CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 février 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 144 F-D
Pourvoi n° N 23-10.039
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025
La société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-10.039 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [G] [Y], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à Mme [S] [Y], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à M. [K] [Y], domicilié chez [Adresse 5],
4°/ à M. [T] [Y], domicilié [Adresse 4],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [G] [Y], Mme [S] [Y], M. [K] [Y], M. [T] [Y], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 septembre 2022), Mme [Y] a été blessée le 4 juillet 2011, à la suite d'un accident impliquant son seul véhicule qu'elle venait de stationner et qui a reculé sur elle. Elle a recherché, avec ses enfants, Mme [S] [Y], M. [K] [Y] et M. [T] [Y], (les consorts [Y]) la garantie de la société GMF assurances (l'assureur) auprès de laquelle elle avait souscrit un contrat d'assurance comportant une garantie conducteur.
2. Des provisions ont été versées par l'assureur à Mme [Y] sur le fondement de la garantie contractuelle du conducteur à hauteur de 1 million d'euros, correspondant au plafond de garantie revendiqué par l'assureur.
3. Les consorts [Y] ont saisi un tribunal aux fins d'obtenir une provision supplémentaire et l'instauration d'une mesure d'expertise, en se fondant sur l'application de la loi du 5 juillet 1985.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche, réunis
Enoncé des moyens
4. Par un premier moyen, l'assureur fait grief à l'arrêt de dire que les conditions particulières et générales du contrat « garantie conducteur » ne sont pas opposables à Mme [Y], de dire qu'il est tenu d'indemniser la victime directe et les victimes indirectes de l'intégralité de leurs préjudices selon les règles du droit commun, d'allouer à Mme [Y] une indemnité provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur la liquidation définitive de son préjudice corporel, de déclarer recevables les demandes formulées par les consorts [Y], d'allouer aux consorts [Y], chacun, une indemnité provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral et d'affection, outre à chacun une indemnité provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice extrapatrimonial exceptionnel, de le condamner à payer à Mme [Y] la somme de 100 000 euros à titre provisionnel à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel global, de le condamner à payer aux consorts [Y], chacun, une indemnité provisionnelle de 15 000 euros et de diligenter une expertise médicale qu'elle a confiée au docteur [D] et au docteur [O], alors « que, même en cas d'inopposabilité des conditions générales et particulières d'assurances reste délimitée par la définition du risque garanti par cette police ; qu'en affirmant qu'en l'absence d'opposabilité à Mme [Y] des conditions particulières et générales de la police d'assurance « Auto pass » souscrite auprès de lui, l'assurée était fondée à solliciter l'indemnisation de l'intégralité de ses préjudices sans limitation d'un plafond de garantie et selon les règles de droit commun, sans rechercher quel était le périmètre contractuel de garantie, lequel délimitait son droit à indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »
5. Par un second moyen, l'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le contrat forme la loi des parties et s'impose aux juges ; qu'en l'espèce, le contrat « auto pass » souscrit auprès de la société GMF stipule : « 2.4 La garantie du conducteur : Cette garantie intervient en cas d'accident de la circulation impliquant le véhicule assuré et engageant la responsabilité totale ou partielle du conducteur. Elle permet d'indemniser : les atteintes corporelles subies par le conducteur blessé, ou, en cas de décès du conducteur, le préjudice économique subi par : son conjoint non séparé de corps ou de fait ou son partenaire lié par un pacte de solidarité ou son concubin, les autres personnes à charge » ; qu'il en résulte qu'en cas de blessures, seul l'assuré peut prétendre à une indemnisation ; qu'en indemnisant dès lors les enfants de Mme [Y], assurée blessée non décédée, la cour d'appel a méconnu le contrat et violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité des moyens
6. Mme [Y] et les consorts [Y] contestent la recevabilité des moyens. Ils soutiennent que les moyens sont nouveaux et mélangés de fait et de droit.
7. Cependant, les moyens ne se réfèrent à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.
8. Les moyens, de pur droit, sont, dès lors, recevables.
Bien-fondé des moyens
Vu l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
10. L'arrêt, après avoir relevé que les conditions générales et particulières n'avaient pas été signées par Mme [Y], retient que la clause stipulant un plafond de garantie et les conditions prévoyant les postes indemnisables ne lui sont pas opposables et que, dès lors, cette dernière est fondée à solliciter l'indemnisation de l'intégralité de ses préjudices, au titre de la garantie conducteur, selon les règles du droit commun.
11. Il retient également le droit à indemnisation des enfants de Mme [Y], en qualité de victimes par ricochet, selon les règles du droit commun.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher quel était le périmètre contractuel de la garantie, laquelle délimitait le droit à indemnisation de l'assurée et des victimes par ricochet, au titre de cette assurance des dommages corporels du conducteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il a déclaré recevables les demandes formées par Mme [G] [Y], Mme [S] [Y], M. [K] [Y] et M. [T] [Y] et a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, l'arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme [G] [Y], Mme [S] [Y], M. [K] [Y] et M. [T] [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.