SOC.
COUR DE CASSATION
JL10
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 14 février 2025
NON-LIEU A RENVOI
M. SOMMER, président
Arrêt n° 296 FS-B
Affaires n° J 24-40.032
K 24-40.033
M 24-40.034
N 24-40.035
P 24-40.036
Q 24-40.037
R 24-40.038
S 24-40.039 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2025
Le conseil de prud'hommes de Tulle a transmis à la Cour de cassation, suite à huit ordonnances rendues en formation de référé le 4 décembre 2024, huit questions prioritaires de constitutionnalité identiques, reçues le 9 décembre 2024, dans les instances mettant en cause :
D'une part,
la société Atalian sécurité, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
D'autre part,
1°/ M. [Z] [A], domicilié [Adresse 9],
2°/ Mme [H] [U] [G], domiciliée [Adresse 1],
3°/ M. [I] [C], domicilié [Adresse 8],
4°/ M. [M] [E], domicilié [Adresse 7],
5°/ M. [L] [Y] [D], domicilié [Adresse 4],
6°/ M. [B] [V], domicilié [Adresse 3],
7°/ M. [P] [O], domicilié [Adresse 5],
8°/ M. [T] [W], domicilié [Adresse 2].
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les questions prioritaires de constitutionnalité enregistrées sous les numéros J 24-40.032, K 24-40.033, M 24-40.034, N 24-40.035, P 24-40.036, Q 24-40.037, R 24-40.038 et S 24-40.039 sont jointes.
Faits et procédure
2. La société Atalian est soumise à un accord d'entreprise du 15 octobre 2014, qui organise l'annualisation du temps de travail sur l'année et fixe à 1 607 heures le seuil de déclenchement des heures supplémentaires pour un salarié à temps plein ayant acquis ou pris trente jours ouvrables de congé payé.
3. M. [A] et sept autres salariés de la société Atalian ont saisi la juridiction prud'homale, statuant en référé, d'une demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité
4. Par ordonnances du 4 décembre 2024, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Tulle a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
« L'article L. 3122-4 du code du travail tel que modifié par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, porte-t-il atteinte au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi, au principe de sécurité juridique, à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre contenus dans les articles 4, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et au Préambule de la constitution du 4 octobre 1958 ? »
Examen des questions prioritaires de constitutionnalité
5. Les questions prioritaires de constitutionnalité ont pour objet la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative.
6. Il est jugé qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3122-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne peut être supérieur au plafond de 1 607 heures de travail par an, quand bien même le salarié n'aurait pas acquis l'intégralité de ses droits à congé payé au titre de la période de référence prévue par l'accord (Soc., 11 mai 2016, pourvoi n° 14-29.512, Bull. 2016, V, n° 96).
7. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne le seuil de déclenchement des heures supplémentaires pour des salariés soumis à un décompte annuel de la durée de travail n'ayant pas exercé de droits à congé payé complets.
8. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
9. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
10. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.
12. En effet, en premier lieu, la disposition critiquée ne porte aucune atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle et la sécurité juridique dans la mesure où elle se borne à transposer les dispositions d'ordre public relatives à la durée légale de travail fixée à trente-cinq heures hebdomadaires et au seuil de déclenchement des heures supplémentaires en les adaptant à un dispositif de décompte de la durée du travail sur l'année, y compris lorsque le salarié n'exerce pas de droits à congé payé complets.
13. En second lieu, la disposition critiquée ne porte pas atteinte au principe d'égalité dès lors, d'une part, que les salariés relevant d'un décompte hebdomadaire de droit commun ne sont pas dans la même situation que ceux soumis à un décompte annuel, et, d'autre part, que les différences de traitement en résultant, par l'effet de l'exercice des droits à congé payé incomplets sur le franchissement du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, sont en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
14. En conséquence, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-cinq.