N° Y 24-81.744 F-D
N° 00384
ODVS
25 MARS 2025
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 MARS 2025
Mme [N] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-11, en date du 6 février 2024, qui, pour rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, l'a déclarée coupable et l'a dispensée de peine.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [N] [U], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 1er avril 2021, une contravention du chef de participation à un rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale en état d'urgence sanitaire a été relevée à l'encontre de Mme [N] [U].
3. Le 5 janvier 2023, le tribunal de police a déclaré Mme [U] coupable du chef susvisé et l'a condamnée à 300 euros d'amende.
4. La prévenue, puis le ministère public, ont relevé appel du jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [U] coupable du chef de rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale en état d'urgence sanitaire ou devant faire face à l'épidémie de Covid 19, alors « qu'une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et faisant l'objet de poursuites non encore terminées par une décision passée en force de chose jugée ; qu'en déclarant la prévenue coupable de l'infraction de rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale en état d'urgence sanitaire ou devant faire face à l'épidémie de covid-19, infraction réprimée par les dispositions alors applicables de l'article L. 3136-1 alinéa 3 du code de la santé publique, lorsque ces dispositions législatives ont été abrogées par l'article 1, II., 7° de la loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022, entrée en vigueur le 1er août 2022, la cour d'appel a violé l'article 112-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 112-1 du code pénal :
6. Selon ce texte, une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et faisant l'objet de poursuites non encore terminées par une décision passée en force de chose jugée.
7. Pour déclarer la prévenue coupable de la contravention de rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, l'arrêt attaqué énonce qu'aux termes de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur lors des faits, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence était déclaré, le Premier ministre pouvait, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique, limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique.
8. Les juges ajoutent que le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de la Covid 19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, prévoyait en son article 3, notamment, que les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public autres que ceux mentionnés au II dudit article mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes étaient interdits.
9. Ils en concluent que le rassemblement auquel a participé la prévenue ne faisait pas partie de ceux autorisés par ledit décret.
10. En se déterminant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 3136-1, alinéa 3, réprimant la contravention de rassemblement interdit sur le voie publique dans une circonscription territoriale où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, ont été abrogées à compter du 1er août 2022 par la loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 6 février 2024 ;
CONSTATE l'extinction de l'action publique ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
RAPPELLE que du, fait de la présente décision, le jugement de première instance perd toute force exécutoire ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt-cinq.