CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mars 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 265 F-D
Pourvoi n° G 22-17.276
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2025
M. [U] [M], domicilié [Adresse 2], exerçant à titre individuel sous l'enseigne Taxi [M] Sarl, a formé le pourvoi n° G 22-17.276 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La caisse primaire d'assurance maladie du Calvados a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, Ã l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, Ã l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [M], exerçant à titre individuel sous l'enseigne Taxi [M] Sarl, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 avril 2022), la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse) a notifié à M. [M], exerçant à titre individuel sous l'enseigne Taxi [M] (l'entreprise de taxi), un indu de 35 613,77 euros au titre d'anomalies dans les facturations de transports pour plusieurs patients.
2. L'entreprise de taxi a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, formé par l'entreprise de taxi, pris en sa troisième branche, et sur le moyen du pourvoi incident, formé par la caisse, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident, formé par la caisse, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de la somme de 7 480,79 euros correspondant aux frais de transport exposés pour M. [R], alors « que la preuve de l'accomplissement de la formalité de l'entente préalable ne peut être déduite des seules affirmations de l'assuré ; qu'en se bornant à constater que M. [R] attestait avoir adressé à la caisse une demande d'entente préalable, la cour d'appel a violé l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale et l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles L. 162-4-1, L. 322-5 et L. 442-8 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que les frais de déplacement de la victime qui doit se soumettre à un traitement lié à un accident du travail ou à une maladie professionnelle sont pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, sur la base, d'une part, du trajet et du mode de transport les moins onéreux compatibles avec l'état du bénéficiaire, d'autre part, d'une prescription médicale précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit.
6. Il en découle que la prise en charge de ces frais de transports, même lorsqu'ils sont effectués en série, n'est pas soumise à la formalité de l'accord préalable de la caisse prévu à l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale, le lien avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle suffisant à en faire une prestation remboursable.
7. L'arrêt constate que des prescriptions médicales de transport, établies les 29 mars, 4 mai et 28 juillet 2016 par un médecin généraliste, mentionnent un trajet entre le domicile du patient et un cabinet de « kiné balnéo », par transport assis professionnalisé, à raison de quinze allers-retours, lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle du 30 mars 2015.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que les conditions de prise en charge des transports litigieux, liés à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, étaient réunies, se trouve légalement justifié.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, formé par l'entreprise de taxi, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. L'entreprise de taxi fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la caisse un indu de 28 132,28 euros au titre des frais de transport exposés pour M. [F], alors « que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, la caisse faisait valoir, sans être contredite par l'entreprise de taxi, que les déplacements litigieux ne figuraient pas au nombre de ceux dont la prise en charge est soumise à une demande d'accord préalable ; que, dès lors, en déduisant l'existence d'un indu de la circonstance que les transports litigieux n'avaient pas fait l'objet d'un accord préalable, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
10. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
11. Pour condamner l'entreprise de taxi à verser à la caisse un indu de 28 132,28 euros au titre des frais de transport exposés pour M. [F], l'arrêt constate que l'entreprise de taxi a assuré les transports de ce patient entre son domicile, sis à [Localité 4], et le foyer [5], à [Localité 3], cinq fois par semaine, du lundi au vendredi, par périodes de six mois, selon prescriptions médicales. Après en avoir déduit qu'une demande d'accord préalable était nécessaire en application de l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale, l'arrêt constate que la caisse réfute la réception d'une telle demande, qui n'est pas produite par le professionnel de taxi.
12. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, la caisse soutenait qu'aucun accord préalable ne devait lui être adressé, les frais de transport pour se rendre dans un foyer de vie ne pouvant, en toute hypothèse, être pris en charge, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [M] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados la somme de 28 132,28 euros à titre de restitution de l'indu portant sur les frais de transport exposés pour M. [F] ayant donné lieu à facturation entre le 1er octobre 2016 et le 31 mars 2017, l'arrêt rendu le 7 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados et la condamne à verser à M. [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-cinq.