LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 février 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 173 F-D
Pourvoi n° P 22-22.801
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025
La caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-22.801 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [C] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, M. Leblanc, conseiller, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 septembre 2022), à la suite d'un contrôle opéré, le 29 septembre 2015, sur la parcelle de vigne de M. [T] (le cotisant) où intervenaient des personnes en action de travail, la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde (la MSA) lui a adressé une lettre d'observations portant redressement pour travail dissimulé.
2. Invoquant une situation de bénévolat des intervenants, le cotisant a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La MSA fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement forfaitaire effectué à l'encontre du cotisant alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que l'inobservation de cette règle d'ordre public doit être relevée d'office ; qu'en se prononçant sur la qualification de la relation de travail liant le cotisant à neuf personnes "occupées à vendanger les vignes situées sur le terrain" de ce dernier, dont sa s?ur, sans avoir mis en cause lesdites personnes, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 741-10 du code rural, L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale et les articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen, contestée par la défense
5. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est nouvelle.
6. Cependant le moyen tiré de l'application au litige de l'article 14 du code de procédure civile, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas de l'arrêt, est de pur droit.
7. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 14 du code de procédure civile, L. 722-20, L. 722-25 et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime :
8. Selon le premier de ces textes, nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.
9. Il résulte du troisième de ces textes, que les salariés ayant une activité agricole en application du deuxième sont obligatoirement affiliés, à la diligence de l'employeur, au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles.
10. Pour accueillir le recours du cotisant, l'arrêt relève qu'il n'est pas établi que les travaux litigieux aient été réalisés moyennant le paiement d'une rémunération par le cotisant, selon ses directives précises et sous son contrôle, alors qu'il résulte des témoignages versés aux débats, émanant des personnes présentes lors du contrôle, qu'elles intervenaient dans le cadre de relations amicales avec le cotisant qu'elles souhaitaient aider à vendanger sa parcelle de vigne.
11. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelées en la cause les personnes intéressées, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification de la relation de travail liant ces dernières au cotisant, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] et le condamne à payer à la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.