CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mars 2025
Cassation partielle
sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 151 F-D
Pourvois n°
H 23-14.312
V 23-14.715 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2025
I- 1°/ la société HPA Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 7], anciennement dénommée Groupe Garrigae,
2°/ la société JSB, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 7], anciennement dénommée Les Jardins de Saint-Benoît, en liquidation judiciaire,
3°/ la société [B] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 6],
en la personne de Mme [U] [B], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société JSB,
ont formé le pourvoi n° H 23-14.312 contre l'arrêt rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [H] [F],
2°/ à Mme [P] [D] [C], épouse [F],
tous deux domiciliés [Adresse 3], [Localité 10] (Irlande),
3°/ à la société My Money Bank, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11], [Localité 9], anciennement dénommée GE Money Bank,
4°/ à la société Stéphane Grosjean & Frédéric Schuller, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], anciennement société Benedetti Grosjean Gally Dariscon,
défendeurs à la cassation.
II - La société My Money Bank, société anonyme, anciennement dénommée GE Money Bank, a formé le pourvoi n° V 23-14.715 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [F],
2°/ à Mme [P] [D] [C], épouse [F],
3°/ à la société Grosjean & Schuller, société civile professionnelle, anciennement dénommée société Benedetti Grosjean Gally Dariscon,
4°/ à la société HPA Holding, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Groupe Garrigae, dont le nom commercial est Propriété et Co,
5°/ à la société Les Jardins de Saint Benoît, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 7],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses au pourvoi n° H 23-14.312 invoquent, à l'appui de leur recours, quatre moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° V 23-14.715 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés HPA Holding et [B] Yang-Ting, ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société My Money Bank, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Grosjean & Schuller, de Me Haas, avocat de M. et Mme [F], après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 23-14.312 et V 23-14.715 sont joints.
Reprise d'instance
2. Il est donné acte à la société [B] Yang-Ting, prise en la personne de Mme [B], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société JSB, anciennement dénommée Les Jardins de Saint-Benoît, de sa reprise d'instance.
Désistement partiel
3. Il est donné acte aux sociétés HPA Holding, anciennement dénommée Groupe Garrigae, et [B] Yang-Ting, ès qualités, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile professionnelle Stéphane Grosjean et Frédéric Schuller, anciennement dénommée Benedetti Grosjean Gally Dariscon, ainsi que la société My Money Bank, anciennement dénommée GE Money Bank (la banque).
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 février 2023), M. et Mme [F] (les acquéreurs) ont conclu avec la société Les Jardins de Saint-Benoît, devenue la société JSB (le vendeur), un contrat de réservation d'une maison meublée dans une résidence de tourisme, acte comprenant une promesse de bail commercial au profit de la société Garrigae Hotels And Resorts (le preneur).
5. Par acte authentique du 11 décembre 2007, les parties ont signé la vente en l'état futur d'achèvement de ce bien réservé au prix de 326 508 euros toutes taxes comprises, somme partiellement financée par un prêt souscrit auprès de la banque.
6. Un avenant au bail a été conclu en vue d'une substitution de preneur et d'une réduction du loyer.
7. Dénonçant une rentabilité décevante de l'opération immobilière, les acquéreurs ont assigné le vendeur et la société HPA Holding, auteur de la plaquette commerciale, en nullité de la vente pour dol et paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi n° H 23-14.312
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le troisième moyen qui est irrecevable.
Sur les premier et second moyens du pourvoi n° V 23-14.715, réunis
Enoncé des moyens
9. Par son premier moyen, la banque fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il rejette les demandes de réparation formées à l'encontre de la société civile professionnelle Benedetti Grosjean Gally Dariscon et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure, alors « que méconnaissent l'étendue de leurs pouvoirs les juges qui infirment un jugement pour le tout après que l'appel a été jugé irrecevable à l'égard de l'une des parties ; qu'en infirmant le jugement du 29 juin 2017, y compris dans les chefs concernant la société My Money Bank, quand, par un précédent arrêt du 29 octobre 2020, elle avait jugé l'appel irrecevable à l'égard de cette partie, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation des articles 480 et 562 du code de procédure civile. »
10. Par son second moyen, la banque fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges doivent exposer, même succinctement, les prétentions et moyens respectifs des parties, cet exposé pouvant revêtir la forme d'un visa des dernières conclusions avec l'indication de leur date ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué, n'a pas visé les dernières conclusions de la société My Money Bank avec leur date ; qu'il n'a pas non plus rappelé, fût-ce succinctement, quels étaient ses prétentions ni ses moyens ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. Sous le couvert de griefs d'excès de pouvoir et de violation de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens critiquent, en réalité, une contradiction entre les motifs et le dispositif qui, procédant d'une erreur purement matérielle, peut être réparée par la Cour de cassation en application de l'article 462 du même code.
12. Les moyens ne sont donc pas recevables.
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi n° H 23-14.312
Enoncé du moyen
13. Le vendeur et la société HPA Holding font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer aux acquéreurs la somme de 79 534 euros au titre de leur apport personnel, alors « que seul le vendeur peut être condamné à restituer le prix de vente consécutivement à l'annulation du contrat de vente ; qu'en condamnant la société HPA Holding, anciennement dénommée Groupe Garrigae, in solidum avec la société Les Jardins de Saint-Benoît, devenue JSB, qui avait seule conclu le contrat de vente annulé, à restituer une certaine somme correspondant au prix de vente, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
14. Il résulte de ce texte que la nullité emporte anéantissement rétroactif du contrat et la remise des parties dans l'état antérieur à la conclusion de celui-ci. Il s'ensuit que la chose vendue est rendue au vendeur et le prix de vente restitué à l'acquéreur.
15. Pour condamner in solidum le vendeur et la société HPA Holding à payer aux acquéreurs la somme de 79 534 euros correspondant à leur apport personnel au prix de vente, l'arrêt énonce que cette restitution est provoquée par l'annulation du contrat.
16. En statuant ainsi, alors que l'obligation de restitution du prix de vente n'incombe qu'au seul vendeur, en l'occurrence la société JSB, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
19. L'obligation à restitution du prix ensuite de la nullité de la vente n'incombant qu'au seul vendeur, la demande des acquéreurs tendant à la condamnation de la société HPA Holding, in solidum, avec la société Les Jardins de Saint-Benoît, à lui restituer la somme de 79 534 euros au titre de leur apport personnel doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi n° V 23-14.715 ;
RECTIFIE le dispositif de l'arrêt rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), comme suit :
Il est ajouté, avant les mots « Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il », les mots :
- « Constate que, par l'effet de l'arrêt rendu sur déféré du 29 octobre 2020 ayant déclaré irrecevable l'appel de M. et Mme [F] en ce qu'il était dirigé contre la société My Money Bank, la cour n'est pas saisie des demandes formées par eux contre celle-ci »
- et « Statuant dans les limites de sa saisine, infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il » (le reste sans changement) ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société HPA Holding, in solidum avec la société Les Jardins de Saint-Benoît, à payer à M. et Mme [F] la somme de 79 534 euros au titre de leur apport personnel ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de M. et Mme [F] contre la société HPA Holding à leur payer la somme de 79 534 euros au titre de la restitution de leur apport personnel ;
Condamne M. et Mme [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-cinq.