LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 février 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 95 F-D
Pourvoi n° G 23-16.130
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025
La société [Adresse 15], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11], a formé le pourvoi n° G 23-16.130 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [O] [N], domiciliée [Adresse 7],
2°/ à Mme [C] [H], domiciliée [Adresse 14],
3°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 15], dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic la société Etude Dolet gestion, dont le siège est [Adresse 12],
5°/ à la SMAC eurofaçade, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
6°/ à la société Sogea sud bâtiment, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16], anciennement dénommée Sogea sud est,
7°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
8°/ à la société Socotec construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], venant aux droits de la société Socotec France,
9°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
10°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], et venant aux lieu et place de la société Covea Risks,
11°/ à la société Languedoc ascenseurs, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9],
12°/ à Mme [L] [K], domiciliée [Adresse 13], prise en sa qualité de liquidateur amiable de la société Languedoc ascenseurs,
13°/ à la société Manes et fils, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], en liquidation judiciaire,
14°/ à la société Pierre-Henri Frontil, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Manes et fils,
défendeurs à la cassation.
Mmes [N] et [H] et la Mutuelle des architectes français ont formé, par un mémoire déposé au greffe, une pourvoi provoqué éventuel et un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les demanderesses au pourvoi provoqué éventuel et incident invoquent, à l'appui de leur recours, respectivement, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de la société civile immobilière [Adresse 15], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mmes [N] et [H] et de la Mutuelle des architectes français, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Sogea sud bâtiment, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la SMAC eurofaçade, des sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles, Languedoc ascenseurs et de Mme [K], ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 15], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali IARD, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier,16 mars 2023) et les productions, la société civile immobilière [Adresse 15] (la SCI) a réalisé un programme immobilier collectif sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement, sous la maîtrise d'oeuvre de Mmes [N] et [H], assurées auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
2. Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA).
3. Se plaignant de désordres, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 15] (le syndicat des copropriétaires) a assigné, après expertise, la SCI en réparation de ses préjudices. Différents intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs ont été appelés en garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au syndicat des copropriétaires certaines sommes au titre des désordres de nature décennale et au titre de la façade de l'immeuble, alors « que le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour juger que l'analyse de la non-conformité respectait le principe de la contradiction au seul motif que le compte rendu de l'expert mentionnait spécifiquement "il semblerait que les représentants de la SCI [Adresse 15] n'aient pas noté ce point qui est loin d'être une anecdote" sans rechercher si les parties, et spécialement la SCI [Adresse 15], avaient eu la possibilité de débattre contradictoirement de ces non-conformités alléguées et de formuler des observations avant le dépôt du rapport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a relevé que l'expert avait évoqué la non-conformité concernant la façade dans son compte-rendu n° 3, faisant ainsi ressortir que cette non-conformité avait été soumise à la contradiction des parties.
6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que les non-conformités contractuelles relèvent du régime des vices de la construction ; qu'en jugeant que la demande relative à la non-conformité de la façade litigieuse était fondée sur les dispositions de l'article 1134 du code civil et R. 261-1 du code de la construction et de l'habitat quand c'est au contraire le régime des vices de construction tel que prévu par les articles 1642-1, 1648 du code civil et L. 261-5 du code de la construction et de l'habitat qui était applicable, la cour d'appel a violé ces articles 1642-1, 1648 du code civil et de l'article L. 261-5 du code de la construction et de l'habitat par refus d'application ;
2°/ qu'en jugeant que la demande relative à la non-conformité de la façade litigieuse était fondée sur les dispositions de l'article 1134 du code civil et R. 261-1 du code de la construction et de l'habitat et qu'elle était donc recevable et non prescrite dès lors que la prescription trentenaire s'appliquait, sans rechercher si les conditions des articles 1642-1 et 1648 du code civil étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1642-1, 1648 du code civil et de l'article L. 261-5 du code de la construction et de l'habitat ;
3°/ qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions de l'exposante tiré de l'application des articles 1642-1, 1648 du code civil et de l'article L. 261-5 du code de la construction et de l'habitat la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Ayant relevé que la façade d'un bâtiment n'avait pas été traitée à la chaux contrairement à ce que prévoyait la notice descriptive sommaire et que le ravalement insuffisant était intervenu après la livraison, la cour d'appel en a exactement déduit, procédant à la recherche prétendument omise et répondant en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, que l'action engagée par le syndicat des copropriétaires, au titre du coût de la réfection dudit ravalement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun devait être accueillie.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. Mmes [N] et [H] et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la SCI la somme de 17 106 euros et de les condamner in solidum à garantir les sociétés MMA pour la somme de 13 848 euros, alors :
« 1°/ que nul ne peut être tenu à réparer deux fois le même dommage; qu'adoptant les conclusions de l'expert judiciaire sur ce point, la cour d'appel a chiffré le coût des travaux de reprise de la cage d'ascenseur à la somme totale de 17 106 euros TTC ; qu'en condamnant tout à la fois les exposantes in solidum à verser à la SCI [Adresse 15] la somme de 17 106 euros TTC et à garantir les MMA pour la somme de 13 848 euros TTC au titre de la cage d'ascenseur, la cour d'appel, qui a condamné les exposantes à verser une somme totale de 30 954 euros en réparation des désordres relatifs à la cage d'ascenseur et ainsi à réparer deux fois le même dommage, a violé l'article 1792 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du dommage ;
2°/ que pour condamner in solidum Mme [N], Mme [H] et la MAF à payer à la SCI [Adresse 15] la somme de 17 106 euros TTC au titre de la cage d'ascenseur, la cour d'appel a pris des motifs relatifs à "l'appel incident de la SARL Languedoc Ascenseur et de Mme [K] en qualité de liquidateur amiable de la société Languedoc Ascenseur" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs étrangers aux demandes de la SCI [Adresse 15] envers les exposantes, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel a infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné, in solidum avec d'autres, la société MMA IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, à indemniser certains préjudices du syndicat des copropriétaires, a constaté que celui-ci ne formait, en appel, aucune demande contre l'assureur dommages-ouvrage et a déclaré irrecevables les demandes formées contre lui par la SCI, de sorte qu'aucune condamnation n'a été prononcée contre la société MMA IARD au profit de quiconque.
12. Il en résulte que, la condamnation à garantie prononcée à l'encontre de Mmes [N] et [H] et la MAF pour les sommes dues au titre de la cage d'ascenseur étant sans portée, la cour d'appel n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué qui n'est qu'éventuel, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société civile immobilière [Adresse 15] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société civile immobilière [Adresse 15] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 15] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.