.393
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025
L'association Fédération patrimoine environnement, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-22.393 contre l'arrêt rendu le 24 août 2022 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société IF Allondon, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à l'association France nature environnement Ain, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à l'association Pro Natura [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3] (Suisse),
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'association Fédération patrimoine environnement, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société IF Allondon, et l'avis de Mme Delpey-Corbaux, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Guillaudier, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mme Foucher-Gros, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Delpey-Corbaux, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à l'association Fédération patrimoine environnement du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'association France nature environnement Ain et l'association Pro Natura [Localité 4].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 août 2022), rendu en référé, par arrêté du 22 décembre 2017, un permis de construire un ensemble immobilier valant autorisation d'exploitation commerciale sur le territoire de la commune de [Localité 6] a été délivré à la société IF Allondon.
3. Soutenant notamment que la réalisation des premiers travaux aurait provoqué des atteintes à l'environnement, l'association Fédération patrimoine environnement, l'association France nature environnement Ain et l'association Pro Natura [Localité 4] ont assigné la société IF Allondon en référé-expertise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'association Fédération patrimoine environnement fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'expertise, alors « que pour justifier d'un motif légitime à conserver ou à établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, le demandeur doit simplement établir l'existence d'un litige potentiel mais n'a pas à établir le bien-fondé de l'action envisagée ; qu'en relevant, pour dire que la demande d'expertise n'était pas fondée sur un motif légitime, que les appelantes ne justifiaient d'aucun élément permettant de faire le lien entre le préjudice écologique qu'elles invoquaient et les travaux effectués par la société IF Allondon, la cour d'appel s'est prononcée sur le bien-fondé de l'action en réparation au titre d'un préjudice écologique que les appelantes envisageaient d'intenter à l'encontre de cette société, et a violé l'article 145 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 145 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
6. Pour rejeter la demande d'expertise, l'arrêt retient que les associations ne justifient d'aucun élément scientifique ou technique objectif permettant de faire un lien non contestable entre les constats dont elles font état et les travaux et qu'il ne ressort aucunement du rapport de la société Hydro géo environnement qu'il existe des éléments factuels précis permettant de considérer que la construction du centre commercial est à l'origine d'un préjudice écologique.
7. Il ajoute que si les différentes études et notes produites par les associations tendent à démontrer que leurs inquiétudes quant à l'impact écologique du projet sont légitimes, elles ne sont pas suffisantes pour établir que le préjudice écologique allégué est réel et susceptible de justifier une procédure au fond en réparation.
8. En statuant ainsi, alors que l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que le demandeur établisse le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société IF Allondon aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société IF Allondon et la condamne à payer à l'association Fédération patrimoine environnement la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.